Essai: EVINRUDE G2 200 HO

Le hors-bord du futur ?

*Certains auraient bien aimé faire la peau aux 2 temps… Hé bien, ce ne sera pas encore pour cette année ! Cet E-Tec seconde génération nous a montré qu'Evinrude a même un bel avenir devant lui. Puissance et réactivité sont ici associées à des consommations et des émissions ultra concurrentielles. Avec cette évolution majeure, la marque américaine envoie valser les préjugés entourant cette technologie et introduit de surcroît la notion de personnalisation esthétique. Bien joué !*

Texte Philippe Leblond – Photos Philippe Leblond et DR


 21 109 €

Essai paru le 01/01/2015



Un peu à l'image de l'automobile où, favorisant le diesel au détriment de l'essence, les forces de ventes martèlent inlassablement dans l'esprit des usagers (souvent peu connaisseurs) que le premier est bien mieux que la seconde, il fait bon dans le nautisme de taper sur le 2 temps pour favoriser le business du 4 temps. Cela fait maintenant une quinzaine d'années que ce clientélisme, entretenu par les professionnels, porte ses fruits. Il n'est que de constater l'emprise spectaculaire de cette technologie qui n'a de cesse de s'octroyer toujours plus de tableaux arrière. Et l'abandon dans lequel se trouve confiné le 2 temps : délaissé par Suzuki et Yamaha, relégué au second plan chez Mercury (les Optimax sont pourtant de sacrés moteurs !), sans parler de Tohatsu et Selva dont le développement de gamme repose essentiellement sur le 4 temps. Pour Honda, au moins, on ne peut pas parler de "retournement de veste" puisqu'il fut le pionnier de cette technologie dans le domaine du hors-bord… Pourtant, face à cette déferlante, tel le petit village gaulois d'Astérix, Evinrude résiste à l'envahisseur. Un peu à court de "potion magique" ces dernières années (la gamme E-Tec n'avait pas évolué depuis 2009), la marque américaine vient de retrouver la recette du chaudron à vitamines. Et son retour aux avant-postes a de quoi redistribuer les cartes !

Commençons par les évolutions spectaculaires que déploie la nouvelle gamme hautes puissances, développée sous l'impulsion de BRP (Bombardier Recreational Products), l'industriel canadien qui s'était porté acquéreur d'Evinrude et Johnson à l'aube des années 2000, lorsque OMC, la firme mythique, "lâchait la rampe" malgré son récent brevet d'injection directe (1995). Qualifié par le motoriste lui-même de "hors-bord de demain, disponible dès aujourd'hui", le nouvel E-Tec génération 2 n'usurpe pas le slogan. Il y a d'abord, le plus visible : le design. Ce dernier, inspiré de l'esthétique des super héros et des transformers chers à la culture du pays de l'Oncle Sam, crée un choc visuel qu'aucun autre hors-bord n'a déclanché auparavant, à l'exception peut-être du Verado de Mercury (2004). La courbe ne fait guère partie du vocabulaire esthétique d'Evinrude (c'était déjà un peu le cas avec les E-Tec première génération) qui s'en remet intégralement à l'edge-design, combinant arêtes et prismes. Une esthétique agressive, héritée aussi des motos aquatiques Sea-Doo, enfantées, elles aussi, par BRP. Et la cerise sur le gâteau, c'est la possibilité pour le client de configurer le moteur à son goût, grâce à un grand nombre de coloris des éléments de capot (5 couleurs) et de son motif en "accent" (14 couleurs), offrant un grand nombre de combinaisons (70, et jusqu'à 400 en dissociant les couleurs des quatre panneaux de capot). Cela permet, entre autres, de marier la couleur de son moteur à celle de son bateau. Un must, la personnalisation étant un phénomène bien dans l'air du temps !

Mais, à nos yeux de spécialistes, le plus important concerne la partie technique. Et pour cause, l'ingénieur en chef d'Evinrude, George Broughton, a démarré sa communication en précisant que "l'E-Tec G2 était le premier moteur entièrement nouveau depuis 38 ans chez Evinrude. Le premier Evinrude doté de l'ADN BRP !" Puis d'exposer les nombreuses innovations… La plus spectaculaire consiste sans doute en l'intégration complète de la direction. Ainsi, le montage apparaît à la fois simplifié et plus propre : pas de tringlerie apparente (sinon la barre de liaison pour les bimoteurs), pas de salissures de lubrifiant dans le bac moteur, et une aisance en rotation et en relevage inédite. En effet, les câbles moteur qui passent tous dans une seule et même gaine, à double axe, ne bougent pas lorsqu'on tourne la direction ou actionne le trim, évitant ainsi une usure prématurée.

Autre axe de progrès sensible, le rendement énergétique et la réduction des émissions polluantes. En préservant l'injection directe mais en améliorant la combustion du carburant grâce à une étude ultra poussée utilisant une modélisation en 3D de la chambre de combustion, Evinrude a mis au point le processus PurePower Combustion débouchant sur des chiffres à peine croyables. Le motoriste américain revendique en effet un couple supérieur de 20% à celui des hors-bord concurrents, tout en obtenant une réduction de 15% de la consommation et de… 75% des émissions (basées sur les mesures Icomia) ! Ce qui lui permet de satisfaire toutes les normes antipollution, même les plus strictes, comme celles du Lac de Constance.

Le pilotage sera agrémenté par deux dispositifs activables à partir du nouvel ordinateur de bord. Primo pour la fermeté de la barre, avec le Power Steering Assist, proposant trois modes d'assistance de la direction, du plus assisté pour les manœuvres et virages, au moins assisté pour le pilotage rapide en mer formée. Secundo, le système iTrim, qui optimise automatiquement l'inclinaison du moteur, en fonction de l'ouverture des gaz et du régime moteur, et avec un débattement limité à 60% de l'amplitude du vérin de trim. Lorsque le pilote veut reprendre la main, il lui suffit d'appuyer sur le bouton de trim. Pour réactiver le mode, il lui faudra remettre l'inverseur au point mort et le trim en négatif. Pour plus d'intuitivité, Evinrude a doté son ordinateur de bord Icon Touch d'un écran tactile, de lecture claire et facile à interpréter, capable d'informer le pilote pour des motorisations simples ou multiples (jusqu'à quatre moteurs). Ce dernier existe en trois dimensions pour trouver place sur tous les tableaux de bord : 3"5 (9 cm), 4"3 (11 cm) ou 7" (18 cm) de diagonale. Evinrude propose aussi une gamme de cadrans analogiques, intégrant un petit écran LCD apte à fournir un certain nombre d'informations (GPS, heure, charge de batterie, inclinaison du trim, gestion du carburant, rapports journaliers…).

L'E-Tec G2 dispose également d'une embase redessinée, pour un meilleur hydrodynamisme, et capable, grâce au gain de couple, d'entraîner des hélices à quatre pales (gamme RX4) ou trois pales (Raker HO, pour les bateaux de sport), dont le pas peut aller jusqu'à 26 pouces, et ce malgré un rapport tirant long (1,85 :1). Ces hélices sont percées d'un évent qui permet de modifier la motricité de l'hélice en fonction de l'accélération recherchée. En bimoteur, le G2 est aussi compatible avec le système i-Dock, permettant de manœuvrer à l'aide du joystick Optimus 360.

Et, last but not least, le procédé d'auto hivernage est non seulement préservé, mais étendu de trois à cinq ans ou de 300 à 500 heures. Soit, théoriquement, cinq saisons sans passer chez le concessionnaire et sans vidanger l'huile moteur ! La garantie mécanique et corrosion (revêtement en oxyde de titane) s'exerce sur la même durée. Dans cette optique, la localisation des anodes a été optimisée et leur surface augmentée.
Après cet exposé des différentes technologies que concentre l'Evinrude E-Tec G2, passons aux mesures effectuées lors de nos essais sur le Lac Majeur. Le moins que l'on puisse dire, c'est que ce V6, que nous avons pu tester dans sa version 200 HO, et 250 ch, est brillant. Et ce, dans tous les domaines. Concentrons-nous ici sur les chiffres exceptionnels que nous avons pu obtenir avant de parler pilotage…
Dans le domaine de la V-Max, les résultats parlent d'eux-mêmes. A bord du Pirelli Pzero 880 Sport, notre GPS s'est arrêté sur la marque de 58,1 nœuds ! Avec le plein et cinq personnes à bord… Pour mémoire, nous avions obtenu 46,7 nœuds avec le même bateau, propulsé par deux Mecury Verado 200 ch. Certes, il y avait 100 chevaux de moins, mais nos mesures s'étaient effectuées en mer, l'eau salée offrant un petit avantage de vitesse. En accélération, les Evinrude ont obtenu des chronos irréels, considérant le gabarit du Pirelli : 3"4 pour déjauger et 4"2 pour passer les 20 nœuds contre 6"5 et 6"2 aux Mercury pour le même exercice. Si avec le nouveau Nuova Jolly Prince 30, les accélérations se sont montrées au même niveau, la V-max est restée un peu retrait, avec 53 nœuds. Pas mal quand même ! Pour ce qui est du Ranieri Cayman 23, les 47,8 nœuds obtenus avec le G2 200 ch HO sont aussi de haute volée. Rappelons que les modèles estampillés HO (High Output) sont les versions sportives des E-Tec 200, 225 et 250 ch. Leur cartographie d'injection boostée (on parle de 20 à 30 chevaux supplémentaires) et leur plus grande légèreté (9 kilos de moins) leur confèrent un surcroît de performance.

Autres points d'importance, les consommations et les rendements. Dans ce domaine aussi, les G2 cartonnent. L'alliance d'une vitesse élevée et d'une conso contenue, débouche obligatoirement sur des rendements économiques et une autonomie majorée. A titre d'exemple, le 1,12 mille par litre à 27,3 nœuds du Cayman 23 et le 0,53 mille par litre à 36,7 nœuds du Pirelli 880, sont des valeurs exceptionnelles pour des puissances aussi élevées. Et qui dit économie d'énergie, dit baisse des seuils d'émissions polluantes. Et là encore, Evinrude n'y est pas allé avec le dos de la cuillère, puisqu'il revendique une baisse de 75% par rapport aux 4 temps de même puissance !
Ces performances bluffantes sont aussi le fruit d'un rapport poids/puissance aiguisé. Dans ce domaine, Evinrude nous rappelle que les 2 temps ne "font pas de gras". Et les G2 font figure de champions avec des ratios compris entre 1,22 (200 ch) et 0,84 kilo par cheval (300 ch). Des chiffres d'autant plus méritoires, qu'ils intègrent le poids de la direction hydraulique !

Un dernier mot pour dire que les G2 que nous avons essayés n'étaient pas encore équipés des hélices RX4, à quatre pales, spécialement conçues pour eux. Il est probable qu'elles seront un facteur d'amélioration des performances. Nous avons hâte de le vérifier !
Avec le deux temps, on peut véritablement parler de plaisir de pilotage. D'évidence, les nouveaux G2 ne trahissent pas cette notion encore chère à quelques plaisanciers animés d'une âme sportive. La réponse à l'accélérateur est l'une des composantes de ce plaisir et de ce point de vue, les nouveaux Evinrude possèdent un sacré tempérament. Quelle réactivité, quel punch ! Et il y a aussi la sonorité. Sur ce plan, ces nouveaux V6 sont dignes de leurs aînés, avec ce timbre sportif qui accompagne les montées en régime et qui participe aux sensations éprouvées à la barre. Et ceci, sans que cela ne devienne envahissant, ce que révèlent nos mesures en décibels, très proches de celles des 4 temps, si l'on excepte le ralenti, point sur lequel ces derniers se montrent plus discrets encore.
Que ce soit aux commandes du monomoteur Ranieri, ou des deux bimoteurs, Pirelli et Nuova Jolly, nous avons pu goûter la hargne impressionnante du 200 HO et des 250, que ce soit au déjaugeage ou dans les reprises, en sortie de virage. Il y a des chevaux à tous les régimes ! Autrefois point faible des 2 temps, le démarrage et les manœuvres au port (démarrage chaotique avec volutes de fumée, vibrations jusque dans le volant…) sont ici un plaisir, notamment grâce au nouveau boîtier de commandes électronique, doux, progressif et ergonomique.






En conclusion, c'est peu de dire que les E-Tec nouvelles générations nous ont enthousiasmés. Dans tous les domaines, les V6 Evinrude sont à leur avantage. Il doit y avoir un "loup"… Le prix ? Même pas… Ils sont moins chers que la plupart de leurs concurrents, et en plus, la direction hydraulique (intégrée) est offerte !




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