Dans une mer difficile, le Humber ne s’en laisse pas compter. Il affronte les éléments sans états d’âme, montrant un physique à toute épreuve. Facile à mettre à l’eau et stable à l’arrêt, il plaira aux amateurs de raid, ou aux pêcheurs, mais ses derniers trouveront peut-être son cockpit un peu étroit…
Texte et photos Philippe Leblond
Cela fait plus de 50 ans que le chantier anglais fabrique des semi-rigides. Des modèles bien « british », construits à partir d’une coque étroite et en V profond, ceinte de flotteurs de faible diamètre, et recouverte d’un plancher classique, en bois stratifié sur ses deux faces. Ce dernier, permet une certaine liberté quant à l’aménagement du pont, ce qui plaît évidemment à une clientèle majoritairement tournée vers la pêche en mer, la plongée ou la navigation sportive. A l’exemple de l’Ocean Pro 630 qui, du fait de sa légèreté (moins de 800 kilos en ordre de marche) et de sa largeur restreinte (2,34 m), est facile à mettre à l’eau et à transporter sur remorque, flotteurs gonflés.
*Au ponton*
On remarque, dès l’embarquement, une surface « habitable » assez réduite. Il est vrai que malgré ses flotteurs de modeste diamètre, la surface de pont est sensiblement inférieure à celle de la plupart des semi-rigides de 21 pieds. C’est souvent le cas avec les semi-rigides anglais, aussi ne sommes-nous pas surpris, d’autant que notre bateau d’essai est équipé d’une console large avec un siège biplace sur l’avant, et de quatre sièges jockey, le tout présentant une emprise au sol non négligeable. On note également les passavants rendus étroits par la présence d’une main courante de console, efficace certes, mais qui prend ses aises, sans compter la présence d’un double roll-bar optionnel à l’intérieur du tableau arrière qui empiète largement sur le plancher. Guillaume de Drézigue, revendeur de la marque installé sur l’Ile de Ré, dit au sujet de ce dernier qu’il est possible d’y ajouter des supports pour wakeboards. En l’absence de taquets rigides, il sert aussi pour l’amarrage, à moins d’utiliser les taquets en caoutchouc collés à l’extrémité des flotteurs.
Dans l’espace situé en arrière des sièges jockey, on trouve au sol un vivier de 190 litres qui se vide par gravité (lorsque le bateau est en route), mais qui peut être équipé d’une pompe pour activer la circulation d’eau de mer. Les jockeys, vissés et collés au plancher, offrent chacun un volume de rangement qui est le bienvenu, car la console et la baille à mouillage sont les seules autres possibilités de stockage. Notez que Guillaume a fixé deux supports de cannes Amiaud sur les dossiers de deux jockeys côté poupe. Un réflexe du guide de pêche qu’il est ! Concernant les flotteurs, dont les lais d’Orca sont assemblés verticalement (c’est moins élégant que dans la longueur…), ils comportent des renforts d’assises (antidérapants pour les pêcheurs, lisses pour les plongeurs), tandis que les saisines, gainées de caoutchouc (une excellente idée) offrent une prise efficace et agréable. Pour faciliter le remisage du bateau, sachez que la console sur charnières bascule vers l’arrière. Par contre, ce n’est pas le cas du roll-bar qui, au besoin, devra être démonté. Terminons cette revue de détail avec le poste de pilotage. La position de conduite, assis ou debout, est « nickel », avec des commandes placées à bonne distance et une bonne visibilité à travers le haut pare-brise lorsqu’on est assis, ou par-dessus si l’on pilote debout. Le tableau de bord, habillé de simili carbone est assez généreux, mais la meilleure solution pour l’électronique de navigation est de la choisir sur étrier (comme sur le bateau d’essai) car la poignée, nécessaire au copilote, condamne le seul emplacement d’intégration. Manque juste un vide-poches qui ferait bien l’affaire…
*En mer*
Ce Humber possède des qualités physiques qui lui permettent de sortir par (presque) tous les temps. Le jour de notre essai, le Pertuis d’Antioche n’était pas des plus conciliants (vent de force 4-5, houle augmentée d’un gros clapot avec des creux de 1 m à 1,50 m). Bref, de quoi mettre à l’épreuve la carène aiguisée de l’Ocean Pro 630. Comme on a pu le constater, elle ne craint pas d’affronter la mer formée, démontrant une rigidité structurelle à toute épreuve, considérant les impacts encaissés. Dans cette mer vraiment cassante, le V profond de la quille épargne un peu d’inconfort aux occupants, sans toutefois pouvoir faire de miracles. Les sièges jockeys sont donc les bienvenus pour une position debout semi-fléchie, permettant d’amortir les chocs par mer de face. Par mer et vent de travers, le Humber fait preuve d’une belle stabilité de route, même à vitesse élevée (trim au neutre), et par mer d’arrière, il soulage bien dans le creux des vagues rattrapées, faisant apprécier sa bonne déflexion des embruns.
Par contre, par mer de face, le nez de l’Ocean Pro 630 s’est révélé un peu léger, quand bien même son coffre à mouillage était vide… On l’a déjà ressenti lors du déjaugeage, avec un cabrage important et une reprise d’assiette en bascule. Face à la vague, même avec un trim neutre ou négatif, il a tendance à prendre trop d’air. De surcroît, on note un effet de couple sensible qui le fait pencher légèrement sur bâbord, dès le déjaugeage et dans les sauts de vagues. Si le Humber s’accommode bien de la puissance du Suzuki DF150 (merci à Nautic Service, concessionnaire Suzuki de La Rochelle, pour la fourniture du moteur !), il serait sûrement plus à l’aise avec un hors-bord plus léger, tel que le Mercury 150 Pro XS (un deux-temps) pesant 20 kilos de moins. Un 115 ch serait sans doute suffisant pour conserver un niveau de performances honnête, et dans ce cas, le Mercury F115 avec sa taille mannequin (163 kilos) pourrait être bénéfique pour alléger l’arrière. Par ailleurs, il serait pertinent d’opter pour le réservoir de 200 litres en lieu et place du 100 litres de notre bateau d’essai. Le réservoir étant implanté sous le plancher, entre la baille à mouillage et la console, le point d’équilibre s’en trouverait avancé, avec sans doute un bénéfice en termes d’assiette. Un dernier mot sur le comportement en virage qui est très satisfaisant, avec une prise de gîte intérieure moins excessive que sur la plupart des semi-rigides anglais, un grip ferme et régulier et une bonne précision de barre. Petit bémol : un peu de ventilation lorsqu’on ressert les virages avec beaucoup de gaz…
Rayon performances, l’Ocean Pro 630 tire bien son épingle du jeu. Certes, il réclame un peu de puissance pour hydroplaner (2 700 tr/min), comme la plupart des coques étroites et profondes, mais il signe un beau chrono : 3’’2. L’accélération se poursuit avec 5’’7 pour passer les 20 nœuds, jusqu’à atteindre 43,4 nœuds, une vitesse de pointe remarquable, avec en corollaire des allures de croisière élevées (21,5 et 31,2 nœuds) synonymes de très bons rendements (respectivement 1,3 et 1,2 milles par litre). Ce qui, à 3 500 tr/min (21,5 nœuds), et avec le réservoir de 200 litres, procure une autonomie de 235 milles ! Les amateurs de raid ou les pêcheurs qui fréquentent des postes éloignés seront amplement satisfaits.