Quand on a pris une dose de ce SeaDrug, une fois rendu les clés du bateau, la sensation de manque nous envahit… Rapide, nerveux, précis, ce semi-rigide possède de surcroît une silhouette séduisante. De quoi vous rendre accro.
Texte et photos Philippe Leblond
Vous avez pu découvrir Technohull dans les pages de notre numéro 95 (mai/juin), avec l'essai du démoniaque SeaADN 999 S, look ravageur et V-Max à 67 noeuds. Et bien, le SeaDrug 688, c'est son petit frère... Prenez une tronçonneuse, retranchez trois mètres du premier et vous obtenez le second. Même silhouette, même dessin de carène (signé Adam Younger) typé offshore, avec double redan, virures parallèles et peintures de guerre, mais en plus petit. Certes, le niveau de performance n'est pas le même, mais il n'en demeure pas moins au-dessus de la moyenne. Bien que l'essentiel, avec ce bateau ne soit pas là… Ce qui séduit en premier lieu, c'est son homogénéité, son comportement proche de la perfection et ce feeling exacerbé qu'il communique à son pilote. Dans tous les secteurs du pilotage, il ramasse la note maximale : comportement à la vitesse maxi, sans roulis et avec une tenue de cap exemplaire, sensibilité aux réglages du trim, ni trop, ni trop peu, réactivité de la barre exceptionnelle (le pilote a l'impression que le bateau est le prolongement de lui-même), sensation de glisse hors du commun une fois la carène déjaugée… Idem en virage, avec une quille incisive comme un scalpel, une prise de gîte intérieure progressive, une précision de trajectoire constante quelle que soit le rayon de la courbe, et des reprises efficientes, grâce à une motricité jamais prise en défaut. Les seules réserves que l'on pourrait avoir sur le SeaDrug, concerneraient son comportement marin, l'ayant essayé sur le canal de Bruges (Belgique), donc sur un plan d'eau on ne peut plus clément. Seule opportunité d'entrevoir son équilibre dans la vague, deux ou trois sauts effectués sur le sillage profond d'une grosse vedette de la gendarmerie… Impressions fugitives mais positives : assiette parfaite au décollage et reprise de contact avec le plan d'eau en pleine motricité. A valider lors d'un prochain essai en mer. Quant aux chiffres, ils ne sont pas exceptionnels mais au-dessus de la moyenne (sauf pour le 0 à 20 nœuds). Avec 51,7 nœuds en pointe, sur eau douce (on peut envisager 55 nœuds en mer avec la puissance maxi, 250 ch), et un déjaugeage expédié en 3"1, ça va fort. Et pour la croisière, il n'y a pas à se plaindre avec une série de rendements proches du mille au litre, entre 3 500 et 4 500 tr/min, soit entre 28,7 et 38,4 nœuds. Rapide et économique c'est possible, et cela va même souvent de pair !
Comme son grand frère, le SeaDrug est caractérisé par une silhouette sportive ponctuée d'un nez en fibre de verre qui englobe l'extrémité des flotteurs de diamètre progressif. Mais ce détail, esthétique s'il en est, requiert une certaine vigilance lors des manœuvres face au quai. Par ailleurs, la qualité perçue de ce semi-rigide construit en Grèce saute aux yeux, avec toutefois un détail qui peut nous paraître "exotique" : la présence d'une fine moquette (imputrescible, tout de même !) dans la volumineuse cale de poupe et dans la console qui présente une grande ouverture frontale, assistée par vérin. Voilà qui fait plus américain qu'européen ! Pour le reste, on se trouve en présence d'un mélange entre le "RIB" à l'anglaise, avec sièges jokey (d'un beau design) et console profilée, et le "gommone" à l'italienne, avec un solarium sur coffre à l'avant et une banquette pleine largeur à la poupe. Un "mix" judicieux, qui devrait permettre de capter une nouvelle clientèle, à la fois désireuse de confort au mouillage mais aussi de sensations de pilotage… Si l'on regarde un peu plus dans le détail, on relève de nombreux points positifs, comme les deux petits coffres à amarres creusés dans les hiloires de cockpit (celui de bâbord renferme la douche de pont), les taquets inox bien dimensionnés, le haut mât de ski, le retrait de la console au niveau des genoux des pilote et copilote, la position centrale du boîtier de commande DTS qui autorise le pilotage rapide à deux en mer formée, la main courante pour le copilote offrant une bonne prise, les deux coffres gel-coatés sous le solarium (dont un en longueur), la capacité d'eau douce (120 l), l'emplacement prévu pour un guindeau électrique… Par contre, le siège minimaliste moulé à l'avant de la console ne peut accueillir qu'un enfant.
La circulation à bord est plutôt facile, grâce à des passavants assez généreux, malgré une largeur contenue qui permet au SeaDrug de circuler sur la route, sans qu'on ait besoin de dégonfler ses flotteurs. Autre bon point, les deux plates-formes de bain (celle de bâbord intègre l'échelle) et la capacité de la douche de pont (120 litres). Bien aussi, les poignées en inox à l'arrière des deux jockeys, permettant aux passagers arrière de naviguer debout en sécurité. A l'inverse, si la position de conduite présente une ergonomie appréciable, le pare-brise ne remplit pas bien son rôle, et le tableau de bord s'avère un peu exigu pour l'intégration d'une petite centrale de navigation ou d'une stéréo.
La carène du SeaDrug, à l'instar des semi-rigides britanniques en V profond, possède une étonnante capacité à déjauger. A pleine vitesse, les flotteurs sont totalement dégagés de l'eau, ce qui ne l'empêche pas de faire preuve d'une belle stabilité latérale et d'une tenue de cap parfaite. Par contre, à l'arrêt, et bien que l'arrière des flotteurs soit au contact de l'eau, le passage d'un bord à l'autre fait ressortir une certaine instabilité. Il y a moindre mal dans le sens où ce semi-rigide ne s'adresse pas vraiment aux pêcheurs ou plongeurs... Hormis ce petit inconvénient, le plus petit des Technohull (quatre modèles de 7,20 m à 10,30 m) délivre de très belles sensations de vitesse et un plaisir de pilotage XXL.