TRAVERSEE SAINT-MALO/COWES/SAINT-MALO : Raid estival, un régal !

mardi 28 février 2017 17:21



En juillet dernier, Pascal et son fidèle second, Gérald, ont effectué une belle navigation, jusqu'à l'Île de Wight, aller et retour, au départ de Saint-Malo. Une traversée d'été, mais à un rythme soutenu, avec quelques jolies escales anglaises au cœur du Solent, dans lequel se jettent quelques rivières qui valent de s'y aventurer. Et bien sûr, le croisement des deux "rails" de la Manche, slalomant entre les géants de la marine de commerce.


Texte et photos Pascal Lassus

14 juillet 2016 : bye bye les Bas-Sablons !

 
L’idée de départ : aller explorer le Solent et les rivières anglaises alentours, avec mon Zeppelin 750… Une seule solution, traverser la Manche, au départ de Saint-Malo, en mode "raid", afin d'être totalement autonome sur place. Soit, 155 milles au total avec au programme : les Minquiers, Jersey, les Ecréhou, le Raz Blanchard, les rails montant et descendant la Manche, les Needles, le Solent et enfin Cowes, sur l'Ile de Wight !
J’ai entièrement confiance en mon Zeppelin 750 XV PRO, armé en hauturier, et propulsé par un Suzuki DF300. Il nous faut alors la bonne fenêtre météo, et marée tant qu’à faire, pour s’assurer surtout un passage du Raz Blanchard en sécurité. Les 14, 15 et 16 juillet se présentent bien, avec 10 à 15 nœuds de vent le jeudi, mais 5 à 6 nœuds les samedi et dimanche. En bonus, une séquence de mortes-eaux sur ces trois jours, avec de très faibles marnages.
 
Départ fixé au jeudi matin, port des Bas-Sablons 08h30. Bottes, cirés, 230 litres + un jerrican de 20 litres, deux sandwiches, de l‘eau minérale et nous voilà OK pour appareiller sous… un grain de pluie, histoire de nous hydrater avant l'heure ! Le vent de Nord-Est, la houle et la route directe nous font mettre le cap sur l’Est des Minquiers, soit plein Nord, à raser la perche Lecoq, avant de faire route sur Saint-Hélier, bien dans l‘Ouest de la Nord Minquiers, pour un premier stop (café et essence).
 
Avec 34 milles parcourus en deux heures et 45 litres consommés par notre V6, cette première petite séquence se déroule parfaitement, malgré une mer qui ne nous aide pas à glisser. La pompe est très facile d’accès, sur ponton, juste à l’entrée de Victoria Marina, à droite, au pied du rempart. Deux agents du port pour les amarres, un troisième pour l’essence, un service parfait avec, en prime, quelques mots en français !
 A suivre, un café brûlant, en haut du Pier Albert, et au soleil : le bonheur simple.
 
A 11h30, nous mettons le cap sur Cowes, et d’abord le banc Violet à l’extrême pointe Sud-est de Jersey. Puis viennent les Ecréhou, que l’on contourne par l’Ouest et que nous traverserons au retour… Enfin au bout de 28 milles, le Raz Blanchard, particulièrement calme, comme attendu, entre Aurigny et la Hague, sous les jumelles du Cross Jobourg. RAS. En fait, le secret c'est de caler l’heure de départ essentiellement sur celle de passage souhaitée au Raz Blanchard. Ici, on ne plaisante pas avec la marée, et surtout avec le vent contre le courant de marée, ou pas. Morte-eau, vent faible et heure d’étale nous garantissent un passage confortable. Nous sommes alors à mi-route, cap au 20 sur les Needles, avec la bordure du rail montant à 5 milles devant notre étrave. Les premiers cargos apparaissent rapidement sur notre gauche, certainement à des vitesses de 15 à 20 nœuds. Mais nous filons plus de 20 nœuds et traversons facilement ces cinq milles d’autoroute des mers, puis franchissons tout aussi vite la zone de séparation et le rail descendant. Malgré tout, ces rails nous donnent l’occasion de plusieurs petits stops : nous observons avec détail les cargos, méthaniers, vraquiers, pétroliers, et autres porte-containers aux dimensions impressionnantes. Nous les regardons, les écoutons, les sentons, chacun avec son bruit, son odeur, ses couleurs… 
Une vraie concentration du commerce mondial défile sous nos yeux ; tous ces bateaux arrivent d’Asie, d’Amérique du Sud ; certains ont chargé à Shanghai, d’autres au Brésil, en Afrique… Ils vont livrer pas moins de 80% de nos biens de consommation quotidiens, à Rotterdam pour la plupart ! Nous reconnaissons les voituriers, si typiques avec leurs coques complètement fermées, les couleurs des grands armements si caractéristiques : la Hamburg Sud et son rouge vif, la Maersk Line et son bleu ciel, la China Shipping et son vert foncé, ou encore la CMA CGM et son bleu marine… Nous  surveillons les 18000EVP, dernière génération de porte containers, Maersk ou CMA CGM.
 
Alors, suivent 40 milles de ligne droite, sans croiser un seul bateau, avant de voir apparaître sous un rayon de soleil magnifique les "stars" du Solent, les bien nommées Needles "aiguilles blanches" (pics crayeux) connues des marins d'ici et d'ailleurs. Forte houle sur l’entrée, avec le banc des Shingles sur notre bâbord. Il faut surtout respecter la bâbord South West Shingles. Ayons à l’esprit que même si nous sommes très à l’aise en semi, on peut être mis en danger sur ces déferlantes à fortiori par gros coefficient de marée contre le vent. Au pire, on rentre par l’Est de l’Ile de Wight, en allant chercher la tour Nab. Plus que 12 milles jusqu’à la marina Cowes Yacht Haven, pour un accueil chaleureux, une place à quai immédiate, et un soleil resplendissant. Ces 12 milles sont une formalité que nous accomplissons à basse vitesse, histoire de savourer notre arrivée et surtout la perspective d’une bonne bière ! A gauche, la  rivière de Lymington, et la marina Berton, à droite Yarmouth, plus loin Beaulieu River, Cowes, et plus loin dans l’Ouest, Southampton, la rivière d’Hamble… Plus à l’Est, Gosport, Porthsmouth, Langstone, Emsworth et Chichester Channels. Notre programme s’affiche ainsi tout naturellement sur l'écran de notre Simrad ! Les pointes de Haterwood, Warden, Hurst Casle défilent sur chaque bord, alors que la mer se calme et que nous glissons lentement vers l’entrée de la Médina River et West Cowes.
 
Nous avons couverts 154 milles, à 19,1 nds de moyenne avec un ratio de consommation de 1,1 litre au mille. Une consommation qui s'explique par une vitesse réduite avant le Raz Blanchard en raison de l'état de la mer. A titre indicatif, les deux nuits pour un semi-rigide de 7,50 m sont facturées 29,75 £. Mon Zeppelin 750 a fière allure avec sa belle largeur, ses boudins imposants, ses flaps, sa console haute, son large bolster. Il diffère carrément des semi-anglais : étroits, avec des consoles basses adaptées aux sièges jockey, et des carènes à V marqués et constants…. Suite du programme : douche et installation dans notre petit cottage, The Dovecote, à une minute à  pied du bateau.

 

15 juillet 2016 : le charme "So British" de la Medina River

 
Après l'offshore, l'inshore, avec une journée entièrement dédiée à l’exploration des différentes rivières et ports : Medina River, Newport, Hamble River, Portsmouth, Gosport, Southampton, Lymington, Beaulieu river. En sortant de Cowes Yacht Haven, nous embouquons directement la Médina River que nous remontons jusqu’à l’entrée du port de Newport. Immédiatement nous croisons le bac à crémaillère, unique, qui relie East Cowes à West Cowes. Attention de bien s’écarter de l’arrière du bac à cause des deux chaînes : un spectacle unique !
 
Sous le soleil du matin, la Médina River est réellement magique, avec une succession de chantiers plus typiques les uns que les autres, des milliers de bateaux de toutes sortes au mouillage, sur des kilomètres de pontons, le long des champs. Nous croisons même une barge transportant une pale d’éolienne d’au moins 60 m de longueur (!), le tout au milieu des voiliers, des ferries de la Red Funnel, et de la Wight Link, devant les terrasses du prestigieux Royal Yacht Squadron : terriblement britannique (ndlr : il y a encore peu, ce club était réservé aux hommes) ! Nous manoeuvrons ensuite vers Portsmouth et Gosport, là encore, un haut lieu de la marine de commerce britannique, puisque dans l’étroit goulet d’entrée se croisent ferries de la P&0, de la Britanny Ferries, frégates militaires, ferries de la Wight Link, catamaran volant du Land Rover Team Racing, flottes de régates et énormes remorqueurs en pleine manœuvre… Le tout bercé par le souffle des aéroglisseurs qui arrivent toutes les 40 minutes de Ryde. Incroyable trafic ! Nous visitons donc le Terminal Ferries, le vieux Port de pêche typique de Portsmouth, la base du skipper Ben Ainslie pour la future América’s Cup ainsi que Haslar Marina, signalée par un énorme bateau-feu vert, qui fait office de restaurant, à quelques encablures des célèbres chantiers Camper & Nicholson. A nouveau ici, toute la variété et la richesse des rapports qu’entretiennent les Anglais avec la mer.
 
Direction Hamble où, là encore, des milliers de voiliers nous attendent. Mercury Port Harbour, Hamble Point Marina, Universal Marina, Swanwick Marina, tout au long de l’incroyable rivière d’Hamble, accueillent chacune un nombre infini de bateaux de plaisance. Après le pont Bursledon, les marinas ne reçoivent que les vedettes. Le Banana Wharf, à Hamble Point Marina, est une excellente adresse pour déjeuner en terrasse avec son bateau au ponton, sous ses yeux ! Les spaghettis Puttanesca y sont épicés et délicieux ! Accueil au Harbour Office et mise à quai immédiate pour 8 £, au pied du pier. Enfin, il y a Southampton, son avant-port pétrolier et son port voiturier, avant de toucher Town Quay Marina, célèbre pour avoir accueilli les flottes de la Whitbread Race Around The World (ndlr : course à la voile autour du monde en équipage). Vers 18h00, retour à Cowes Yacht Haven, après avoir opéré un plein d’essence à Hamble. Il s’agit maintenant de profiter des pubs en "happy hour", heure à laquelle Cowes redouble d’activité !
Notre départ retour est fixé à 08h00, heure locale, afin de se présenter pour 08h35, étale de basse mer en sortie des Needles. Nous n’avions pas envie de revivre la séquence d’arrivée, contre la mer… De fait, nous sortons, des Needles, à 08h35 locale précisément, par léger clapot et superbe lumière. Puis ce sont 40 milles non-stop au 195, pour rejoindre la bordure du rail descendant, au cours desquels nous dépassons allègrement quelques vedettes anglaises et autres voiliers de croisière. Ces deux heures de mer se déroulent sans encombre, dans un clapot assez irrégulier, qui nous fait chercher sans cesse la bonne vitesse, entre 18 et 22 nœuds, selon les moments, assez trimé pour soulager l’avant, sachant que nous embarquons plus de 200 litres d’essence. Mais, le 750 est parfait, et cette navigation reste un régal hauturier et  tonique. Sur notre gauche descendant d’Europe du Nord, les premiers navires apparaissent, vraquiers, et pétroliers essentiellement. Il nous faudra 15 minutes pour couper ce rail, 15 de plus pour l'intervalle, et nous voilà sur le montant, plus fréquenté, notamment par des tankers que nous approchons.
 
A ce niveau-là, la suite de la navigation nous occupe davantage puisque successivement, il s’agit de se présenter au Raz Blanchard, de traverser les Ecréhou, de parer le Banc Violet au Sud-Est de Jersey, de traverser l’Est des Minquiers, avant d’atterrir 18 milles plus au Sud sur Saint-Malo. Nous opérons une pause de 15 minutes en dérive une fois le Raz franchi, afin d’enlever cirés et bottes, et de nous restaurer un peu. Malgré la morte-eau, et l’heure d’étale, nous dérivons à plus de trois nœuds dans d’énormes bouillons, calmes mais puissants et heureusement sans vent. Cet endroit est diabolique ! On n’ose imaginer 40 nœuds de vent par gros coefficient de marée contre le courant… La mer est d’huile, turquoise, les nuages blanc fluo, la glisse maximale et donc toutes les séquences à suivre sont d’un plaisir intense ; le 750 glisse à 28/29 nœuds, soit pour le V6, à 4 000 tr/min, en douceur, et presque en silence ! La passe des Ecréhou est large et franche : nous avons à peine ralenti. Le banc Violet est paré sans encombre et la Nord Minquiers très vite laissée dans le sillage, avant de doubler la perche Lecoq. Nous voilà dans nos eaux, car Lecoq est notre point d’arrivée aux Minquiers depuis des années… Nous doublons la Sud-Est Minquiers, et distinguons le clocher de Saint-Malo. Déjà presque nostalgiques de notre virée anglaise, nous savons que la Conchée, puis les Bé signent définitivement notre arrivée.
 
Avec 140 milles parcourus à 22,5 nœuds de moyenne, soit avec un ratio de 1,3 litre au mille, le Suzuki de 300 ch "a fait le job" et est resté fidèle à nos prévisions. Ce qui nous fait un total de 355 milles, dont 120 en Manche, 80 dans les rivières et le Solent.
154 à la montée, avec un stop Jersey. Puis 140 au retour, route directe à travers les Ecréhou notamment. Blancs de sel, boudins, moteur et bateau seront longuement rincés à quai. Mais, nous reviendrons ! Oui, nous reviendrons notamment pour nous amarrer à Lymington, Beaulieu, remonter la rivière de Portsmouth jusqu’à Fareham Marina, et surtout Langstone Channel. Femmes et enfants en ferry, pour les traversées aller et retour, puis rivières en familles. A bientôt !
 

Quelques infos utiles…

 

Navigation

Depuis Saint-Malo, un seul point sensible : le Raz Blanchard qui peut être dangereux 
Se présenter de préférence aux heures d’étale ; ne pas se présenter avec vent contre courant de marée, à fortiori lors de forts coefficients ; privilégier un passage plus proche d’Aurigny ; dans tous les cas rester concentré sur cette séquence.
Les rails à couper de préférence le plus perpendiculairement possible ; croiser derrière les cargos et autres porte-containers.
Intégrer une mer potentiellement plus forte sur l’arrivée aux Needles et ne pas s’approcher du banc des Shingles.

Essence

On trouve des pontons fueling/refueling à l‘entrée de chaque marina, très bien indiqués, avec systématiquement quelqu’un pour prendre les amarres ; idem à Jersey.

Marinas

Cowes Yacht Haven : accueil parfait, chaleureux, 29,75 € deux nuits pour un 7,50 m.
Gosport, Haslar Marina, Hamble Point Marina.

Hébergement

Cottage The Dovecote : 28 terminus road, Cowes.
Tarif : 160 € les deux nuits tout confort, à 2 minutes à pied de la marina.
Accueil : agréable avec full breakfast, servi par Jenny, charmante britannique, aux petits soins pour ses hôtes.
 

Restauration

Un choix très large dans High Street à Cowes, du traditionnel Fish and Ships, au restaurant indien, italien, grill…
Notre bonne adresse : The Mess Cantin Bar, 63 High Street, Cowes.
 

Pour prendre un verre

A Cowes, on trouve des pubs à chaque coin de rue. Nous avons nos habitudes au "The Anchor Inn", à partir de 19h00, large choix de bières et whiskies, avec les fameuses chips au vinaigre…
 
 


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