Doté d'une nouvelle carène, le 6.4 Pro "phase 2" est ici décliné avec deux aménagements et deux V6 de 200 chevaux distincts. De ces différences d'interprétations naissent deux semi-rigides pour des usages différents. Mais, dans les deux cas, la réussite est au rendez-vous.
Texte et photos Philippe Leblond
Si proches mais si différentes… L'importateur de la marque anglaise Ribcraft, installé à Concarneau, avait mis à notre disposition deux versions du nouveau 6.4 Pro. Ce modèle appelé à devenir un best-seller du chantier britannique recevait d'une part un Evinrude E-Tec G2 200 HO deux temps, de l'autre un Suzuki DF200 V6 quatre temps. Et chacun proposait un cockpit aménagé différemment : "à l'anglaise" pour le premier, et "confort" pour le second. Précisons que ce 6.4 Pro arbore une toute nouvelle carène (dévoilée au Nautic de Paris), au V plus profond, au franc-bord plus élevé et à l'étrave mieux défendue que l'ancienne. Au point que sur ce nouveau millésime, les flotteurs ne touchent pas l'eau à l'arrêt, ce qui lui vaut d'être un peu moins stable. Rien de bien dérangeant toutefois, le bateau se calant rapidement sur son bouchain. Rappelons que le 6.4 occupe le centre d'une gamme qui s'étend de 4,80 m à 12 m, tous les modèles étant dotés de flotteurs à tissu Orca (Néoprène/Hypalon), et que sa puissance maxi passe de 175 à 200 chevaux…
Tournons la clé de contact de l'Evinrude, pour commencer. Ce hors-bord, avec son look futuriste, fait partie de la nouvelle génération (G2) de V6 lancée l'an dernier par le motoriste américain. Un dessin résolument innovant, poussant loin la customisation en matière de graphisme et une fiche technique alléchante pour prendre place sur le tableau arrière d'un semi-rigide anglais dont l'on devine les aptitudes sportives. Le sigle HO (pour "high output" qui orne le capot de l'Evinrude est un gage supplémentaire de performance, le HO étant une déclinaison survitaminée du moteur standard… Une cartographie aiguisée (calage de l'allumage et durée d'injection du carburant) afin d'offrir plus de couple et de puissance, ainsi qu'un flux de refroidissement plus dense, en font un 200 chevaux "plus", le gain de puissance n'étant pas divulgué par Evinrude…
Fidèle à la technologie deux temps à injection directe, le G2 laisse immédiatement entendre sa sonorité sportive. Même au ralenti, on sent ce moteur prêt à bondir. Une fois à distance du port de Concarneau, nous accélérons franchement. Quelle réponse ! Le V6 se met à entonner sa montée en régime comme s'il n'y avait aucune inertie. En moins de trois secondes, le Ribcraft navigue dans ses lignes, tandis que le chiffre des 20 nœuds du GPS nous saute au visage. Pour pousser, ça pousse ! Le clapot défile de plus en plus vite, et, malgré un grand renfort de trim positif, nous allons éprouver une petite frustration : celle de ne pas franchir les 50 nœuds. Mais, 49,5 nœuds, c'est déjà quelque chose pour un bateau qui déplace tout de même 1,5 tonne en ordre de marche ! Toujours au chapitre des performances, il est important de noter les excellents rendements, proches du mille par litre jusqu'à 3 500 tr/min, soit 31,4 nœuds, une vitesse de croisière à la fois élevée et économique. Servi par des commandes douces et précises, le pilotage est un véritable régal avec ce V6 super réactif, et à la sonorité enivrante. On ne se lasse pas de relancer la cavalerie que ce soit face à la vague, où le Ribcraft, bien équilibré, fait merveille, ou dans les virages sur l'aile (un peu trop même en raison d'une gîte intérieure exagérée). Délestée par le flotteur portant sur l'eau, la quille en arrive même à glisser ! Il convient donc de ralentir, pour inscrire l'étrave, puis de relancer progressivement, le brio du G2 se faisant encore apprécier, même avec une hélice Rebel, appelée à être remplacée par la RX4, une quatre pales spécialement conçue pour les G2.
Au tour du Suzuki ! Le DF200 qui équipe le second Ribcraft est, non pas le nouveau 4 cylindres en ligne (voir essai dans Pneu Mag n°105), mais le bon gros V6. Sa cylindrée est légèrement supérieure à celle de l'Evinrude, ce dernier prenant sa revanche avec un meilleur rapport poids/puissance, le hors-bord japonais pesant 19 kg de plus. On notera tout de même que, pour un quatre temps, le Suzuki présente un poids contenu. D'ailleurs, ses chronos d'accélération sont équivalents, même s'il ne procure pas la même sensation de nervosité que l'Evinrude. En raison d'une hélice au pas un peu court (18"5), allant jusqu'au rupteur d'allumage, notre mesure de vitesse maxi est restée à bonne distance de celle obtenue avec l'Evinrude (42,3 nœuds contre 49,5). Pierre Nerzic, l'importateur Ribcraft nous a dit qu'il passerait une 21"5. Quelques jours plus tard, le verdict tombait : 47 nœuds avec 100 tr/min de moins. Une mesure plus conforme au potentiel du DF200, même si l'on peut penser que cela s'est fait un peu au détriment de l'accélération. Mais de ce côté-là, nous ne sommes pas inquiets, considérant le "coffre" du V6 nippon… Sur le plan des rendements, le Suzuki fait pratiquement jeu égal avec l'Evinrude, jusqu'à environ 30 nœuds, sa consommation augmentant nettement plus vite que celle du V6 américain au-delà de cette vitesse (l'hélice courte n'y est sans doute pas étrangère).
Aux commandes du Ribcraft/Suzuki, les sensations sont bien différentes, même si comme avec l'autre bateau, l'effet de couple sensible à l'accélération (le bateau penche sur bâbord) s'évanouit au fur et à mesure que l'on monte le trim. L'impression de puissance est omniprésente, mais moins exacerbée qu'avec l'Evinrude. Par contre, le Suzuki se révèle plus silencieux à bas et moyen régime, et de fait plus agréable sur de longues promenades aux allures de croisière (entre 3 000 et 4 500 tr/min). Comme son opposant du jour, le 6.4 Pro propulsé par Suzuki démontre un super équilibre et une tenue de cap rigoureuse, d'où que vienne la mer et le vent (modérés, il est vrai). On constate que dans les deux cas, le poste de pilotage est en position très avancé, et c'est nécessaire car la carène du Ribcraft possède une grande faculté de déjaugeage. A pleine vitesse, seul le dernier tiers arrière est en contact avec l'eau, sans pour autant déclancher du roulis. Le passage dans la vague (50 à 70 cm) est appréciable, tant en termes d'équilibre que de confort. Et en virage, il se montre moins radical qu'avec l'Evinrude, mais attention tout de même au grip très viril, lorsqu'on attaque les virages serrés avec du gaz !
La différence qui touche le pilotage se retrouve aussi dans l'aménagement des cockpits. L'exemplaire doté de l'Evinrude reste très "british" dans sa définition, avec quatre sièges jockey regroupés derrière la console. Tandis que sur le modèle équipé du Suzuki, le pont a été agencé dans une optique plus familiale, avec, certes, deux sièges jockey (les Anglais adorent !) mais aussi une console avec siège sur sa face avant et surtout une banquette biplace classique, offrant un grand coffre de rangement. Dans les deux cas, les passavants sont étroits, mais la profondeur de cockpit, peu commune pour un semi-rigide de cette longueur, autorise des déplacements sécurisés (bien pour les enfants). Autre signe distinctif, le Ribcraft plus baroudeur se contente d'un guide de mouillage, tandis que la version plus "confort" offre un petit davier d'étrave pour faciliter la manœuvre.
Conclusion
Les semi-rigides Ribcraft sont très appréciés de la clientèle Atlantique/Manche, pour la liberté qu'ils laissent dans l'agencement de leur pont. Il est, à l'exemple de nos deux bateaux d'essai, possible de l'adapter, au plus près de l'utilisation qu'on en fait. Il est également possible de choisir entre plusieurs combinaisons de couleurs. Quant à la nouvelle carène du 6.4 Pro, elle a réussi l'examen haut la main, que ce soit avec l'Evinrude typé "racing", ou le Suzuki "force tranquille".