La qualité de fabrication et le caractère marin de Sillinger sont reconnus. Mais le Proraid de notre essai, doté d'une puissance maxi qui le dessert sur le plan du comportement, n'était pas facile à dompter, et était de surcroît pénalisé au plan des performances par une carène sale. Sa robustesse et son look para militaire restent appréciés des baroudeurs…
Texte et photos Philippe Leblond
La robustesse des Sillinger est devenue légendaire. Ce modèle issu de la série UM (usage militaire) ne va pas trahir cette réputation. L'échantillonnage de polyester, que ce soit pour la construction de la coque ou des accessoires qui prennent place sur le pont, n'a pas beaucoup d'équivalent dans le domaine du semi-rigide de plaisance. Vous voulez embarquer en sautant du quai à pieds joints dans le cockpit ? Allez-y, vos chaussures souffriront plus de l'impact que le robuste plancher, reposant sur d'épais renforts de coque dont quatre poutrelles en inox ! Notez aussi le diamètre des flotteurs offrant une flottabilité au-dessus de la moyenne, et leur doublage à l'endroit de l'assise par une épaisse bande d'Hypalon "grain toile", antidérapante. La rigidité longitudinale des tubes est aussi renforcée par le retour du plancher sur la face interne des flotteurs. A bord du Proraid, seul le coffre avant (son volume peut contenir plus que le mouillage) est moulé avec le pont. La console et les sièges sont rapportés. Il est à noter que notre modèle d'essai était doté de la banquette-coffre "Silverline", avec ses deux dossiers à arceau inox. Cette dernière apporte un rangement bienvenu, car le Proraid n'est pas bien riche de ce point de vue, le bolster individuel étant tubulaire et le bas de la console obstrué par la présence de la batterie et des gaines de câbles. Reste la partie haute de la console, qui offre un rangement sec, dont la trappe étanche se trouve sur la face avant. Autre héritage du domaine professionnel, le tableau arrière classique, percé de deux vide-vite à gros débit, que l'on ferme en relevant sur leurs petits taquets coinceurs, les deux manchons de vidange.
A la différence de la version Silverline, dont l'équipement de série est très complet, celui du Proraid n'est pas des plus généreux. Mais, rien d'anormal si l'on considère l'identité de ce modèle destiné au raid, au baroud, loin de l'image de confort familial que se doit de véhiculer le Silverline. Les saisines sur ralingues souples collées, la main courante de console, la robuste bitte d'amarrage inox, les cadènes de tableau arrière (utiles pour le ski nautique si vous ne voulez pas de l'option mât de ski), les pagaies "scratchées" le long des flotteurs constituent l'accastillage de base du Proraid. Mais, la liste d'options étant commune aux deux modèles, il est toujours possible de "civiliser" un peu plus son Proraid, bien que ce ne soit pas sa vocation. D'ailleurs, on notera sur notre modèle d'essai que le bolster sur jambes inox ne fait pas bon ménage avec la banquette arrière. Fixé trop près d'elle, il ôte l'une des trois places que peut offrir l'assise orange vif de ce siège, couvrant deux couvercles d'accès au coffre, dont les fermoirs peuvent être cadenassés. On peu donc tabler sur trois places assises, en comptant, comme telle, celle du pilote. Ce dernier bénéficie d'une position de conduite ergonomique, grâce à la façade postérieure de console rentrante et à un appui fessier et dorsal enveloppant, sans toutefois pouvoir piloter assis (l'assise inclinée du bolster est fixe). Bien aussi le tableau de bord, avec possibilité d'intégrer des aides électroniques à la navigation, et le haut pare-brise qui coupe efficacement le vent. La console décalée vers tribord laisse un large passavant pour se rendre dans la partie avant dont la surface permettra à deux pêcheurs d'opérer dans de bonnes conditions. Un plongeur pourra également y installer un rack à bouteilles (quatre blocs)…
Précisons tout de suite que notre essai ne s'est pas déroulé dans des conditions optimales. D'abord, le plan d'eau capricieux dans la baie de Quiberon, nous a contraints de finaliser nos mesures dans l'avant-port de La Trinité (chut !). Ensuite, la carène de notre Sillinger n'était pas propre après sept semaines passées à flot. Enfin, le choix de la puissance maxi n'est pas une bonne idée sur ce bateau, à moins peut-être de naviguer avec un gros chargement. D'où des chiffres décevant dans le domaine des performances, à l'exception des chronos d'accélération. En premier lieu, la vitesse de pointe, très difficile à aller chercher, en raison de l'instabilité du bateau sous l'action du trim, à partir de 5 400 tr/min. Les 300 derniers tours, il nous a fallu un peu de "métier" pour les valider, le roulis d'un bord sur l'autre prenant des proportions délicates. Tout ça pour s'en tenir à 34 nœuds… Une vitesse qu'un tel bateau devrait obtenir avec un 100 ch, voire un 90 ch. Pas de doute, la salissure de la carène a représenté un sérieux frein, le concessionnaire de La Trinité affirmant avoir atteint 40 nœuds à la première mise à l'eau du Proraid. Qui dit petite V-max, dit petits rendements. Et en corollaire, petite autonomie : 116 milles au meilleur rendement, malgré le réservoir de 195 litres… Après quelques savants calculs, nous avons projeté l'autonomie "normale" d'un Proraid carène propre, à environ 200 milles, et pour une vitesse de croisière d'environ 23 nœuds au lieu des 17 de notre essai. Voilà qui est mieux ! Cela n'enlève pas le fait qu'avec le Suzuki 150 ch, le Sillinger nous paraît surmotorisé. Par contre, avec un 115 ch, il devrait s'avérer plaisant à barrer, comme nous l'avons constaté à 4 000 tr/min (20 nœuds), avec une carène qui amortit correctement le clapot, mais en projetant parfois quelques embruns dans le cockpit.
Conclusion
Comme tous les Sillinger, le Proraid 580 est un sérieux "client", dur au mal, qui ne redoute pas de sortir par temps difficile, à condition que le pilote soit prêt à essuyer quelques embruns. Si le gros œuvre ne laisse pas de doute sur sa mise en œuvre, par contre quelques petits défauts de conception ternissent le tableau (sièges en conflit, fermoirs de coffre saillants, couvercle de mouillage sans passe-ligne, absence d'échelle de bain…). Et, à notre humble avis, ce semi-rigide serait plus efficace et plaisant avec une puissance intermédiaire (115, voire 100 chevaux).