Présenté comme un véritable croiseur hauturier, le nouveau Zar justifie cette étiquette par sa tenue en mer formée, son endurance et ses performances. Équipé de deux moteurs, d'une cabine double et d'un équipement de confort complet, il permet d'envisager de longues randonnées loin des rivages surpeuplés. Démonstration.
Texte Philippe Leblond – Photos Il Gommone
Même s'il n'en revendique pas l'appellation, ce Welldeck mériterait le "Prix Goncourt" du walkaround. Si l'on excepte la petite marche pour accéder au pont avant, le Zar est un véritable walkaround, avec son "chemin de ronde" encaissé, à la différence de certains semi-rigides arborant la dénomination "WA", mais ayant en fait une configuration "sundeck" (cabine pleine largeur sous le pont et, de ce fait, pas de coursive en creux). D'ailleurs, Piero Formenti, le patron de Zar, a choisi de qualifier son nouveau semi-rigide de "walkinside" ("marcher à l'intérieur"), pour mieux insister sur cette coursive bordée d'un pavois très sécurisant, notamment pour les jeunes enfants. Revers de la médaille, cette architecture se traduit ici par une présence envahissante du polyester. Zar s'est souvent montré généreux envers la fibre de verre, mais le 87 Welldeck surpasse tout ce qui existe dans le domaine du semi-rigide ! Les puristes du pneumatique risquent de tiquer…
Quoi qu'il en soit, ce nouveau Zar en impose. Le franc-bord en polyester dévore le flotteur et s'élève très haut au-dessus des flots, laissant augurer d'un tempérament hauturier. Par chance, la console-cabine bénéficie d'un profilage discret qui limite un peu l'altitude des superstructures. L'un des points forts de ce plan walkaround est, à n'en pas douter, la commodité des déplacements à bord, avec de surcroît, un passage latéral arrière pour accéder à la plate-forme et son échelle de bain intégrée, ainsi qu'une delphinière ultra large et antidérapante, facilitant l'embarquement par la proue. Autre caractéristique majeure du 87 Welldeck, son volume de rangement plus que généreux : de l'équipet "humide" (pour palmes, masques, amarres…), au tableau arrière, aux multiples coffres et cales dont les capots sont assistés par des vérins à gaz, en passant par la soute de poupe, pour laquelle une partie du pont et de la banquette se relève électriquement, ce ne sont pas les possibilités qui manquent ! Ni les mètres carrés de solarium, puisque le 87 Welldeck offre deux grandes surfaces pour la "bronzette", celle de la poupe étant convertible en un carré convivial, flanquée d'une kitchenette, située dans le corps du siège pilote, avec réchaud à deux feux, évier, glacière électrique Waeco de 50 litres et planche à découper… De quoi envisager de vrais repas au mouillage !
Autre morceau de choix, le poste de pilotage. Le constructeur ayant eu la bonne idée de placer la porte d'entrée sur le flanc bâbord de la cabine, la planche de bord exploite toute la largeur de la console. Il n'y a donc aucune difficulté à disposer tous les cadrans des moteurs et les aides électroniques à la navigation, de même que le compas, bien dans l'axe de vision du pilote. Autre point positif, le cale-pieds en teck et l'assise relevable pour piloter en appui lombaire garantissent une bonne position de conduite. Un mot aussi sur l'accastillage pour saluer le sérieux de Zar-Formenti, avec des taquets et des mains courantes en nombre, un roll-bar inox facilement démontable, supportant feux et antennes, une douchette avec réservoir d'eau grise, un guindeau électrique intégré et écubier à l'étrave pour l'ancre… On peut juste regretter que, sur un bateau d'un tel poids, ce dernier soit en option !
Terminons la visite à quai par la cabine, qui offre une belle hauteur sous barrots à l'entrée et un volume plutôt agréable compte tenu du plan de pont "walkaround". La finition (décoration en bois cérusé) et le confort sont à souligner, avec un grand lit double, de nombreux rangements et éclairages, et surtout une salle d'eau indépendante avec douche, lavabo et WC marin électrique. Seul reproche, une ambiance un peu confinée par manque de hublots ou de surfaces vitrées (porte pleine)…
Voyons ce que donne ce cabin-cruiser dans la mer difficile qui nous guète à la sortie du port de Chiavari (sud de Gênes)… Pour déplacer une telle masse, il ne faut pas lésiner sur la cavalerie. De ce point de vue, nous sommes gâtés puisque, en termes de bimotorisation, on ne peut pas installer une cylindrée plus importante que celle des deux nouveaux V6 Yamaha de 300 ch… après celle des V8 350 ch de la même marque. Plus de 8 000 cm3 d'acier high-tech se chargent d'arracher à sa gangue liquide le 87 Welldeck qui, en ordre de marche, dépasse allègrement les trois tonnes ! Mission couronnée de succès pour la paire de V6 japonais qui déjauge le Zar en moins de trois secondes ! Et l'accélération vigoureuse se poursuit jusqu'au régime maxi, soit 5 700 tr/min avec l'excellent choix d'hélices, opérant un bon compromis entre accélération et vitesse, puisque le GPS a enregistré 50 nœuds. Ces performances "top niveau" sont atteintes avec la puissance maximale admise, mais il est permis de penser que 2 x 200 ch devraient suffire à animer ce lourd semi-rigide. En dessous de cette puissance, cela risque de "ramer" un peu, même si lors de ce test, un seul 300 ch (l'autre étant en position relevée) a permis une V-max de 38 nds et un temps de déjaugeage de 6 secondes ! Autre bonne perf à mettre à l'actif du Zar 87 : son autonomie. Au meilleur rendement, il est capable de couvrir 250 milles à 28 nds ! Une vitesse de croisière proche de l'idéale pour cet ensemble avec lequel nous avons pu naviguer dans de bonnes conditions de confort dans des creux d'1,50 m.
Pour ce qui est du pilotage et du comportement, là aussi le Zar nous a surpris en bien. Car malgré sa masse considérable, il reste maniable et docile. Il est capable de virer dans un espace restreint, grâce à un bon grip et à la motricité des hélices (pas de ventilation). Pour ce qui de l'équilibre général (longitudinal et latéral) rien à redire. Le 87 Welldeck file droit, même par mer de travers, où sa tenue de cap reste précise et son assiette sereine (pas de coups de raquette). Le meilleur indice de ce bon comportement, c'est que, malgré le froid et la pluie intense qui criblait nos visages, nous nous sommes fait plaisir à ses commandes… De retour au port, on pouvait craindre un certain fardage lors des manœuvres, en raison de ses superstructures imposantes, mais la bimotorisation aidant, il n'en fut rien.
CONCLUSION
Ce nouveau Zar est à coup sûr une réussite, tant en matière de comportement marin, de performances, que de confort en navigation ou à l'escale. Un vrai cabin-cruiser taillé pour les grandes navigations. Et puis il y a la "qualité Zar" qui, s'il est possible de trouver plus luxueux, témoigne d'une facture impeccable. Reste, la silhouette… Mais là, c'est affaire de goût.