Round Britain Rib Cruise 2014 : Un tour bien british !

vendredi 03 mars 2017 11:56



Gilles et Désiré, deux membres du Belgian Pneumaticlub, fameux club réservé aux passionnés de bateaux gonflables, ont parcouru 1 600 milles autour de l'Angleterre, au sein d'une flottille de semi-rigides. Une navigation de près de deux semaines, et bien arrosée ! Récit.


Texte et photos Gilles Van Haelst (à bord de Kalish)

Durant le challenge autour de l’Irlande, à l’été 2013 (voir notre reportage dans Pneu Mag n°99), je me demandais déjà ce qui pourrait bien être organisé pour 2014… J’avais bien proposé un tour d’Ecosse, ou de refaire le prologue de la Venture Cup (Londres – îles anglo-normandes) mais pour petits bateaux. Fin septembre, Powerboat & RIB Magazine, organisateur du Round Ireland Rib Challenge, annonce un tour d’Angleterre en 2014 et un tour d’Ecosse en 2015. Je sens déjà mon portefeuille s’alléger… Je savais que Désiré Hincq, mon coéquipier en Irlande (membre fondateur de notre club), était intéressé, mais je lui demande néanmoins confirmation. La réponse fuse : "Pas de problème, et OK aussi pour l’Ecosse en 2015 !" Puis, j’en touche un mot à mon paternel, propriétaire du semi-rigide familial... Réponse positive : je pourrai disposer du bateau pour la période du 25 juillet au 5 août !
 
Deux mois avant le départ, mauvaise nouvelle. Vu le grand nombre de participants, nous nous voyons refuser le refueling dans les marinas ne disposant pas d’essence à quai. La manipulation d’essence en grande quantité constituant un risque que les autorités portuaires ne veulent pas assumer. Avec quelques équipages, nous décidons de prendre en main l’organisation du ravitaillement… Six semi-rigides et deux vedettes Targa formeront le groupe. Départ prévu à Southampton, pour 1 600 milles en 12 étapes.
 
Sans découragement, je me remets au travail et revois mon plan de "sponsoring". Fin décembre, j’envoie une demande de prêt de cartes marines sur Ribnet et sur Facebook. Le magazine belge Yachting Sud me propose de passer gracieusement une annonce dans son édition de février. Pas de problèmes pour les cartes, j’en reçois de Benoît et Abdel, membres du Belgian Pneumaticlub. Remerciements aussi à Mercury Marine qui m’a fourni l’huile nécessaire pour réaliser cette aventure. Je naviguerai à nouveau à bord de Kalish, un Humber Ocean Pro de 6.30 m propulsé par un Mercury Optimax de 175 ch. La configuration du bateau est simple, avec une console centrale, deux sièges jockey et une banquette arrière. Le réservoir fixe de 200 litres, intégré à la coque, offre une belle autonomie. Deux jerrycans de 20 litres assureront la réserve et ajouteront du poids à l’avant, pour naviguer plus confortablement en mer formée.
 
Durant l’hiver, j’ai inventorié ce que j’avais utilisé durant le tour d’Irlande et ce qui ne m’avait pas servi. Le sac étanche contenant la tente, les sacs de couchage et les matelas ne seront plus embarqués. Avant le départ, je souhaite rajeunir l’électronique. J’étudie les nouveaux produits et j’opte pour deux GPS Lowrance GEN2, respectivement de 8 et 5 pouces. Disposer de deux cartes à différentes échelles est un plus dans ce genre d’aventure. Nous achetons de nouveaux casques Gecko, plus légers et moins encombrants, ils s’avèreront bien plus confortables que nos anciens casques moto. Avec Désiré, nous revoyons l’aménagement du bord. Les deux réservoirs d’appoint étant placés sur la trappe d’accès du puits à ancre, nous déplaçons l’aussière de 30 m, le V de remorquage et le matériel de sécurité sous le siège jockey du pilote. Nous devons pouvoir en disposer rapidement. Les vivres sont placés dans le siège tribord. L’ancre, la trousse à outils et une seconde ligne de 50 m resteront dans le puits à ancre. 
Dans la partie inférieure de la console, nous stockerons les vêtements. Même si l'essentiel du matériel prend place dans des coffres, tout sera stocké dans des sacs étanches. Dans la partie supérieure, près de la batterie, nous garderons les petits accessoires à portée de main (crème solaire – soyons optimistes ! - trousse de secours, documents de bord…). Pas de rangement prévu pour nos cirés et gilets, ils seront portés dès le départ à chaque étape.
 
Cette année, nous disposons du plus petit bateau de la flottille. Nous serons accompagnés par : un Osprey de 7.20 m avec un Evinrude 250 ch, deux Shearwater, l'un de 6.80 m motorisé avec un Mercury Four Stroke 150 ch, l'autre de 8.50 m par un Mercury Verado de 275 ch, un Redbay de 7.40 m avec un Suzuki 250 ch, et un second Redbay de 10 m, ainsi que deux vedettes Targa de 27 et 32 pieds.
Nous quittons nos domiciles belges de nuit, le 22 juillet, direction Calais. Après une heure de traversée en ferry, nous débarquons à Douvres et prenons la route pour Southampton, avalant les quelque 250 km en un peu plus de trois heures, et arrivons au Mercury Yacht Harbour. Cette magnifique marina dispose d’une mise à l’eau, d’un parking surveillé 24/24h et d’une pompe à essence située à 1 mille, sur la rivière Hamble.
 

Jour 1 : Southampton - Plymouth  (147 NM)

A 08h30, nous quittons la marina pour rejoindre un premier groupe de participants. À 10h00, nous rejoignons Finn, partis d’une rivière plus au nord. Puis, nous fonçons vers les Needles, accompagnés de deux autres semi-rigides venus nous saluer. A la pointe ouest de l’île de Wight, un premier Targa nous rejoint ainsi qu’un second Osprey qui nous accompagnera jusqu’aux îles Scilly. Devant Poole, le second Targa prend place dans l’armada. Malheureusement, on déplore déjà un premier abandon : un Redbay a heurté un objet flottant et a cassé l'une de ses embases Z-Drive.
La mer est belle, sous un grand soleil, et nous apprécions cette première journée. Nous faisons une pause déjeuner au port olympique de Weymouth, puis rejoignons Plymouth à une vitesse moyenne de 28 nœuds.

Jour 2 : Plymouth - Iles de Scilly (105 NM)

Magnifique journée, nous avons la chance de croiser des dauphins et rencontrons une famille également partie de Southampton et réalisant aussi son tour d’Angleterre, à bord d'un Ribeye de 6 m. Notre vitesse moyenne étant trop élevée, ils préfèrent naviguer en solo mais nous les rencontrerons lors de plusieurs étapes et finirons le tour ensemble.
La mer étant presque plate, les vitesses s’affolent, nous naviguons par moments à plus de 31 nœuds ! 
 
C’est trop de mon point de vue : je vois ma consommation d’huile exploser et crains déjà d’en manquer pour finir le tour. L’arrivée aux Scilly se fait sous un soleil de plomb et commence alors la longue séance de ravitaillement, pour chaque participant.

Jour 3 : Iles de Scilly - Neyland Marina, Milford Haven  (129 NM)

Nous quittons les îles sous un épais brouillard, au point que par moments, nous nous perdons de vue. L'un des deux Targa ouvre la marche en communication avec le second, les yeux rivés sur leurs radars et AIS. Nous rencontrons à nouveau un banc de dauphins et essayons d’éviter les nappes de brouillard en naviguant à distance des côtes. Nous avalons cependant rapidement les 130 NM et rejoignons Neyland. "In to the Red", un Osprey rouge venu de Dinard doit nous quitter aux Scilly pour être de retour en France, et cassera son inverseur en chemin.

Jour 4 : Neyland Marina, Milford Haven - Dun Laoghaire (133 NM)

Les pleins d'essence se font avant le départ, ce qui prend une bonne heure. Nous quittons l’Angleterre, direction l’Irlande. Les conditions se gâtent et les vagues grossissent… Nous réduisons la vitesse à 19 nœuds, mais le bateau cogne encore.
En approche de l’Irlande, profitant d’un vent d’ouest, nous longeons la côte dans de meilleures conditions. Je mène la flottille lorsque j’apprends par la VHF qu’une alarme moteur a retenti sur l'un des Targa. 
Le second Targa restera en soutien du 32 pieds. Nous faisons escale à Rosslare pour faire le point et déjeuner. Le "petit" Targa est à son tour victime d’une avarie et doit se faire remorquer. Mais pour nous, la fin du périple vers Dublin se passe sans encombre. Les deux Ribs qui ont assuré l’assistance aux Targa rejoindront la marina vers 20h30.

Jour 5 : Dun Laoghaire Bangor Northern Ireland  (101 NM)

La mer d’Irlande nous réserve encore des surprises, nous partons par mer calme, mais elle change brusquement. Nous ne quittons plus nos casques. Ce fut néanmoins une journée agréable, sportive et pas trop longue. Finn, sur son Redbay, casse le support de son GPS qui sera réparé dès le lendemain.La famille au Ribeye, rencontré en début de raid, décide de ne plus naviguer seule et rejoint le groupe. En revanche, les deux Targa sont bloqués à Rosslare et doivent attendre la venue d’un technicien.

Jour 6 : Bangor - Oban  (109 NM)

La pluie a fait son apparition alors que nous arrivons en Ecosse. Les ennuis techniques se multipliant, je décide de réduire mon allure de croisière. Je l’annonce au groupe et je naviguerai en compagnie de deux autres bateaux. Le lendemain un troisième nous accompagnera.

Jour 7 : Oban - Inverness  (82 NM)

Après une trop courte nuit, nous rejoignons le bateau sous un véritable déluge. Le temps de sortir du taxi, nous sommes trempés et nos cirés sont à bord. C’est la course pour s’équiper ! J’adore ces matins, sous la pluie, sans avoir petit-déjeuner… La journée s’annonce longue.
Nous prenons la route vers les terres écossaises et slalomons entre les îles et les hauts fonds afin de rejoindre la première écluse du canal calédonien. 07h40 : après une petite heure de navigation, nous remplissons les formalités administratives et acquittons les frais de passage, toujours sous la pluie. Nous passons les sept premières écluses, profitons d’un paysage magnifique mais très humide. Après les canaux et le premier loch, l’éclusier nous avertit que nous ne pourrons rejoindre Inverness. Les écluses ferment à 17h00. Nous nous arrêtons donc avant le Loch Ness. L’hôtel étant réservé, nous prenons le taxi jusqu’à Inverness. On se dépêche, une douche, un resto rapide et j’annule mes prochaines réservations. Du coup, ce sera la course les soirs suivants pour réserver une chambre, ou en chercher une dès l’accostage.

Jour 8 : Inverness (en bateau cette fois !)

Dans le brouillard et sous un crachin nous passons cinq écluses et naviguons sur le Loch Ness, lac sublime (par beau temps). Nous nous arrêtons devant Urquhart Castle, je prends mon courage à deux mains pour faire deux photos, toujours sous la pluie battante. Toujours pas trace du monstre… Nous arrivons à Inverness après 97 km de canaux et lochs, 29 écluses, 4 aqueducs, 10 ponts (!) et faisons les pleins à l’aide de jerrycans. Durant quatre jours, un véhicule suivra notre route, nous permettant de faire les pleins dans les marinas ne disposant pas d’essence à quai.

Jour 9 : Inverness - Arbroath  (165 NM)

Avec trois autres semi-rigides, nous décidons de partir plus tôt. 
Approchant les plates-formes pétrolières, nous sommes survolés par de nombreux hélicoptères qui font la navette avec la terre. Les coastguards venus à notre rencontre parcourent quelques milles à nos côtés.
La journée paraît interminable, la mer est mauvaise et je n’arrive pas à trouver une vitesse confortable. Les Targa, enfin réparés, nous suivent, mais avec un jour de retard. Malheureusement pour eux, ils subissent de nouvelles avaries… L’un perd son hélice d’étrave et l'autre subit une nouvelle alarme moteur. Ce sera la fin du périple pour ces deux vedettes.

Jour 10 : Arbroath - Whitby  (154 NM)

La mer reste hachée, le vent souffle à force 6, sur certains hauts fonds nous réduisons la vitesse à 9 nœuds. L’horreur ! Ca cogne, on se perd de vue, et la consommation augmente…
Sous des paquets de mer, soudain une alarme se déclenche… Gros coup de sang ; je m’aperçois qu’il ne me reste plus qu’un litre d’huile. Nous refaisons le plein et décidons de transvaser nos deux jerrycans dans le réservoir principal… Le tout en moins de dix minutes, et l'on repart ! Nous embarquons un max d’embruns, à tel point qu’un gilet automatique se gonfle dans l'un des pneus.

Jour 11 : Whitby - Lowestoft  (159 NM)

A nouveau, une navigation rude. Je dois avouer que j'en ai un peu marre, on se fait rincer, je suis crevé, j’ai faim, j’ai soif, j’ai envie de faire autre chose que du bateau ! J’ai envie de déstresser un bon coup. Ce sera pour plus tard…
La mer est mauvaise, mais l’entrée du port de Lowestoft est excitante. Il faut surfer entre les déferlantes ! A notre arrivée, sous le soleil, je cours vers le club-house de la marina et demande une chambre… Il y en a une de libre, super ! Nous passons plus d'une heure à nettoyer le bateau, rincer les sacs et faisons un check-up complet du matériel. Tout est OK.  On peut enfin se doucher et manger. Le dîner sera rapide, le ravito arrive, nous filons sur le ponton pour refaire les pleins. Les effluves d’essence n’aident pas à la digestion de mon fish and chips…

Jour 12 : Lowestoft - Ramsgate  (93 NM)

Les nuits sont courtes, car tout doit se faire en vitesse. Heureusement l’ambiance est bonne et les soirées au pub agréables. Au départ, mer belle, et il ne pleut plus mais, devant l’estuaire de la Tamise, les vagues hachées m’empêchent une nouvelle fois de trouver une vitesse de croisière agréable. Nous pensions que ce serait une courte journée facile, et bien non !
A Ramsgate, surprise, nous retrouvons Mike le propriétaire du Targa 27, il arrive de Southampton à bord de son Scorpion ; un accro celui-là !
Nous nous retrouvons tous au pub pour passer la dernière soirée, partager nos impressions et parlons déjà du prochain tour d’Ecosse.
Les dernières nouvelles ne sont pas bonnes pour Huw, le propriétaire du Targa 32, obligé de le faire transporter sur semi-remorque en convoi exceptionnel… Pas la joie. 

Jour 13 : Ramsgate Southampton (139 NM)

La mer est plate ce matin, il fait bon et la navigation est agréable. 
Pas vraiment le cas de la nuit passée dans un B&B d’une propreté plus que douteuse... Nous faisons escale à Brighton pour notre dernier déjeuner en commun. Nous ne nous attardons pas et poursuivons seuls vers Southampton, car les prévisions annoncent un vent forcissant dans l’après-midi. L’entrée dans le Solent, en pleine Cowes Week, est délirante. Nous sommes obligés de passer près des hauts fonds tellement les flottes régatant sont denses. Nous ôtons nos casques et profitons du spectacle. Grave erreur… Les derniers 25 nautiques se feront sous des seaux d’eau. Mes lunettes sont couvertes de sel, je ne vois plus rien.
 
Mais nous voilà de retour à Southampton, le cœur un peu serré, mais fiers d’avoir réalisé ce tour d’Angleterre. Nous nettoyons le bateau et préparons la remorque en attendant la marée haute. Nous décidons de rentrer directement en Belgique après ces derniers 140 nautiques.
Ce fut, une fois encore, une magnifique aventure, remplie de rencontres enrichissantes, et nous permettant de repousser encore nos limites. Un grand coup de chapeau à mon coéquipier, Désiré Hincq, 64 ans, qui a accompli son second tour d’Angleterre à bord d’un semi-rigide.

Débriefing

Comme l’an dernier, le Humber s’est particulièrement bien comporté, sa carène reste très sûre en toutes circonstances. Le Mercury Optimax 175 ch (plus de 800 h au compteur) a tourné comme une horloge.
 
Conso totale : 1 700 litres d’essence pour 1 600 nautiques, 35 litres d’huile… N’étant pas amateur de combinaison sèche, mon ensemble Musto HPX, le casque Gecko et mes bottes Dubarry m’ont toujours gardé au sec. Quant aux nouveaux GPS Lowrance, ils ont fonctionné à merveille. Chaque matin nous partagions la route tracée sur PC, grâce aux cartes SD. Pratique ! Cette superbe mais onéreuse aventure nous laissera, à coup sûr, des souvenirs impérissables.