Comparatif: MERCURY V6 Four Stroke 200 CMS VS V8 Sea Pro 250 CMS

Puissances à la carte

Cette année, le motoriste américain a déclenché un sacré feu d’artifices avec l’arrivée sur le marché de deux blocs V6 et V8 atmosphériques, annoncés comme explosifs, et déclinés en nombreuses gammes et puissances, de 175 à 300 chevaux. Nous avons pu essayer les deux architectures, en 200 et 250 chevaux.

Texte Philippe Leblond – Photos Philippe Leblond et DR


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Essai paru le 02/08/2018



Au fur et à mesure que les ingénieurs de Mercury Marine s’éclatent, les journalistes spécialisés et, sans doute plus encore, les plaisanciers tentent de suivre… Cette année 2018 restera à coup sûr dans les annales, avec ce déferlement de nouveaux hors-bord « noirs ». Du jamais vu jusqu’à présent, à tel point qu’il nous faut faire une belle gymnastique cérébrale pour mettre dans l’ordre les nouvelles gammes et leurs nouveaux arrivants. Au départ cela peut sembler relativement simple : des nouveaux V6 et V8. Effectivement, Mercury n’en produisait plus depuis longtemps… Là où cela se complique, au-delà des nombreux niveaux de puissance concernés, c’est avec le croisement des gammes. Il est vrai que ces nouveaux blocs s’inscrivent dans plusieurs lignes de hors-bord, en fonction de leur architecture et de leur technologie d’embase, CMS ou AMS : Four Stroke (V6 CMS 175, 200 et 225 ch, V8 CMS 250 et 300 ch) la gamme standard, Pro XS (V6 CMS 175 ch, V8 CMS 200, 225, 250 et 300 ch) pour les sportifs, Sea Pro (V6 CMS 200 ch, V8 CMS 225, 250 et 300 ch, V8 AMS 300 ch) pour les professionnels, Racing (V8 CMS 250 et 300 ch) pour la course, et enfin Verado (V8 AMS 250 et 300 ch), la gamme high-tech. Soit 19 nouveaux modèles d’un coup : excusez du peu ! Sans compter le Pro XS 150 qui vient rejoindre le Pro XS 115 lancé il y a deux ans, et dont nous traiterons l’essai par ailleurs. Pour l’heure, penchons-nous sur les spécificités des V6 et V8, pour lesquels Mercury Marine fait un appel du pied appuyé en direction de la clientèle des pêcheurs sportifs. Nous confierons ensuite quelques impressions de pilotage, puisque nous avons pu prendre en main trois semi-rigides équipés du V6 200 ch (Valiant 658 Classic et Zodiac Open 7) et du V8 250 ch (Valiant 750 Sport).

Mercury tourne le dos au downsizing

Le coup d’envoi de cette rafale de nouveautés a été donné lors du Salon de Miami, en février, avec le lancement officiel des V6. Trois puissances (175, 200 et 225 ch) se partagent un même bloc de 3 424 cm3. Dans la foulée, le motoriste américain a présenté un tout nouveau V8 de 4 600 cm3, décliné lui aussi en plusieurs puissances (200, 225, 250, 300 ch). Le paramètre qui n’est pas sans étonner à la lecture de la fiche technique des nouveaux venus, c’est leur cylindrée respective. La voie du « downsizing » (descendre la cylindrée sans toucher à la puissance), appliquée depuis quelques temps déjà chez nombre de constructeurs d’automobiles et reprise par les fabricants de hors-bord, n’a pas été suivi cette fois par Mercury. Ce même Mercury qui, pourtant avec sa gamme Verado initiée en 2004, avait misé sur des blocs de modeste cylindrée en les dopant avec l’adjonction d’un compresseur. On peut aussi citer l’exemple de Yamaha, puis Suzuki, avec leurs 200 ch quatre cylindres, de cylindrées inférieures à celles de leurs V6 de même puissance)… Cette fois, le « cubage » des nouveaux V6 et V8 Mercury s’affiche sans complexe comme le plus important du marché dans leur segment de puissance. Ce qui laisse à penser que, concernant le V8, l’entreprise du Wisconsin pourrait, à plus ou moins court terme, en tirer facilement davantage que les 300 chevaux actuels. Malgré cette augmentation de cylindrée, Mercury Marine vise une nette baisse des consommations

Pour ce qui est de la chasse au surpoids, les ingénieurs de Fond du Lac ont effectué un travail d’autant plus remarquable qu’il s’agit de V6 et de V8. On sait que des cylindres en nombre supérieur augmentent généralement le poids, dans la mesure où ils induisent une cylindrée importante. Une équation qui visiblement ne concerne pas Mercury, dont les nouveaux V6 sont de loin les plus légers du marché, se payant même le luxe de rendre 10 kg à leur frères 2-temps Optimax (qu’ils chassent du catalogue) d’une cylindrée pourtant inférieure de 400 cm3 à la leur. Ils rendent également 25 kg à l’Evinrude G2, de cylindrée égale, mais un 2-temps, une technologie considérée comme plus légère. Et ne parlons pas des 63 kg gagnés sur le F225 Yamaha, un V6 de cylindrée comparable… Tout aussi impressionnante est la légèreté du nouveau V8 Mercury, qui réalise l’exploit d’être à chacun de ses niveaux de puissance (de 200 à 300 ch) moins lourd que la concurrence en V6. Seuls les Mercury Optimax 200, 225 et 250 ch, mais en 2-temps et en V6, et le Suzuki 200 ch, mais en quatre cylindres et d’une cylindrée largement inférieure (2 867 cm3) sont plus légers… Un avantage précieux sur les semi-rigides d’un poids contenu.

Un travail poussé a également été mené sur les émissions sonores et les vibrations. L’illustration la plus parlante en est l’embase AMS (Advanced MidSection) déjà présente sur les Verado haut de gamme (section gris métal située entre la tête motrice et la seconde partie de l’embase). Sur les nouveaux V6 et V8 qui en sont équipés, (certains modèles se contente de l’embase CMS, pour Conventional MidSection), la tête motrice est en position avancée, et montée sur des silent blocs qui absorbent efficacement les vibrations mécaniques. Par ailleurs, un gros travail a été consenti pour réduire les émissions sonores (admission d’air, capot…). Et pour les possesseurs de V8 Pro XS, Mercury a élaboré un dispositif permettant de libérer le son de l’échappement (en pressant sur un bouton), afin de donner à la mécanique une tonalité plus sportive, sans toutefois rajouter de décibels.

Une facture d’entretien en baisse

Les V6 et les V8 sont aussi compatibles avec les commandes numériques (DTS) et la direction assistée électrohydraulique. Le système Adaptative Speed Control est bien sûr présent sur ces nouveaux moteurs, qui consiste à maintenir un régime moteur égal dans les virages pris en mode sportif. Par exemple, si le pilote entre dans une courbe à 4 500 tr/min, ce régime restera constant grâce à la gestion électronique, sans qu’il soit besoin de remettre du gaz pour compenser l’absorption de puissance résultant de la force centrifuge qui ralentit le bateau en virage. Par ailleurs, un travail spécifique sur l’embase se traduit par une meilleure traction en marche arrière dans les manœuvres effectuées à partir du Joystick Piloting.

D’un point de vue pratique, comment ne pas mentionner la trappe de visite, sur le dessus, permettant de contrôler le niveau ou de faire l’appoint d’huile commodément. Un capteur électronique de niveau d’huile est même proposé en option. Sous cette même trappe, Mercury a placé une poignée qu’il suffit de tirer d’une seule main pour ôter le capot moteur. Plus besoin de se pencher sur les côtés, lorsqu’on est à bord du bateau (pas facile avec un moteur volumineux). Deux bonnes idées que l’on pourrait bien retrouver chez la concurrence… Dernier raffinement pour ces nouvelles mécaniques, non plus chiffré, mais d’ordre esthétique : les capots sont proposés en quatre coloris différents, de même que le bandeau d’inscription de la puissance, afin de personnaliser son moteur ou de le coordonner à la couleur du bateau.

Que va-t-il rester aux Verado à compresseur face à l’offensive de ces V6 et V8 atmosphériques ? Si l’on s’en tient à la fiche technique, on mettra en avant le niveau de taxation bien inférieur des Verado, la fiscalité étant étroitement dépendante de la cylindrée des moteurs… Prenons l’exemple de nos hors-bord d’essai : le V6 200 ch sera taxé à hauteur de 490 € annuels, tandis que l’utilisateur d’un Verado 200 ch ne paiera que 64 €. Même genre de différence pour le nouveau V8 250 ch, dont la taxe de navigation culminera à 924 €, contre 315 € au Verado de même puissance… Pour ce qui est du « terrain », les Verado à compresseur vont souffrir d’une certaine gourmandise en carburant dans les hauts régimes. Pour le reste, ils ont encore leur mot à dire…

Au-delà de l’aspect purement technique, ce choix technologique vise aussi un avantage au plan budgétaire. Il y a d’abord le tarif qui, à puissance égale, se situe plutôt en bas du marché, surtout pour la gamme Sea Pro, mais ce n’est pas tout… comme nous l’a exposé Max Métadier, le directeur de Mercury Marine France : « Pour ce qui est du cycle de révision, il demeure le même, avec une fréquence annuelle ou un équivalent de 100 heures de marche moteur à l’année. Mais, par contre, la facilité de maintenance à laquelle nous sommes parvenus pour ces nouveaux V6 et V8, ainsi que la réduction du prix des pièces, vont faire baisser l’addition de l’entretien ! »

Un V6 200 ch très homogène
C’est à La Rochelle que nous avons pu prendre en main trois bateaux, chacun équipé de l’un de ses nouveaux Mercury. Commençons par les deux semi-rigides dotés du nouveau V6 en version 200 ch. D’abord le Valiant 685 Classic, puis le Zodiac Open 7. Sur ses deux montures, les sensations sont apparues très voisines, malgré un certain écart de performances. Commençons par les sensations… Notre ressenti immédiat est celui d’un hors-bord qui répond instantanément à l’accélération, à la différence des Verado dont l’entrée en action du compresseur laisse place à une courte latence au démarrage. Tout en délivrant une accélération vigoureuse, jusqu’au régime maxi, le nouveau V6 donne une sensation de souplesse et de progressivité. Le petit « coup de pied aux fesses » qui intervient en fin de premier tiers de régime, propre au Verado et aux mécaniques suralimentées, n’est plus là, de même que le léger sifflement du compresseur qui accompagne les montées en régime. Avec le V6, les reprises sont aussi consistantes. Par exemple, à 3 500 tr/min, si l’on « punche » les gaz, le moteur se montre encore très réactif, sans toutefois, atteindre à la quasi absence d’inertie d’un 2-temps. Autre constatation, les accélérations s’accompagnent d’une note grave, et à tous les régimes, le niveau sonore se montre vraiment contenu. Même au-delà de 4 000 tr/min, il est possible de se parler sans avoir à hausser le ton. Les commandes électriques s’avèrent agréables et précises pour maîtriser les 200 chevaux, par contre, la commande de trim de ce boîtier DTS n’est toujours pas notre « tasse de thé ». Au port, la mécanique se montre très docile et discrète, avec un ralenti stable, silencieux, et l’absence de vibrations.

Côté performances, nos deux semi-rigides avaient chacun leur point fort. L’accélération pour le Valiant, avec des chronos très convaincants : 2’’5 seulement pour déjauger et 4’’3 pour franchir les 20 nœuds. Assez logique au vu de son hélice à pas plus court (17 pouces contre 19 au Zodiac). Un choix qui s’explique aussi par le supplément de poids du Valiant (80 kg de plus). La vitesse de pointe, c’était pour le Zodiac, avec 43 nœuds face aux 40,3 nœuds du Valiant. Mais le semi-rigide français, sans doute désavantagé par son pas d’hélice supérieur, s’est nettement incliné pour ce qui est des mises en vitesse : 3’’9 au déjaugeage, 5’’4 de 0 à 20 nœuds. Au plan des rendements (distance parcourue/essence consommée) les deux bateaux ont fait jeu égal jusqu’à 4 000 tr/min. Au-delà, la courbe du Zodiac s’est nettement infléchie à 4 500 et 5 000 tr/min, mais pour mieux résister plein gaz (0,61 mille/litre contre 0,57). Toutefois, nous retiendrons surtout les bons ratios des régimes de croisière de référence, de 3 500 et 4 500 tr/min, avec d’excellents résultats notamment à 4 000 tr/min pour les deux protagonistes (0,72 m/l pour le Valiant, 0,74 m/l pour le Zodiac) et à des allures soutenues (26,5 nds et 27,8 nds).

Place au V8 de 250 ch !

Après le V6, nous embarquons sur un autre Valiant, 750 Sport celui-ci, afin de « tâter » du V8… Même design, même encombrement à peu de chose près (24 kg seulement de plus), et un rapport poids/puissance bateau + moteur le plus favorable des trois semi-rigides de ces essais, avec seulement 4,6 kilos par cheval. On part du principe que 4 kg/ch est un ratio de bateau de sport. Donc, ce Valiant/Mercury V8 n’en est pas très éloigné. Malgré cet avantage, nous constatons que les chronos d’accélération ne sont pas aussi brillants qu’espéré : 4’’4 pour déjauger, 5’’9 pour passer de l’arrêt à 20 nœuds. Nous ne sommes à bord que trois passagers, comme lors de deux précédents essais, donc pas de handicap de charge pour le V8, même si la quantité de carburant présente à bord (250 litres) était légèrement supérieure. Malgré le déferlement de couple, présent dès les premiers tours/minute (le Sea Pro est calibré pour fournir son couple maxi dès les bas régimes), ce V8 génère peu de sensations, car très linéaire et très souple dans ces variations de régime, comme lors des remises de gaz en sortie de virage. Ce n’est que lorsqu’on regarde le GPS qu’on comprend que ça va vite. Mais sans excès non plus, car on pouvait s’attendre à plus de 40 nœuds avec un tel moteur sur le 7,50 m de Valiant, même si le « traitement » Sea Pro favorise la force pure de propulsion pour des bateaux lourds. Et c’est dommage pour les consommations plutôt contenues, surtout en rapport de la cylindrée, car pour signer de bons rendements il faut aussi de la vitesse… Et la vitesse n’est pas le critère numéro un des Sea Pro, à la différence de l’endurance et de la robustesse. L’embase particulièrement « épaisse » du V8 Sea Pro est d’ailleurs donnée pour une durée de vie trois fois supérieure à celle d’une embase de hors-bord de plaisance.

Du point de vue des sensations, elles sont assez différentes de celles ressenties avec le V6. Il y a d’abord un volume sonore supérieur, mais ne vous attendez pas à la tonalité caractéristique des V8 américains de route, façon Chevrolet Corvette ou Ford Mustang… Pour tout dire, les notes qui émanent de ce gros bloc de 4,6 litres, en configuration Sea Pro, sont assez quelconques. D’autant que cette version, d’abord destinée aux professionnels de la mer, ne monte pas bien haut en régime maxi : 5 600 tr/min, alors qu’un Verado peut prendre 6 400 tr/min, voire 7 000 tr/min pour le 400 R…

Reste le design très particulier de ces nouveaux hors-bord, avec ce capot aux lignes heurtées. D’aucuns disent qu’on s’y fera…



photo MERCURY V6 Four Stroke 200 CMS


photo MERCURY V6 Four Stroke 200 CMS


photo MERCURY V6 Four Stroke 200 CMS


photo MERCURY V6 Four Stroke 200 CMS


photo MERCURY V6 Four Stroke 200 CMS


photo MERCURY V6 Four Stroke 200 CMS


photo MERCURY V6 Four Stroke 200 CMS


photo MERCURY V6 Four Stroke 200 CMS


photo MERCURY V6 Four Stroke 200 CMS


photo MERCURY V6 Four Stroke 200 CMS


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