Ce qui surprend sur les bateaux de Formenti, c'est la somme de matière grise mobilisée pour optimiser l'aménagement de cockpit, avec des combinaisons parfois très complexes, mais simples à l'usage. Le 73 Sky Deck en est sans doute l'exemple le plus parlant. Le morceau de bravoure est sans doute la cabine qui fait déjà référence. Hélas, la motorisation n'est pas à la hauteur…
Texte et photos Philippe Leblond
Les modèles de 7,50 m à cabine sont encore rares dans le paysage du semi-rigide. Et pour cause, c'est un véritable exercice de style que d'en concevoir un qui satisfasse les exigences d'une clientèle devenue difficile. Une cabine, oui, mais l'on veut aussi de la place dans le cockpit ! C'est NuovaJolly qui a ouvert le feu, il y a deux ans, avec le King 750 Cabin, et le Zar a suivi l'an dernier, tandis que l'Espadon 780 devrait faire son apparition. Disons-le tout de suite, la cabine du Zar est autrement séduisante que celle du NuovaJolly, pourtant plus long de 20 centimètres et configuré en hors-bord, tandis que le Zar doit composer avec sa motorisation in-board occupant de la place dans le cockpit. Mais chez Formenti, on a relevé le défi. Et, le moins qu'on puisse dire c'est que le résultat est convaincant. Reste la silhouette, dont l'esthétique très particulière ne fera pas l'unanimité…Partons de la poupe. Le capot moteur a été mis à profit pour un solarium de bonne dimension à configuration multiple. Le dossier de la banquette arrière (en deux parties) peut être disposé de deux manières : pour l'utilisation banquette, laissant une place sur le bain de soleil ou, en position reculée, pour libérer la partie centrale de l'assise qui est amovible (le support est en fait une table en bois), afin de former un beau carré autour duquel on peut s'attabler aisément à quatre. Pour profiter de la surface maxi du solarium, il suffit d'ôter les deux demi-dossiers et de placer le complément. Astucieux et efficace. Pour libérer de l'espace dans la cabine, le petit bloc cuisine prend place sous le siège basculant du pilote. On y trouve un petit frigo, un réchaud à gaz à deux feux (la bouteille est stockée dans l'un des coffres de la poupe), un petit évier et, sur le côté, sous un coussin placé en contrebas, une glacière. Toujours dans le souci d'une utilisation élargie à la croisière, un kit camping, complètement fermé, vient abriter le bain de soleil arrière procurant deux beaux couchages d'appoint (attention, le matelas est plutôt ferme !). De nombreux coffres et des équipets latéraux apportent la capacité de rangement souhaitée, venant s'ajouter à ceux déjà présents dans la cabine. Une cabine très séduisante. Qui dit cabine implique des passavants. Ceux-ci ne sont pas très larges (il est vrai que le bau maxi n’est que de 2,55 m) et se rendre sur l’avant, tout en s’agrippant au pare-brise, réclame un minimum de concentration, notamment en navigation. Le rouf de la cabine est recouvert d’un second bain de soleil soigneusement intégré dans un moulage prévu à cet effet et bordé de longues mains courantes. Ainsi pas de risque de le perdre ou de le voir se gonfler, même à pleine vitesse. Le nez du Zar est traité en une large delphinière antidérapante et encadrée de deux taquets inox bien dimensionnés. Le couvercle du puits de mouillage (il manque un filin de retenue) ouvre sur un guideau électrique, l’ancre étant à poste sur son davier. L’absence de balcon réclame des précautions à l’instant de mouiller. Il est préférable de ne pas envoyer d’équipier sur l’avant et d’actionner le guindeau à partir du poste de pilotage.
La cabine est incontestablement la grande réussite du 73 Sky Deck. Après l’ouverture de la porte coulissante, au premier coup d’œil, on est séduit !
L’apport en lumière, dû aux grandes fenêtres latérales et au capot de pont ouvrants (de quoi bien ventiler la cabine), est appréciable et met en valeur la décoration chaleureuse : tissus et vaigrages clairs, Flexiteck (imitation teck), cloison du cabinet de toilette en Altuglass bleuté, plan de toilette en Corian (imitation marbre)… Du coup l’impression d’espace est réelle et le soin apporté à la finition contribue au charme. La hauteur sous barrots est limitée à environ 1,60 m, à l’entrée, et dans les sanitaires, équipés d’un lavabo et d’un WC marin électrique, il est possible de se doucher en position assise (réservoir de 80 l en standard). Le 73 Sky Deck offre de toute façon (en série) une douchette extérieure à hauteur de la plate-forme de bain. Il est à noter que celle-ci intègre non seulement une échelle inox, mais aussi une passerelle d’embarquement… Ce n’est plus un semi-rigide, c’est un « yacht » !
Bien abrités derrière le poste de pilote à l'instrumentation complète, et pare-brise enveloppant, nous quittons le port de Cannes pour un petit galop par mer calme. L'absence de houle ne nous permettra pas véritablement de tester l'équilibre et le confort de cette carène. Elle arbore le même dessin que celle de ses frères de chantier, avec des bouchains inversés très marqués, formant un profil rappelant un peu l'aile de mouette des « Boston », mais avec un V central plus prononcé. En attendant, elle passe correctement sur le petit clapot qui parcourt la baie de La Napoule.Par contre, le manque de « pêche » du moteur VNM nous est apparu dès la phase de déjaugeage, avec une mise en action laborieuse, ponctuée par une volute de fumée noire. Le diesel italien n'est sans doute pas le meilleur dans sa catégorie… à l'évidence, ses 225 chevaux ne sont pas assez fougueux pour rendre le lourd 73 Sky Deck, à la fois performant et plaisant à piloter. Les sensations à la barre sont très neutres, et la vitesse de pointe, alors que notre Zar était loin de sa charge maxi, est restée en deçà des 30 nœuds, malgré nos efforts pour optimiser le réglage du trim (tendance à marsouiner). Si le Zar vire serré sans ventiler, le moteur manque de reprise en sortie. Par ailleurs, en allure de croisière, c'est-à-dire à un régime relativement élevé compte tenu du manque de vélocité (à 22 nds, on se trouve aux alentours de 3 300 tr/mn pour un maxi à 3 800), le VNM se révèle bruyant. On se consolera avec la tenue de cap impeccable et la stabilité de route. .
Conclusion
Malgré une impression très positive, eu égard à l’ambition de la démarche et à l’aspect qualitatif de la réalisation, on ne peut s’empêcher de penser que le choix du moteur diesel est à revoir (il n’est pas non plus certain que le Mercruiser 200 ch, moins puissant, proposé par Formenti soit préférable au FNM). Dès lors, pourquoi ne pas opter pour la propulsion essence (un Mercruiser 4.3 l de 220 ch) figurant sur le catalogue du chantier, à un tarif sensiblement inférieur (68 052 c) ? Pour le reste, cette perspective d’un « semi-rigide day-cruiser » est excitante, et le 73 Sky Deck ne demande qu’à accueillir les amateurs de petite croisière dans sa séduisante cabine. Pour ne rien gâter, il est au gabarit routier sans même avoir besoin de le dégonfler.