Si l'on excepte le monumental Prince 43 (13 m), ces deux 35 pieds de la même gamme sont les plus grands modèles du constructeur italien. Coques différentes et plan de pont aussi, avec un 35 CC semi-rigide de week-end et un 35 SC, véritable unité de croisière. Le premier joue la carte de la sportivité, le second misant davantage sur le confort. Match fratricide.
Texte Philippe Leblond – Photos Jérôme Kalagopian pour French Boat Market et Philippe Leblond
Il y a tout juste trois ans, le 35 Sport Cabin s'était glissé avec autorité dans le costume de "vaisseau-amiral" du chantier milanais. Une année plus tard, c'était au gigantesque 43 Luxury Cabin de lui ravir la prestigieuse tunique, mais pour "boxer" dans la catégorie supérieure. Et voilà que fin 2013 (première mondiale au Nautic de Paris), le 35 Center Console, sculpté dans son "training" aux contrastes agressifs, vient carrément marcher sur les plates-bandes de son frère aîné, celles que convoitent les semi-rigides de moins de 10 mètres, à la limite de la taxation italienne.
Toutefois, grâce à sa clairvoyance et son savoir-faire, le chantier italien a su éviter le "choc frontal" entre ses deux 35 pieds. Les deux bateaux sont vraiment différents. Si le 35 SC est arrivé sur le marché avec une identité croisière bien affirmée (vraie cabine avec salle d'eau + seconde cabine optionnelle), le 35 CC se positionne parmi les "weekender" (pour passer une ou deux nuits à bord), ajoutant à son plan de pont de bateau de jour, une petite cabine à même de prolonger les escales. Mais cette différence entre les deux Prince va plus loin que l'organisation de leur pont, comme tient à le souligner Teo Aiello, directeur marketing de Nuova Jolly : "Leur carène aussi est différente. Celle du 35 CC est plus fine et plus tulipée à la proue. Elle est aussi légèrement plus courte. En un mot, nous l'avons voulue plus sportive." Et cette identité plus dynamique, renforcée par un look accrocheur, a semble-t-il fait mouche lors du grand rendez-vous parisien, Teo Aiello évoquant un carnet de commandes bien rempli…
Pour établir ce comparatif de manière plus équitable, nous avons repris les mesures de performances que nous avions relevées deux ans plus tôt, au même endroit, sur un 35 SC propulsé par deux Yamaha 350 ch, la puissance qui équipe ici le 35 CC, tandis que le 35 SC qui lui est opposé a du se contenter de deux Yamaha de 300 ch. Nous vous livrerons quand même, à titre informatif, les chiffres obtenus avec cette motorisation. Mais, laissons la parole aux deux acteurs, dont la qualité de construction et de finition n'est plus à vanter…
Nuova Jolly Prince 35 SC :
Vous aurez peut-être lu notre essai complet dans Pneu Mag n°90 (juillet-août 2012)… Notre jugement était élogieux pour le 35 Sport Cabin qui, pour la circonstance, était propulsé par deux Yamaha 350 ch (voir nos mesures ci-dessous). Après l'avoir à nouveau pris en main, cette fois-ci avec 100 chevaux de moins, nos impressions restent positives. Certes, compte tenu de l'écart de puissance et de cylindrée (2 320 cm3 en moins), les accélérations sont un peu moins fougueuses, mais restent cependant consistantes (déjaugeage en 6" au lieu de 4"8). Et, en vitesse de pointe, la différence n'est que de 2,3 nœuds en faveur des V8… Avec 46 nœuds, donc, le 35 SC et son tandem de V6 forment une bonne combinaison, avec sans doute une économie de carburant substantielle en allure de croisière rapide (au-dessus de 30 nœuds). N'ayant pu relever les consommations, cela reste une supposition, mais connaissant l'appétit des V8, il y a fort à parier que les V6 procurent un avantage dans ce domaine, avec une autonomie qui devrait largement dépasser les 200 milles, distance qui reste un étalon (aller et retour continent/Corse) pour les amateurs de croisière hauturière en Méditerranée.
Un point sur lequel nous nous étions interrogés lors de l'essai avec les V8 : le 35 SC ne serait-il pas encore meilleur avec les V6 ? Nous faisions alors allusion à l'assiette du bateau qui avec les lourds V8 placés très en arrière (sur brackett) avait le nez un peu léger, notamment lors du déjaugeage, où la visibilité vers l'avant était occultée le temps de la reprise d'assiette. Ce n'est pas encore parfait avec les V6, sensiblement plus légers, mais ainsi motorisé le Prince 35 SC reste très plaisant à piloter, avec de bonnes reprises et un rythme de croisière élevé, bien en rapport avec son rayon d'action de grand semi-rigide en quête d'horizons lointains. Il nous semble même possible qu'une paire de Yamaha F250 (même bloc que le F300) soit encore en mesure de donner à cette belle unité de croisière, l'allonge qu'elle mérite. En tout cas, avec les F300, le 35 SC reste aussi docile et agréable à barrer que le 35 CC, mais avec un peu moins de sportivité en pilotage rapide, en raison de son poids supérieur et de sa carène un peu moins incisive.
Si en termes de pilotage, la comparaison des deux bateaux tient de la nuance, pour ce qui est de la conception, la différence apparaît au premier coup d'œil. Sur le 35 CC, priorité est laissée aux aménagements extérieurs, tandis que sur le 35 SC, Nuova Jolly a visé un subtil équilibre entre la cabine, vraiment habitable (1,70 m sous barrots, couchette de 198 x 175, salle d'eau avec douche), et le cockpit. Le pont avant est donc surélevé sur toute la largeur, jusqu'à mi-longueur, accessible par deux petits escaliers latéraux. Petit reproche : l'absence de mains courantes sur le rouf de cabine, oblige à recourir au balcon optionnel... Dans le même registre, l'accès à la plate-forme de bain peu spacieuse n'est pas des plus aisés. Pour le reste, on ne peut que féliciter le chantier milanais. Et en particulièrement pour l'agrément du salon de pont avec son bloc-cuisine, sa longue banquette en fer à cheval et sa généreuse table en teck capables d'accueillir huit convives à l'heure de l'apéritif. Et les amateurs de bronzette ne seront pas frustrés non plus, grâce à deux solariums qui totalisent près de sept mètres carrés ! Mais, le véritable "plus" de ce semi-rigide de croisière réside dans sa botte secrète : une cabine logée sous le solarium de poupe (une option à plus de 5 000 € tout de même !), permettant d'inviter un ami, ou d'embarquer ses deux enfants en voyage.