Ce grand semi-rigide habitable, tendance latin lover, joue de deux armes de séduction majeures : son look avant-gardiste et son luxe sophistiqué. Les virées-farniente sont au programme, plutôt du côté de Saint-Trop' que de Concarneau, pour profiter de ses vastes bains de soleil et de sa belle plage de bain en teck, in-board oblige.
Texte et photos Jacques Anglès
Levons tout de suite le doute que pourrait créer l'homonymie presque parfaite entre le chantier romain Abate et celui, installé sur les rives du lac de Côme, de Tullio Abbate, le célèbre pilote et constructeur motonautique auréolé d'innombrables titres européens et mondiaux. Il n'y a en effet rien de commun entre la lignée de Tullio Abbate (avec deux b), originaire d'Italie du nord, et celle de Rolando Abate (avec un seul b), fondateur du chantier d'où sort le A35 Coupé de cet essai. Alors que le premier est connu pour ses canots au profil de projectile, coutumiers des vitesses supérieures à 70 nœuds, le second fonde sa réputation sur le design, sur des techniques de construction avancées et sur le luxe de ses modèles. Le A35 Coupé représente la quintessence de cette approche, qui n'est pas sans évoquer celle d'un Sacs, par exemple, dans sa manière de s'imposer au regard. De loin, on remarque son grand hard-top prolongeant le pare-brise, comme un arc tendu au-dessus du poste de pilotage soutenu à l'arrière par un double jonc d'acier inox, fin mais solide. De près, le luxe du bord s'affiche comme une marque de fabrique de la proue à la poupe, à travers la sophistication du design, l'omniprésence du teck (sous forme de contre-plaqué rainuré de joints gris clair), la qualité des selleries ou la facture soignée de tous les détails. À l'exemple des porte-verres moulés aux extrémités de la banquette arrière, des vide-poches en filet élastique intégrés au dos des sièges de pilotage ou des deux tables de cockpit montées sur pieds télescopiques.
Mais cet authentique italien du sud, à force de cultiver un esthétisme un peu frimeur, oublie parfois les nécessités fonctionnelles, comme sur le massif de proue, sculpté de marches de teck inutiles, ou encore sur le grand tableau de bord, dont les instruments éparpillés à la périphérie ne favorisent pas une lecture synthétique des informations moteur (ce qui est plus gênant). On critiquera aussi l'absence de tout garde-fou sur les deux solariums, ce qui les rend inutilisables en navigation (même tranquille), en particulier celui de l'arrière, légèrement en pente vers la poupe. Dommage, car l'organisation générale du pont en quatre zones est bien conçue au regard du programme de ce modèle. Le pont avant est dédié au farniente avec un grand bain de soleil facile d'accès grâce aux larges marches des passavants, Au centre, le poste de pilotage, abrité par le hard-top, est équipé de deux confortables fauteuils à assise relevable (pour le pilotage debout), mais hélas seul celui du pilote bénéficie d'un cale-pied. Juste derrière le poste de pilotage, le cockpit passagers dispose de deux grandes banquettes en L et, grâce à ses deux tables dépliables, il devient un carré pour six à sept convives au moment des apéros ou des repas. Enfin, la zone arrière, aisément accessible par un bref et large escalier, offre un second bain de soleil, ainsi qu'une grande plage de bain en teck, avec échelle de bain intégrée. Mais, ce grand Coupé ne se contente pas d'être un joli bateau “pour aller à la plage“, c'est aussi un habitable qui dispose de tout le confort pour des croisières à deux, avec une cabine très réussie qui est un de ses meilleurs atouts. Celle-ci abrite un lit double king-size à l'avant, une vraie salle d'eau fermée à tribord et une cuisine bien équipée (plus pratique qu'une cuisine extérieure), près de l'entrée à bâbord, le tout avec une hauteur sous rouf de 1,90 m (!) et une bonne aération. Reste un point noir : le manque de rangements pratiques, à l'extérieur comme à l'intérieur.
Penchons-nous maintenant sur la motorisation, deux Mercruiser 377 Mag avec embase Bravo 3 (double hélice), facilement accessibles dans le volumineux compartiment moteur sous le solarium arrière. Délivrant au total 640 ch, cette motorisation paraît généreuse. Contact et cap au large pour vérifier cela. Premier constat, la manœuvrabilité au ralenti est bonne, ce qui est agréable mais normal avec une bimotorisation à embases. Si l'on peut louer l'excellent confort du fauteuil de pilotage, cela ne compense pas certains inconvénients plus gênants : visibilité entravée par les épais montants du hard-top, hauteur excessive du tableau de bord, piédestal trop étroit en position debout, commandes de gaz très écartées du volant… Côté pilotage, les puissants V8 Mercruiser procurent un déjaugeage assez rapide et de belles accélérations pour une unité qui approche les cinq tonnes en charge. Le déjaugeage passe par une brève phase cabrée (entraînant une perte de visibilité sur l'avant) avant reprise d'assiette, celle-ci restant toujours légèrement positive. En ligne droite, on apprécie la stabilité de route et l'équilibre latéral de cette carène bien assise sur l'eau, qui laisse toutefois percevoir une petite facilité à marsouiner dans la houle, sans provoquer d'inconfort (aucun embrun ne viendra mouiller le pont lors de cet essai). Le meilleur compromis vitesse/confort se trouve entre 19 et 26 nœuds, correspondant à la plage de régimes où les moteurs délivrent leur meilleur rendement. Le confort reste excellent quand on accélère, notamment grâce à la bonne insonorisation des moteurs qui permet de contenir le bruit à un niveau toujours inférieur à 84 décibels. Quant aux chronos relevés en vitesse maxi, les 41,6 nœuds inscrit au GPS sont honnêtes, mais nous laissent tout de même un peu sur notre faim, compte tenu de la puissance installée, du look sportif de ce modèle et des comparaisons avec d'autres coques de même catégorie. À cet égard, il est à coup sûr handicapé par l'aérofrein que constitue son grand hard-top, loin d'être négligeable au-dessus de 30 nœuds. En virage, le A35 est bien servi par une direction assistée, précise et douce qui facilite le pilotage. Les courbes rapides sont avalées en toute facilité et la carène reste franche quand on réduit progressivement le rayon de giration, avec une inclinaison intérieure qui reste toujours modérée. Mais si l'on resserre trop le rayon, la consommation de puissance croît vite jusqu'à ce que survienne la ventilation des hélices. Pour résumer les sensations de pilotage que délivre cet Abate, disons qu'il relève plutôt de la catégorie grand tourisme que de la catégorie sport, avec des performances qui manquent un peu de brio.
CONCLUSION
L'esprit méditerranéen habite ce modèle au profil de séducteur et à la philosophie hédoniste, comme en témoignent ses vastes surfaces dédiées au farniente et la convivialité de son cockpit. Avec six à huit passagers, il promet de belles balades estivales ponctuées de mouillages dans les criques, et sa cabine confortable permet de programmer des croisières en couple, en profitant d'une grande autonomie. Son look peut séduire, mais il doit faire face à des modèles de même catégorie souvent plus aboutie.