Essai paru le 01/01/2015
*Le downsizing qui sévit dans l'automobile depuis quelques années gagne à son tour les moteurs marins. Après Yamaha qui a pris les devants, en lançant voilà deux ans un 200 chevaux 4 cylindres, Suzuki riposte avec un moteur de même architecture et même puissance. Objectif : prouver que l'on peut se passer d'un 6 cylindres sur un bateau léger, du type semi-rigide. Voir plus, si affinité…*
Texte Philippe Leblond – Photos DR
C'est sur le Lac Léman, au pied de la cité thermale d'Evian-les-Bains que nous avons pu tester le tout nouveau DF200A, sur lequel Suzuki fonde de gros espoirs (il fait d'ailleurs la couverture du catalogue 2015). En effet, depuis l'instauration de la taxe sur les bateaux de 7 mètres et plus, cette puissance est devenue un marqueur dans la production des constructeurs de hors-bord. Sans abandonner son 200 ch V6 (pour l'instant du moins), dont la cylindrée (3 614 cm3) et le poids (257 kg) sont nettement supérieurs, le motoriste japonais pousse en avant son nouveau produit : "Le rendement du DF200A augmente de 10% par rapport au V6 et son niveau sonore est en baisse de 5 décibels, grâce à l'utilisation du résonateur", se félicite le jeune ingénieur Yuki Nakaaki, face la presse spécialisée européenne. Suzuki revendique également une consommation moyenne inférieure de 10% à celle des moteurs concurrents. La cible prioritaire est bien évidemment le Yamaha F200 L4, tant ses caractéristiques techniques sont proches de celles du DF200A… Voyons plus en détail ce qui les différencie…
Si l'architecture et la technologie sont les mêmes (4 cylindres en ligne, 16 soupapes, alésage/course "carré", injection électronique multipoint, admission variable…), la cylindrée du Yamaha est légèrement inférieure avec 2 785 cm3, et son poids s'avère équivalent (un kilo de plus). Difficile d'affirmer si ce petit avantage en faveur de Suzuki est la raison de performances légèrement supérieures sur le même bateau, un Zodiac N-Zo 680 : 40,9 nœuds de V-max contre 39 et avec quatre personnes à bord au lieu de deux. Côté consommation, les résultats sont très proches sur toute la courbe des régimes, le Suzuki s'imposant d'une courte tête au régime maxi (73,7 l/h contre 74,5). Pour ce qui est du Verado 200 de Mercury, dont le poids est comparable à celui du Suzuki et du Yamaha, il compense sa modeste cylindrée (seulement 1 732 cm3, soit moins de celle du Suzuki 100 ch !) par l'adjonction d'un compresseur et un régime de rotation maxi plus élevé (6 400 tr/min).
Nous avons pu évaluer le nouveau Suzuki aux commandes de trois bateaux bien différents : les semi-rigides Prince 21 (Nuova Jolly) et N-Zo 680 (Zodiac), ainsi que le cabin-cruiser Flyer 850 de Bénéteau, bénéficiant lui d'une double motorisation. Au terme de ces courtes sessions d'essai (20 minutes pour chaque groupe de trois journalistes), il nous est apparu que le DF200A s'est plutôt bien tiré d'affaire de cet exercice compliqué, qui consiste à faire bonne figure sur trois coques de profils et de poids distincts.
On constate à la lecture des mesures que nous avons effectuées, que les chronos de déjaugeage et d'accélération sont strictement les mêmes sur les deux semi-rigides, bien que le N-Zo rende 130 kg au Nuova Jolly… Oui, mais le semi-rigide français signe cet "exploit" grâce à une hélice plus courte (21" au lieu de 23") et de plus fort diamètre qui le pénalise au plan de la vitesse (le semi-rigide italien lui colle près de 5 nœuds !), et par voie de conséquence des rendements (à 30 nœuds, le moteur du Prince 21 tourne 500 tr/min moins vite, consommant 32 l/h au lieu de 37,5 pour un ratio de 0,96 mille parcouru par litre consommé contre 0,82). La question est donc de savoir si, doté du Suzuki DF200 V6, le Zodiac aurait repris l'avantage ? Sa réponse, nous l'avons, ayant essayé ce même N-Zo 680 doté du 200 V6. Mais, cela ne va pas vraiment faire avancer notre résonnement, le 6 cylindres ne faisant pas mieux en vitesse de pointe (40,5 nœuds), curieusement en consommant moins que le 4 cylindres (67 l/h maxi contre 73,7 !). Cela dit, à 30 nœuds (4 500 tr/min), il signe un moins bon rendement (0,78 m/l) que le DF200A. Plus logiquement, il prend un net avantage à la mise en vitesse, avec 3 secondes piles au déjaugeage et 4"5 de 0 à 20 nœuds, aidé il est vrai par une hélice de 16" x 20".
C'est finalement l'essai du Bénéteau qui nous permettra de trancher, notant que le duo de "petits" 4-cylindres est tout de même parvenu à animer la masse de cette grosse unité avec les honneurs, soit une vitesse maxi de plus 40 nœuds et un déjaugeage qui n'a pris que 5 secondes. Certes, il n'y a rien de trop considérant qu'il y a tout de même 400 chevaux, mais avec quatre personnes à bord et le plein, le résultat est plutôt convaincant. Reste les sensations de pilotage, et notre sentiment, c'est que ce nouveau DF200A est mieux adapté à des semi-rigides plutôt légers qu'à de lourdes coques, surtout dans l'optique de navigations avec un équipage nombreux. Au final, l'ensemble le plus vivant à la barre s'est avéré être le Prince 21, avec qui il forme un tandem réussi.
Autre belle performance à mettre au crédit du nouveau Suzuki : son silence de fonctionnement. Au port, lors des manœuvres, le moteur est quasi inaudible. Et lorsqu'on progresse à 5 nœuds en bordure de côte, on entend davantage le clapotis contre la coque que la mécanique. A 5 000 tr/min, il est encore possible de converser sans hausser la voix… Bref, pour la balade en famille, les occupants de la banquette arrière verront leurs conduits auditifs épargnés. Par contre, déception à l'endroit des nouveaux afficheurs dédiés aux informations moteur, dont les écrans LCD étaient envahis par la condensation et donc difficiles à lire…
Décliné à partir du bloc des DF150 et DF175, celui du 200 ch obtient son surcroît de puissance grâce à une cartographie d'injection et un taux de compression (il passe de 9,5 à 10,2) majorés. Par contre, le collecteur d'admission reste le même (admission d'air directe et calage variable de la distribution). Le DF200A reprend par ailleurs le meilleur de la technologie Suzuki, dont le Lean Burn Control (optimisation du mélange avec un apport pauvre en carburant pour une économie sensible tant en consommation qu'en émissions), le capteur de cliquetis, la sélection rotative (Suzuki Selective Rotation), qui permet de disposer indifféremment d'un moteur pas à droite ou pas à gauche, ainsi que les commandes électroniques (Suzuki Precision Control). Ce nouveau 4 cylindres inaugure aussi un système de démarrage sans clé, utilisant un émetteur codé qui assure que seul le propriétaire puisse démarreur le moteur. Enfin, comment ne pas noter le design de capot plus moderne et dynamique, abritant de surcroît un nouveau système d'admission d'air "semi directe", augmentant l'arrivée d'air frais dans le collecteur d'admission au bénéfice des performances.