Essai: MERCURY 450 R

Toujours plus fort !

Face au coup de force de Yamaha, qui l’an passé avait dégainé un 425 chevaux, la réaction de Mercury ne s’est pas fait attendre. Le motoriste américain riposte avec un 450 ch ! Dans cette course au hors-bord le plus puissant, le 450R sorti des ateliers « Racing » de Mercury présente une fiche technique flatteuse et procure des sensations de pilotage à la hauteur. Le nouvel étalon ?

Texte Philippe Leblond – Photos Philippe Leblond et DR


 61 266 €

Essai paru le 29/11/2019



Pour l’instant, mettons à part Seven Marine (aujourd’hui dans le giron de Volvo Penta) qui produit les hors-bord les plus puissants de la planète avec trois V8 de 527, 577 et 627 chevaux (!), pour évoquer la course à la puissance qui oppose les motoristes « historiques » du hors-bord. Derrière Suzuki qui a lancé il y a deux ans un 350 ch très convaincant, Evinrude, fervent du 2-temps « plafonne » depuis plusieurs années à 300 ch avec un V6 nerveux à souhait, tandis que Honda, a « calé » à 250 ch, avec un V6 raffiné mais nettement devancé aujourd’hui dans l’ordre de la puissance par ses concurrents… Bref, la première marche du podium continue de se jouer entre Mercury et Yamaha qui, à intervalles réguliers, gagnent quelques dizaines de chevaux supplémentaires. Le motoriste américain vient donc de reprendre l’avantage sur le japonais, en ajoutant un compresseur à son récent sommet de gamme atmosphérique de 300 chevaux. Même bloc V8 de 4,6 litres, mais avec « assistance respiratoire », moyen pratique d’augmenter sensiblement le nombre de kilowatts. Cette quête éperdue de puissance, à laquelle on assiste depuis quelques années pour le hors-bord, correspond à une évolution spectaculaire du marché de la plaisance. En effet, nombreux sont les chantiers qui délaissent progressivement les mécaniques in-board, technologiquement moins avancées et plus exigeantes en termes d’entretien, pour ces hors-bord de nouvelle génération délivrant des puissances qui peuvent, en montage multiple, rendre performantes des unités de parfois plus de 15 mètres alors qu’il y a encore une dizaine d’années, il était rare de rencontrer des bateaux à propulsion hors-bord de plus de 10 mètres…

Un rapport poids/puissance exceptionnel !

Le « décor » étant posé, attardons-nous sur les caractéristiques de ce V8 à compresseur volumétrique, une technologie apparue dans le hors-bord avec la gamme six cylindres en ligne (L6) Verado de Mercury, il y a 15 ans. Ce qui attire toute de suite l’attention, c’est le poids de ce nouveau moteur, extrêmement contenu au regard de la puissance développée. Merci l’aluminium et… le compresseur exclusif Mercury Racing ! Avec seulement 0,70 kg par cheval, il affiche tout simplement le meilleur ratio obtenu par un hors-bord de plaisance, devant les 0,78 kg/ch de son ancêtre deux-temps, l’Optimax 300 XS, issu lui aussi du département Racing. Alléchant ! En comparaison, avec 442 kg, soit 129 kg de plus, le V8 425 ch de Yamaha fait figure de « sumo ». Et son rapport poids/puissance, bien qu’honorable (1,04 kg/ch) a valeur de handicap face au svelte V8 américain. Mais cet écart de poids s’explique aussi par l’impressionnante cylindrée du Yamaha (5 559 cm3) qui affiche presque un litre de cylindrée de plus que le Mercury, à laquelle s’ajoute un taux de compression nettement supérieur, ce « coffre » lui donnant une force phénoménale que nous n’avons pas ressentie au même niveau en essai avec le Mercury (nous verrons cela en détail plus loin). Pourtant, pour ce 450 chevaux badgé « Racing », dont le V est ouvert à 64° seulement, donc favorisant les montages multiples, est un sacré « client »s puisqu’il revendique jusqu’à 40% de couple en plus que son « petit-frère » à six cylindres en ligne, le 400R ! Par contre, son régime maxi est moins poussé, avec 6 400 tr/min (comme les Verado) au lieu des 7 000 tr/min atteint par le 400R qui, à terme, comme son géniteur le Verado 350, est menacé de disparition pour peu que Mercury décline ce 4,6 litres en des puissances équivalentes, histoire de faire la jonction avec le V8 300…


Des soupapes d’échappement en Iconel

Par ailleurs ce V8 à injection directe, dont la culasse en alu elle aussi coiffe quatre arbres à cames et 24 soupapes, peut selon le modèle recevoir les ingrédients de la performance signés Racing. En premier lieu, l’embase Sport Master qui se signale par un profil hydrodynamique nettement plus fin, avec son « nose cone » et son hélice « couteaux » (Outboard CNC Cleaver) destinée à travailler plus en surface qu’une hélice conventionnelle. Mais, Mercury propose aussi une embase HD (Heavy Duty) pour les hélices classiques (Bravo, Enertia, Rev…) dans l’optique de bateaux plus chargés. Autre élément propice à l’obtention de hautes vitesses, le rapport de réduction de 1.60 : 1, celui qui tire le plus long dans la production actuelle et sans doute d’hier. Par ailleurs, le 450 R reprend les perfectionnements techniques éprouvés sur la nouvelle gamme V8, en production maintenant depuis plus d’un an : la direction électro-hydraulique intégrée, le fût d’embase AMS (Advanced Midsection) destiné à mieux absorber les vibrations moteur, des soupapes d’échappement en Iconel (issues de la course)… Des barres d’accouplement (qui maintiennent entre eux les moteurs en montage multiple, au niveau de la liaison tête motrice/fût) sont aussi proposées pour les bateaux de sport et de compétition. Autre avantage du nouveau 450R, il peut délivrer 100% de sa performance avec du sans plomb 95 octanes (RON). Bonne nouvelle aussi pour ce qui est de la maintenance, les arbres à cames sont entrainés par chaîne, ainsi, pas de changement de courroie de distribution. Pour mieux réguler la température du moteur, le 450R est doté d’un refroidisseur d’huile et d’air de suralimentation à forte capacité, contribuant aussi à l’augmentation des performances.

Compatible avec les commandes Zero Effort

Comme sur le V8 atmosphérique, un clapet d’échappement autorise de profiter du son du V8 au démarrage, mais se ferme en navigation pour assurer une discrétion sonore appréciable lors des longues navigations. L’idéal, pour les afficionados des belles sonorités mécaniques, serait de pouvoir fermer ou ouvrir ce clapet à volonté… Bientôt peut-être ? La plage de régime maxi qui s’étend de 5 800 à 6 400 tr/min (comme pour les Verado L6), ajoutée au large choix d’hélices, offre de nombreuses possibilités pour affiner sa performance en fonction du programme d’utilisation de son bateau. Quant au puissant alternateur (115 A), il autorise le fonctionnement simultané de nombreux équipements électriques et électroniques tout en préservant le niveau de charge des batteries. Comme sur les V8 Verado 250 et 300 ch, le capot moteur est pourvu d’une trappe supérieure pour la vérification du niveau d’huile ainsi que d’une poignée unique pour ôter ce dernier. Précisons à l’attention des plaisanciers ayant la fibre « offshore » que le 450R est compatible avec les commandes Zero Effort Digital de Mercury Racing, matériel qui équipe généralement les bateaux de course et qui procure un contrôle très précis des accélérations, avec la possibilité de synchroniser jusqu’à six moteurs sur un seul levier. Les utilisateurs plus calmes, pourront se reposer sur l’Adaptative Speed Control, système qui gère le niveau de charge du moteur en fonction de ses différentes évolutions sur le plan d’eau. Enfin le Joystick Piloting assurant l’assistance aux manœuvres de port et la fonction d’ancre virtuelle (Skyhook) est bien sûr compatible avec le 450R (bimoteur ou plus). D’un point de vue esthétique, cette fois, le Mercury 450R est proposé dans les teintes « Cold Fusion White » ou « Phantom Black » qui peuvent être agrémentées de graphismes et d’inserts de couleur. La production du 450R n’a pas encore atteint son rythme de croisière. La forte demande fait que les premières livraisons en France interviendront courant 2020. Notez que Mercury Racing fera payer cette technologie d’avant-garde au prix fort, le cheval du 450R devenant, à 136 €, le plus cher du marché…

Chevauchée sauvage sur coque racing

C’est à l’occasion du Cannes Yachting Festival que Mercury a présenté son impressionnant 450R et nous a offert la possibilité de prendre les commandes de deux semi-rigides équipés du nouveau monstre. Deux bateaux bien différents. D’une part le Bernico Rib R7, en monomoteur, de l’autre, le Sacs Strider 11 Limousine, en bimoteur. Le premier (7,50 m) est le plus petit modèle du chantier belge, spécialiste de la compétition offshore, tandis que le second (11,22 m), typé familial, fait partie de la fameuse gamme Strider du manufacturier italien. Deux gabarits opposés, délivrant un pilotage et des sensations bien différentes. Attaquons par le Bernico. Le terme est bien choisi eu égard au profil de ce semi-rigide très sportif, donnant d’emblée l’impression d’être surmotorisé avec 450 ch pour 1 250 kg seulement. Soit, avec ce moteur, un rapport poids/puissance des plus aiguisés : 3,5 kilos par cheval ! Voilà qui promet, d’autant que le plan d’eau n’est pas le plus propice à exploiter toute la cavalerie de ce V8. En effet, dès les premiers runs, le Bernico donne l’impression d’un jouet un peu extrême qui nécessite plus que des bases de pilotage sportif. En effet, une nette amorce de roulis dès 5 500 tr/min fait osciller cette carène à l’anglaise, étroite et en V profond, le mouvement de roulis devenant vraiment difficile à maîtriser au-dessus des 6 000 tr/min. Nous avons tout de même pu prendre 6 400 tr/min, mais très brièvement. Résultat une V-max de 63,7 nœuds, à distance de celle obtenue lors des essais chantier avec 73,8 nœuds. Une performance obtenue avec une hélice Trophy Plus quatre pales 25’’, nettement plus favorable à la vitesse que la Bravo 1 de 22’’ de notre essai, une quatre pales aussi. Ajoutons que lors de notre essai, la température estivale de 30°, n’était pas favorable à l’expression maximale de la puissance.

Ce qui nous a favorablement impressionné avec le nouveau 450R, outre son punch et son allonge redoutables, c’est la mise en action quasi immédiate, là où les Verado observaient au démarrage un petit temps de retard par rapport à l’action de l’accélérateur, le temps que le compresseur entre en action. Il faut voir aussi dans ce domaine l’avantage d’une cylindrée nettement plus élevée (4 572 cm3) en faveur du 450 R, génératrice de couple, les Verado L6 se contentant de 2 800 cm3. En tout cas, les 2’’6 pour déjauger et 3’’8 de 0 à 20 nœuds sont de sacrés chronos pour un 7,50 mètres ! Mais, ce qui nous le plus bluffés lors de nos prises de mesures, ce sont les rendements moteur. Rendez-vous compte que le meilleur ratio du Bernico s’est établi à 0,81 mille par litre. Un chiffre seulement atteint par des puissances bien inférieures. De surcroît, cette marque est obtenue à 4 000 tr/min soit à une vitesse de 35,7 nœuds qui, pour la plupart des hors-bord de grosse cylindrée correspond à une vitesse de croisière rapide et non économique. Et à 5 500 tr/min, soit 52,3 nœuds, le rendement est encore de 0,56 mille par litre !

Allure grand-tourisme, avec une belle réserve de puissance

Changement de monture. Nous voici à bord du Strider 11, un beau semi-rigide premium XXL dont Sacs Marine s’est depuis longtemps fait une spécialité. Avec un 0 à 20 nœuds exécuté en seulement 4’’4, malgré l’impression d’un léger glissement des hélices, on tient là sans doute un record pour un semi-rigide de 11 mètres et près de 4 500 kg en ordre de marche ! Du punch, « y en a, mais y a pas que ça » aurait dit l’un des fameux Tontons Flingueurs, s’il avait eu la chance de tester le 450R… En effet, il y a aussi la vélocité avec un relevé à 55,2 nœuds (sans doute 57 nœuds sans T-Top) ainsi qu’un rendement très convaincant pour un semi-rigide poussé par 900 chevaux : 0,32 milles par litre consommé à 4 000 tr/min, soit à 30,2 nœuds. Un score plutôt « économique » assorti d’une allure de croisière déjà élevé, à laquelle les moteurs ronronnent gentiment, tout en conservant une énorme réserve de puissance. Le pilotage donne l’impression d’une certaine facilité, mais lorsqu’on attaque, on ressent une sensation de surmotorisation, même si cette puissance correspond au maxi autorisé. Ainsi, il faudra se montrer progressif avec les accélérateurs en sortie de virage, car l’arrivée massive du couple sur les hélices peut générer un accroissement soudain de la force centrifuge.

Pour conclure, mentionnons la relative discrétion sonore du 450R à tous les régimes, le bruit le plus perceptible étant le souffle caractéristique du compresseur. Un atout, lors des longues navigations, pour « dérouler » à régime de croisière soutenu sans obliger les passagers à hausser le ton.



photo MERCURY 450 R





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