économique à l'usage, la motorisation diesel in-board reste rare dans le paysage du semi-rigide, plus habitué à la légèreté et à la nervosité des hors-bord, au prix d'une consommation plus élevée. Espadon fait sa spécialité de cette formule, testée ici sur le 650 IB. Intéressant malgré des performances en demi-teinte.
Texte et photos Jacques Anglès
Bien implantée dans son pays d'origine mais encore peu connue en France, la marque tunisienne Espadon est aujourd'hui distribuée par Fréjus Nautique. Contrairement à bon nombre de constructeurs, notamment italiens (mais pas seulement) qui sous-traitent une partie de leur fabrication (polyester, flotteur, inox) chez des industriels spécialisés, Espadon fabrique intégralement ses modèles dans son usine de Soliman, à proximité de Tunis, y compris la chaudronnerie d'inox. La gamme Espadon compte treize modèles de 2,70 m à 9,90 m, dont deux à cabine (780 et 990). à partir du 650, les Espadon sont proposés avec motorisation in-board, à l'instar du 650 de notre essai, doté d'un moteur FNM de 170 ch. Les FNM sont des diesels italiens basés sur des blocs marinisés issus de l'automobile, c'est-à-dire des mécaniques éprouvées et de grande diffusion, équipés d'embases Mercruiser (premier fabricant d'embases au monde). En l'occurrence le 170 HPEP est dérivé du 4 cylindres JTD 1,9 l utilisé par Alfa Romeo, Fiat et Lancia. Voilà de quoi rassurer ceux qui ne connaissent pas cette marque. Ce moteur a en outre l'avantage d'offrir un rapport poids/puissance assez proche de celui d'un hors-bord.L'intérêt de l'in-board est aussi de ménager une grande plate-forme de bain au-dessus de l'embase, plus agréable que l'étroit espace que laisse un hors-bord. En revanche, le compartiment moteur empiète sur le cockpit, mais il est ici, comme souvent, utilisé pour former le socle d’un grand solarium arrière, pour le farniente lors des escales au mouillage. Le cockpit, de conception simple, est très dégagé, ce qu’apprécieront les plongeurs et pêcheurs. Il dispose, à l’avant, d’un petit solarium sur des coffres que prolongent deux banquettes latérales, offrant également du rangement. L’ensemble tout forme un carré assez convivial qui, avec les accessoires optionnels, peut se convertir en grand solarium. Dommage qu’aucune table ne soit proposée pour faire de cette zone un agréable coin-repas. L’arrière est alloué à une grande banquette ménageant trois à quatre places assises. Le poste de pilotage est décalé sur tribord, avec une console étroite et dépourvue de siège frontal, qui fait un peu « cheap » sur un bateau de cette taille. à noter que le roll-bar, sur lequel se fixent les feux de navigation, est en option, comme d’ailleurs la plupart des accessoires tels qu’échelle de bain, douche de pont, taud de soleil, pompe de cale, etc.. Il en va de même du plancher de cockpit en teck, une option assez chère et qui exige par la suite un entretien soigneux. Pour ce qui est de la fabrication, le flotteur, à six compartiments, est en CR/CSM Orca (Pennel & Flipo) de 1670 décitex, tissu haut de gamme qui offre une garantie de longévité. Le polyester a l’air robuste (pas de flexion de planchers ou capots sous les pieds) et les accessoires sont solidement montés, à l’exemple des charnières boulonnées, mais cela pêche quelque peu au niveau de la finition : selleries pas parfaitement ajustées, absence de retenues sur les capots de coffres, débordements de colle dans les coins… Compte tenu du budget de ce modèle, le constructeur se doit d’améliorer ces détails. Puisque nous en sommes aux critiques, signalons l’absence de baille à mouillage séparée, ce qui oblige à ranger ancre et chaîne dans le grand coffre avant, avec l’humidité conséquente. Il y a pourtant assez de place dans la pointe avant pour créer un compartiment isolé, avec capot indépendant ; merci d'avance ! La cale moteur mérite en revanche une bonne note : l'installation est propre, avec une bonne accessibilité au moteur, les batteries et filtres sont au premier plan pour faciliter les contrôles et l'isolation phonique est soignée, ce que confirmera notre sonomètre en navigation. Contact ! Le diesel s'ébroue sans fumer, à peine plus bruyant au ralenti qu'un hors-bord moderne, mais avec plus de vibrations. Il se rattrape par la suite, avec un niveau de bruit qui reste très bas à tous les régimes. La manœuvrabilité au port est excellente, le bateau ne dérapant pratiquement pas de la proue. Le point faible est au déjaugeage, très lent malgré le couple du diesel. L'accélération ne devient franche que lorsque le turbo s'enclenche, vers 1600-1700 tr/mn. Ensuite, tout va bien, avec des reprises et des accélérations franches. Le bateau adopte naturellement une assiette assez horizontale, et la carène en V profond, dégage bien les embruns vers l'arrière. L'équilibre est excellent, en particulier en longitudinal où l'in-board assure un meilleur centrage des poids qu'un hors-bord. La carène est vive, plaisante à piloter, « passante » dans les vagues, et elle montre une bonne accroche en virages, avec un bémol sur la dureté de la direction en sortie de virage à droite. Globalement, on éprouve une sensation de sécurité et le diesel incite à adopter un style de conduite grand tourisme, en douceur plutôt qu'en force. Certes la vitesse de pointe est modeste (l'antifouling coûte néanmoins entre 2 et 3 nœuds), mais on appréciera en revanche le confort et la régularité en régime de croisière, environ 21 nœuds à 2600 tr/mn, avec une consommation qui ne devrait guère excéder 10 l/h, et à la clé une autonomie record..
CONCLUSION
Les aficionados du diesel ne manqueront pas d’apprécier ses atouts de sobriété et de confort d’utilisation, qui collent bien au caractère de ce modèle. Sa tenue de mer et son équilibre sont à mettre en exergue, avec un pilotage agréable, sauf au déjaugeage, très lent. L’aménagement minimal du cockpit a le mérite de laisser une grande liberté d’adaptation et plaira aux baroudeurs tout en offrant de belles surfaces de farniente et une super plate-forme de bain. La construction, robuste, inspire confiance, mais la finition doit être améliorée.