*Avec ce type de semi-rigides, on entre dans l'univers de la démesure, tant en termes de longueur que de budget. Par leur débauche de chevaux et d’espace, ces deux frères de chantier de 43 pieds proposent pourtant deux univers de navigation différents. Sport ou croisière : à vous de choisir.*
Texte Franck Van Espen – Photos Franck Van Espen et Jérôme Kelagopian
Qui aurait pu penser un jour que les semi-rigides disposeraient d’un tel niveau de confort et de puissance ? Avec Capelli Tempest, Heaven, Magazzu, Pirelli, Opera, Sacs et Zeta Elle, Nuova Jolly fait son entrée dans le club de moins en moins fermé des constructeurs de bateaux pneumatiques pouvant dépasser les 12 mètres. Même si ce marché reste très élitiste, les amateurs de vitesse, confort et sécurité ont de quoi largement assumer leur passion avec des unités du calibre de ces deux Prince 43 qui offrent un niveau de luxe et d’équipements comparable à celui de vedettes sportives classiques. Que l’on soit un fervent défenseur du moteur hors-bord quatre temps, de tempérament sportif, où un adepte du moteur in-board diesel, endurant et économique, Nuova Jolly proposent désormais ces deux modes de propulsion sur une coque unique de 43 pieds. Dans cette deuxième configuration et ses 800 chevaux diesel, le semi-rigide s’oriente un peu plus vers la croisière hauturière fort d'une grande autonomie et une double cabine imposante alors qu'avec son plan de pont de day-cruiser et sa triple motorisation hors-bord de 900 chevaux, le Prince 43 conserve sa fougue et son tempérament sportif en privilégiant l’espace extérieur. 100 chevaux et seulement 8 nœuds séparent ces deux unités avec tout de même une différence financière en faveur du hors-bord de près de 100 000 euros. Un argument qui est à même de faire pencher la balance, malgré une consommation diesel inférieure d'environ 50 litres à 30 nœuds. Sachant qu’un plaisancier utilise son bateau en moyenne 50 heures par an (et encore !), il faudra tout de même plusieurs dizaines d’années avant d’amortir la différence. Autre avantage incontestable de la version in-board, l'esthétique, qui se rapproche un peu plus du monde du yacht avec une plate-forme arrière plus généreuse et un accès à la baignade plus pratique.
*Plans de pont : deux cabines pour chacun , mais pas les mêmes...*
Dans les deux cas, les Nuova Jolly proposent à peu de chose près la même surface de solarium. Une prouesse de conception qui réside dans l'intégration habile de la cabine avant sur la version in-board. La version hors-bord dispose d’une plate-forme de bain plus réduite car elle sert de support aux moteurs, mais c’est elle qui propose la meilleure circulation en raison d’une grande ouverture vers le cockpit. Celle-ci est par contre rapidement comblée lorsque le bateau est aménagé en solarium ou en espace déjeuner, grâce à une table repliable. L’ingéniosité du chantier Nuova Jolly est aussi d’avoir imaginé deux cabines à bord du modèle hors-bord. La cale moteur où siègent normalement les moteurs in-board est ici aménagée en un grand couchage double. Le capot se relève à l’aide de deux puissants vérins électriques et après avoir installé un kit camping, il est possible de profiter de la vie extérieure. Certes le niveau de finition reste, en certains endroits, quelque peu perfectible, mais ce couchage a tout de même le mérite d’exister en complément du principal, situé sous la console de pilotage. A côté de ses deux couchettes doubles, indépendantes ou pouvant être réunies à l’aide de coussins, cette cabine possède aussi une salle d’eau. Même si la cuisine est à l’extérieur, la version hors-bord reste très bien conçue pour envisager une croisière confortable. La palme de la convivialité revient toutefois au modèle in-board avec une très grande cabine d’une bonne hauteur sous barrot et un véritable cabinet de toilette. Seul reproche, la cabine arrière proche de l’escalier est tout de même un peu exiguë.
La dotation standard du Prince 43 comprend des surfaces de cockpit entièrement recouvertes de teck cérusé du plus bel effet. Pour éviter de piétiner les coussins de bain de soleil, les deux bateaux disposent aussi d’un passage central. Un détail qui démontre toute l’expérience du constructeur italien. Quant aux deux consoles de pilotage, elles protègent parfaitement leurs occupants et offrent un agrément d’utilisation identique.
*Equipements : une dotation de base généreuse*
Comme d’habitude avec la marque Nuova Jolly, nous ne serons pas déçus sur la qualité et l’installation des différents équipements à bord. Que ce soit au niveau de l’accastillage où de la sellerie, le chantier utilise des matériaux hauts de gamme qui devraient bien résister au vieillissement dans un univers marin. Côté rangements, les aménagements de ces deux 43 pieds sont assez proches au niveau poupe à condition de garder la cabine arrière en tant que telle. Le point fort du modèle CC est par contre de disposer d’un pont avant ouvert à l’architecture assez classique, avec banquettes et coffres multiples en dessous. Petit avantage technique au 43 CC aussi pour mouiller l'ancre, car il dispose d’un guindeau accessible depuis l’extérieur. D’un point de vue technologique, le 43 CC prend aussi largement le dessus avec ses trois moteurs quatre temps ultra silencieux équipés du système Skyhook qui maintient, en statique via le GPS, la position du bateau. Pour obtenir ce résultat, les moteurs pivotent, accélèrent où changent de marche automatiquement, transformant le plan d’eau en un immense jacuzzi. L’efficacité du système est probante, mais trouve rapidement ses limites si le vent latéral devient trop important. Nous préfèrerons l’option du joystick dont l’intérêt est de rassurer les néophytes de la manœuvre et d’éviter ainsi l’encombrement d’un propulseur d’étrave comme celui qui équipe la version in-board. Pour le confort du pilote, les trois Verado transmettent leurs données à un écran de 17 centimètres (un peu trop petit à notre goût sur une unité de cette taille), qui affiche à peu près toutes les informations techniques permettant un contrôle avisé de la mécanique après un petit temps d’adaptation, pour bien assimiler son fonctionnement. Couvert par une garantie de cinq ans, l’ensemble de cette électronique a semble-t-il fait ses preuves au plan fiabilité. Le Prince 43 équipé en diesels in-board est accouplé à deux embases Z-Drive en DuoProp (double hélice contre rotative) réputées robustes, mais nécessitant un entretien un peu plus pointu que les moteurs hors-bord.
*Options : l'option Skyhook pas indispensable*
Personnalisation oblige, le chantier propose sur les deux bateaux une option "finition RS" complète qui permet au nouveau propriétaire de choisir des couleurs différentes tant pour les flotteurs, les coussins que le gel-coat de la coque. Hormis cette option assez coûteuse (14 400 €), l’équipement standard des deux 43 pieds est plutôt complet, avec réservoir d'eaux noires, flaps hydrauliques, chargeur convertisseur, lumières de courtoisies leds et plancher en teck inclus. Comme protection solaire au niveau de l’espace déjeuner à l’extérieur, Nuova Jolly a aménagé un bimini fixé sur un arceau qui se fixe sur l’extrémité arrière du solarium. Dommage, esthétiquement parlant, que ce dernier ne soit pas caché dans un emplacement spécifique… En dehors de ce détail, les imperfections sont pratiquement inexistantes. Côté motorisation, il est possible d’opter pour seulement deux moteurs, afin de réduire sensiblement la consommation et le coût de la maintenance, auquel cas, la sensation générale de puissance sera fortement en baisse, même en choisissant deux Verado de 350 ch. Reste à savoir si l’option Skyhook et son joystick, facturée 50 000 euros, est indispensable… A notre avis avec un peu d’accoutumance, la manoeuvrabilité du 43 CC avec ses trois moteurs ne pose aucun problème, mais si pour vous l’évolution technologique n’a pas de prix, alors faites vous plaisir ! Le 43 Luxury Cabin est aussi disponible en version essence avec 2 x 430 chevaux en réalisant une économie de près de 90 000 euros et permettant de gagner quelques nœuds en vitesse maxi. Au cas où vous n’utiliseriez pas votre bateau intensivement et pour de longues traversées, ce choix nous semble pertinent, avec l'avantage de ne pas subir les odeurs de gazole en manœuvre, et de profiter du son des V8.
*Pilotage et comportement : GT contre limousine*
La première sensation avec le 43 CC, hyper silencieux et possédant un couple assez phénoménal au dessus de 3 000 tours, est de conduire une limousine sportive. La carène bien équilibrée se moque des vagues d’une hauteur d’environ d’un mètre ne répercutant que de légères trépidations dans la structure. Le bateau est tellement sûr que l’on peut pratiquement se permettre n’importe quelle figure de pilotage. Il faut toutefois bien prévenir ses passagers en virage car le Nuova Jolly 43 CC accroche vigoureusement, en se calant sur son bouchain et en prenant une gîte somme toute assez raisonnable. Pour atteindre la performance maximale du bateau, il est impératif de jouer au maximum avec les trim, jusqu’à la limite de ventilation des hélices. La coque de ces deux bateaux démontre un très fort potentiel, à tel point que l’on peut même envisager de naviguer dans une mer vraiment difficile. Leur carène s'impose comme une référence en matière de comportement marin. Dans les deux cas, un très fort sentiment de sécurité se dégage. Les deux positions de conduite sont assez proches en raison d’une console et d’une banquette tri place quasi identique. Les assises des sièges disposent d’un mécanisme assez simple pour piloter facilement en position debout. Le pare-brise enveloppant et suffisamment haut remplit parfaitement son rôle. Malgré un vent latéral parfois assez fort, les deux bateaux ont fait preuve d’une excellente capacité à défléchir les embruns. Cela s’explique en grande partie par la présence de six virures avec un bouchain plat assez marqué sous la jonction avec les flotteurs. Le supplément de poids se fait sensiblement ressentir sur la version in-board, mais cela n’entache guère l’agrément général éprouvé aux commandes du bateau. On peut aussi rapprocher le comportement du Luxury Cabin à celui d'une limousine un peu moins sportive, certes, mais au confort encore supérieur.
*Performances : endurance ou sportivité*
Nos Verado n’ayant pas pris leur régime maximal le jour de notre essai,pour une raison indéterminée, nous pensons tout de même que ce bateau est en mesure de franchir la barre fatidique des 50 nœuds (lors du Salon de Gênes, avec les mêmes moteurs, nous avions obtenu 50,2 nœuds avec quatre personnes à bord), soit près de 9 nœuds de plus que la version diesel qui tire néanmoins son épingle du jeu. Une très belle performance compte tenu d’une carène très affûtée, avec son V profond conçu pour optimiser le passage dans une mer difficile. Par contre, à plein régime, la consommation totale frôle les 300 litres/heure, soit environ 500 euros de l’heure, ce qui devrait rapidement calmer les envies de pleins gaz. Pour rester dans le raisonnable, il sera préférable de naviguer à 27 nœuds pour engloutir un peu moins de 120 litres par heure, une consommation acceptable pour une unité de ce gabarit. Côté diesel, les deux six cylindres sont plutôt discrets et leur sonorité sera supportable pendant plusieurs heures de navigation. La cale moteur malgré des vérins qui ne se rétractaient pas au maximum de leurs possibilités reste aussi un bel exemple d’insonorisation. Très facile à piloter, les deux bateaux possèdent une direction ultra précise et douce. Les deux hélices DuoProp des Volvo assurent une belle motricité au démarrage, mais les deux diesels ne peuvent rivaliser avec la nervosité des trois hors-bords à compresseur. En croisière lente (soit tout de même près de 27 nœuds !), la consommation totale se limite par contre à un peu moins de 70 litres, ce qui est assez remarquable et permet d’envisager un aller-retour Corse/continent sans ravitailler. A ce niveau, l’avantage du diesel reste considérable.
CONCLUSION
Rarement nous avons été aussi enthousiastes dans nos appréciations, car les deux versions du Prince 43 possèdent d’indéniables qualités et démontrent un niveau d'exécution très élevé. La version in-board étant plombée par un prix de vente largement supérieur à celui de la version hors-bord, notre préférence ira à cette dernière, très évoluée technologiquement et bien adaptée à la philosophie du semi-rigide. Avec ses deux cabines séparées, même si elles sont un peu moins confortables que celles du Luxury Cabin, qui peut être considéré comme le roi de la croisière, la version CC pourra tout de même garantir des navigations longues et confortables. Il faudra juste se montrer un peu moins virulent avec les gaz, afin de ne pas passer trop souvent à la pompe.