Essai paru le 01/01/2012
*Beau comme une sculpture intemporelle, l'inédit BF 250 se place au sommet de la production du motoriste japonais. Avec ce 6-cylindres high-tech, Honda comble en partie l'écart de puissance avec Yamaha, Suzuki, Mercury et Evinrude, tous dotés de 300 ou 350 ch. Voilà qui met l'eau à la bouche ! Verdict.*
Texte Philippe Leblond – Photos Philippe Leblond et Honda
Ambiance napolitaine pour ces essais presse organisés de main de maître par Honda Marine Europe, avec pour spectateurs attentifs, le soleil et un maître "es-explosion" : le Vésuve ! Nos "explosions" à nous, vont venir des Honda BF250, montés pour l'occasion sur des semi-rigides (Scorpion et Honda 4XC) et des rigides (Bénéteau et Ranieri). Exposée à Gênes, en vedette du stand Honda, cette belle mécanique ne dépare pas sur le tableau arrière des bateaux d'essai. Tous en monomoteur, sauf un, le X4C H9, un beau semi-rigide à cabine armé de deux BF250. L'occasion d'apprécier la compacité du montage, grâce à l'architecture de ces V6 ouverts à seulement 60 degrés et dotés de la contre rotation (sauf en arbre long).
Puisqu'on en est à parler de l'extérieur, notons au passage les entrées d'air (pas factices celles-ci) qui ornent le capot moteur (une frontale, deux latérales, et une sortie sommitale). Le "Direct Air", ainsi baptisé par les ingénieurs japonais, consiste à augmenter la densité et la fraîcheur de l'air d'admission, grâce à deux circuits indépendants (entrés d'air frais, sortie d'air chaud), afin d'améliorer la combustion et doper la puissance et le couple. L'induction d'air par le capot permet également d'abaisser le niveau sonore. Autre perfectionnement, perceptible à l'œil nu, le pied d'embase, nettement plus profilé que celui de son aîné, le BF225. L'obus adopte même un timide "nose cone" (cher aux moteurs de compétition) qui améliore l'hydrodynamique. Ce carter d'engrenage renferme un rapport de transmission de deux pour un, soit un bon compromis vitesse/accélération, et permet le montage d'hélices de fort diamètre (jusqu'à 16 pouces) pour un pas pouvant atteindre 23, voire 24 ou 26 pouces !
Mais, à l'intérieur aussi le BF250 a de quoi faire parler de lui… Dérivé du bloc V6 de 3,4 l qui équipe déjà les 175/200/225 ch, il ajoute 112 cm3 et porte son régime maxi de 6 000 à 6 300 tr/min grâce à la réduction des frictions internes. Ce moteur, dérivé de celui de la Legend, le haut de gamme auto de Honda, possède tous les raffinements : systèmes VTec (calage variable des soupapes d'admission, avec une levée plus importante au-dessus de 4 500 tr/min), Blast (l'électronique booste l'injection et l'allumage pour une meilleure accélération, à bas et moyen régime), ECOmo (via des sondes placées dans l'échappement, le calculateur ajuste l'allumage et l'arrivée de carburant pour diminuer la conso en vitesse de croisière), PGM-Fi (injection électronique qui diffuse un mélange ultra-précis pour de meilleures reprises et une conso optimisée), sans oublier l'alternateur haute puissance, capable de fournir 90 ampères… Et bien sûr, le BF250 est configuré NMEA 2000, permettant l'interfaçage de tous les instruments électroniques du bord. L'étrier de fixation a été modifié pour faciliter l'accès au connecteur NMEA. Pour simplifier la maintenance, la boîte de fusibles et le filtre à essence ont été rapportés sur la face avant du bloc moteur. Voilà pour l'essentiel, passons à l'essai…
*Essai BF250*
Lorsqu'on démarre ce moteur, il faut tendre l'oreille pour s'assurer qu'il tourne bien. La discrétion sonore est parmi les points forts des mécaniques 4-temps, et de celle-ci en particulier. Aux 62 décibels enregistrés par nos soins (c'est vraiment bas), il convient d'ajouter l'absence totale de fumée au démarrage. Et même dans les bas régimes, les vibrations sont à peine perceptibles. Voilà qui fait merveille dans les manœuvres au port ou en régime de traîne pour la pêche, d'autant que Honda a fait évoluer sa commande d'inverseur, afin qu'il n'y ait pas de phénomène de crabotage. Les changements de marche sont, en effet, pratiquement aussi doux qu'avec des commandes électriques. La commande de gaz s'avère, elle aussi, précise et progressive, ce qui réconcilie avec la traditionnelle commande mécanique, par ailleurs nettement préférable en pilotage sportif.
Une fois au large, le moment est venu de goûter à la puissance de ce nouveau BF250. Notre premier essai s'est fait à la barre du Scorpion ST9, superbe semi-rigide anglais à carène étroite et en V profond. Petite déception en raison d'un déjaugeage un peu laborieux (6"5), en regard de la puissance installée... Mais, il convient de relativiser, compte tenu du cabrage prononcé propre à ce profil de carène, et rappeler que ce Scorpion est un semi-rigide de… neuf mètres ! Une fois dans ces lignes, la flèche anglaise accélère vivement, mais l'effet "Blast" semble arriver une fois le bateau sorti de l'eau. Puis le Vtec prend le relais avec brio dans un feulement harmonieux. Autour du circuit tracé autour de deux bouées, dans la baie de Naples, on s'est régalé à relancer en sortie de virage et à aller chercher les derniers tr/min pour signer un beau 48,2 nds. Une V-max plus que satisfaisante pour un monomoteur de 9 mètres pouvant accepter 350 ch ! Reste qu'on aurait bien aimé voir le Scorpion à l'oeuvre avec une hélice plus courte (une 21" ?), pour monter plus haut dans la courbe de régime...
Pour ne pas perdre la main, nous passons illico au volant du X4C H7 (7,62 m), un semi-rigide construit chez BWA pour le compte de Honda Italie. Une belle réalisation qui va s'avérer très vivante à piloter. Moins rigoureux sans doute que le Scorpion, mais donnant une bonne dose de fun à son pilote : démarrage en trombe (là, le Blast on le sent !), montée en régime continue, jusqu'à la V-max (45,8 nds) et vivacité en virage peu commune (presque trop !). A l'évidence, le mariage avec le BF250 est une réussite. Ce sera aussi le cas avec son grand frère, le H9 (9,56 m) sur lequel deux BF250 ont été montés, soit la puissance maxi autorisée. Le H9 tolère parfaitement la double dose et passe la barre symbolique des 50 nds ! Le duo de hors-bord nippon le propulse dans ses lignes en moins de 5 secondes, et la poussée reste franche jusqu'au régime maxi, en limite de la fourchette autorisée. Parfait.
Au plan des vitesses et des consommations, nos relevés sont très proches de ceux des rapports d'essais Honda Marine. Ils mettent en lumière un rendement de 1,02 milles par litre pour le Scorpion à la vitesse idéale de 23,5 nds, soit l'assurance de pouvoir couvrir 330 milles ! Pas mal aussi avec le H7 : 1,07 milles à 21,7 nds (338 milles !). Bien sûr, avec ses deux moteurs, le H9 ne peux pas lutter en termes de rendement, mais le 0,69 m/l obtenu à 28 nds mérite le respect. Deux tiers de mille au litre avec 500 chevaux, c'est quand même intéressant…