Avec ses 24 degrés d’angle au tableau arrière, un rapport longueur/largeur élevé, et un cockpit aménagé raid-baroud-pêche, le Roughneck porte bien son nom. Robuste et rapide, il ne fait pas grand cas du clapot et apprécie d’être mené à la baguette !
Texte et photos Philippe Leblond
Ce semi-rigide d’origine portugaise construit en Hollande cohabite avec cinq autres modèles dont les dimensions s’échelonnent de 5,55 m à 10,10 m. Tous répondent au concept très british du semi-rigide sportif à la carène effilée et au cockpit à l’agencement spartiate. Un concept qui plaît énormément sur les côtes de la Manche et de l’Atlantique. N’y cherchez ni solarium, ni douchette, ni table, ni WC… Le confort embarqué n’est pas dans les prérogatives des Roughneck, à l’image de ce nous montre le 636, pourtant baptisé « Leisure » (loisir en français). C’est à La Rochelle, sur le Port des Minimes, que se trouve l’importateur exclusif de la marque batave, qui nous a invité à en faire l’essai. Commençons par détailler le cockpit…
*Au ponton*
En découvrant le Roughneck, l’œil exercé de certains de nos lecteurs ne manquera pas de faire un rapprochement avec l’ex-Hydrosport 636 (voir essai dans Pneumag.com) puisque Roughneck exploite, depuis 2009, des coques venant du chantier portugais, à l’exception de celle de son plus grand modèle, le 1010 qui émane du studio hollandais, Mulder Design. Celui-ci est d’ailleurs le seul à disposer, en standard, des flotteurs en Orca 1 670 décitex. Pour les autres Roughneck, dont les tubes sont en 1 100 décitex, ce tissu haut de gamme est une option.
La construction de la coque ne fait pas dans la dentelle, avec une stratification au tissu de verre triaxial qui emprisonne un sandwich de mousse. Sur ce bateau, la seule pièce de bois est le tableau arrière… Ce pont simple et bien dégagé, presque de plain-pied (le redan crée une petite marche à mi longueur), autorise un aménagement à la demande : console avec leaning-post ou sièges jockey, roll-bar et même vivier (135 litres pour notre bateau d’essai). Le poste de pilotage peut être placé en différents endroits, en fonction du nombre ou du type de sièges désirés, ce qui plaît particulièrement aux pêcheurs ou aux raiders, souvent désireux d’agencer le pont à leur guise. Le tableau arrière est habituel de ce genre de bateau, sans plates-formes de bain, sans douchette ni échelle. Il est percé de nables en inox de bon diamètre et renforcé par deux épaisses équerres encadrant une pompe de cale fixée dans un puisard. Les câbles du moteur disparaissent sous le plancher, jusqu’à la console de pilotage. Au sol, on trouve un vivier de bonne capacité (135 litres), équipé d’une sonde. Celui-ci est fermé par une épaisse trappe métallique siglée Roughneck (pas de risque à sauter dessus à pieds joints !) sur un pont enduit d’un antidérapant projeté efficace.
Derrière la console, on trouve deux sièges jockey dont l’assise amovible donne accès à un coffre. Mais comme souvent sur les « ribs » étroits (à l’anglaise), les sièges sont très proches l’un de l’autre et ne permettent pas de prendre de bons appuis au sol lorsqu’ils sont tous deux occupés. L’ergonomie de l’assise est également perfectible… Une poignée derrière chacun des sièges permet à deux passagers de naviguer debout, en sécurité. La console, bien conçue, offre un petit module pour l’intégration de l’écran de contrôle du moteur et un large rebord au-dessus du volant pour fixer, sur étrier, un combiné GPS-sondeur à grand écran (ici un Humminnbird Onyx 10 pouces), bien protégé par le large pare-brise. Un bon point avec le vide-poches ouvert et la boîte à gants (renfermant le coupe-batterie), tous deux situés à portée de main du pilote. Un siège se trouve sur l’avant de la console, procurant du rangement supplémentaire. Seul élément contremoulé sur le pont (et donc inamovible) : le coffre à mouillage. Volumineux, il est dommage que son couvercle ne soit pas percé d’un passe-ligne… Un taquet inox vient seconder le taquet coinceur situé sur la pointe avant. C’est plus sûr !
*En mer*
A l’image des autres (rares) semi-rigides dont la carène est barrée d’un redan (« step » en anglais), le Roughneck délivre un pilotage quelque peu avare en sensations. Une raison à cela, ce genre de bateau navigue très à plat, avec une carène qui « s’aère » surtout par l’action de son redan, situé presque à mi longueur à partir du tableau arrière. En effet, l’usage du trim s’avère assez inopérant avec ce type de carène. En gros, le pilote laisse surtout faire ce décrochement transversal dans la coque qui crée une poche d’air, afin de réduire la surface de contact avec le plan d’eau. Efficace, cette architecture est assez fréquente sur les offshores de compétition (mono et catamaran). Le Roughneck fait à la fois preuve d’une grande stabilité et d’une belle vélocité. Il faut néanmoins mettre un peu de trim positif pour contrer l’effet de couple qui fait légèrement pencher le bateau à l’accélération. Au régime maxi (un peu en dessous de la marque motoriste à cause d’une hélice au pas très long), nous avons atteint 50,8 nœuds, sur un plan d’eau peu favorable à cet exercice. Loris Bernagaud, l’importateur nous dit avoir pris 54 nœuds à deux, et 56 nœuds seul à bord. Précisons que cette pointe de vitesse est favorisée par un montage haut de l’Evinrude 200 ch (version HO) à + 5 cm, et une hélice de 25’’ Lab Finished, sortie des ateliers de Mercury Racing… Précisons que le bateau est commercialisé avec une hélice RX4 (4 pales également) de chez Evinrude.
La carène en V profond (24°) taille sa route sans états d’âme, coupant le gros clapot anarchique (80 cm, vent 4 à 5 beauforts) et préservant un confort digne d’éloges, même à vitesse élevée. Par contre, cette assiette longitudinale très neutre et la forte gîte intérieure en virage lèvent des embruns qui viennent, de temps à autres, rafraîchir l’équipage… Les courbes, le 636 peut les prendre très serrées et avec beaucoup de gaz, tant sa carène accroche et tant l’Evinrude relance fort en sortie de virage. Ce deux-temps rageur et expressif va comme un gant à la sportivité du Roughneck. Grâce à sa vélocité, et à l’injection directe finement calibrée de l’Evinrude G2, le semi-rigide hollandais signe des rendements excellents pour ne pas dire exceptionnels : 0,95 m/l à 4 200 tr/min et 41,7 nœuds, 1,20 m/l à 3 000 tr/min, à 26,3 nœuds ! De quoi compenser la faible capacité du réservoir d’essence…