Pionnier des grands semi-rigides de croisière, Solemar produit aussi des coques ouvertes de luxe dans sa série Offshore, à l'instar du 23.1 essayé ici. Comme ses aînés, ce modèle fait d'abord valoir son confort et son agrément de pilotage, sous la robe couleur sable et le design distinctif de la marque.
Texte et photos Jacques Anglès
Passé il y a quelques années sous le contrôle d'Arimar, le chantier de Ravenne, spécialiste des semi-rigides de grand standing n'a cependant rien perdu de cette "passion du style" (sa devise) sur laquelle il a construit sa réputation. Le 23.1 Offshore en fait ici la démonstration, en digne héritier de l'ancien 23 dont il a pris la relève en 2011. Si l'excellente carène de ce dernier (essai dans PneuMag n°75) a été conservée, le pont et la structure du nouveau modèle ont été redessinés de fond en comble. Le look est plus moderne et l'agencement plus fonctionnel, tout en restant dans le droit fil des "fondamentaux" de la marque : qualité de construction, finition haut de gamme, sécurité, confort en navigation.
Le dessin un peu abrupt du précédent modèle a été remisé au profit de lignes tendues, et l'arceau arrière en "trait de Jupiter", signe distinctif de la série Offshore, bénéficie lui aussi d'un nouveau profil plus nerveux. Doté d'une forte personnalité stylistique, ce modèle attire les regards sans faire toujours l'unanimité. En revanche, tout le monde tombe d'accord sur l'impression de qualité et de luxe qu'il dégage, impression que confirme l'examen de détail. Commençons par le flotteur : il est réalisé en tissu Orca (Pennel & Flipo), de type Néoprène-hypalon, titrant 1 670 dtex – produit de référence, s'il en est - et protégé par un double liston périphérique qui englobe les extrémités arrière. En outre, son fort diamètre (60 cm) contribue à la sensation de puissance et de sécurité qui émane de ce grand canot. La partie polyester révèle elle aussi une réalisation impeccable, tant pour le gros œuvre (stratifications des fonds et des cloisons) que pour la finition (brillant du gel-coat, parements de teck), avec une rigidité structurelle qui semble à toute épreuve. Visiblement, le chantier ne lésine pas sur la matière pour faire du solide, le corollaire étant un poids nettement au-dessus de la moyenne. Il suffit pour s'en convaincre d'installer l'épaisse table en teck du carré ou les rallonges de bains de soleil !
Le plan de pont est agencé en trois zones : cockpit avant pour le farniente, poste de pilotage au centre et grand cockpit arrière en forme de U, convertible selon les circonstances en coin repas ou en second solarium. On dispose en outre d'un compartiment toilette sous la console, dont la face avant forme portière. Dommage que le chantier s'y contente d'un WC chimique au lieu d'un vrai WC marin (en option). Tous ces aménagements sont décalés sur tribord, la circulation étant assurée par une coursive assez large tout le long du côté bâbord, avec plancher de plain-pied d'un bout à l'autre. Dès l'embarquement, on apprécie la facilité de passage entre la plate-forme arrière et cette coursive, grâce à l'ouverture ménagée dans le tableau arrière, pourvue d'un portillon de sécurité. On note également la hauteur généreuse du franc-bord, rassurante quand on embarque des enfants ou des passagers peu amarinés. En navigation, le pont offre six à huit places assises dans le sens de la marche ou disposées latéralement, ce qui est amplement suffisant. Comme toujours, la capacité maximale autorisée (12 personnes) est assez théorique, même si l'on peut en tirer parti exceptionnellement. En fait, le confort sera optimal en se limitant à six passagers, huit devant être considéré comme un maximum occasionnel. Au mouillage, une rallonge permet de convertir le cockpit avant en un solarium de belle surface (deux places). Et l'on peut en faire autant dans le cockpit arrière dont la modularité offre de multiples configurations : navigation avec banquette en L à quatre places, solarium biplace ou coin repas en U pour six convives (avec table amovible), tout en laissant libre la coursive de circulation. De plus, deux banquettes relevables intégrées au franc-bord de la coursive permettent d'accroître la surface du bain de soleil (trois places) ou la capacité d'accueil du carré (huit places autour de la table)... mais l'accès à l'échelle de bain par la coursive est alors barré. Le seul bémol est le poids des éléments amovibles à manipuler. Si l'on peut louer la remarquable convivialité de son pont, les rangements sont le point faible de ce modèle, seule la soute arrière permettant de ranger des objets tant soit peu volumineux. Résultat, on utilise le compartiment toilette pour ranger les coussins de pont quand on rentre au port.
Terminons par l'équipement standard qui n'est pas le point fort de ce modèle. À part le roll-bar en polyester avec feux de navigation, toujours monté d'origine, sur les Solemar la dotation est maigre (taquets d'amarrage, échelle de bain, WC chimique) et impose des "options obligatoires", telles que le guindeau électrique (sans lequel le mouillage est pratiquement inutilisable), la direction hydraulique (indispensable avec un 250 ch) ou le compas de route… Sans parler des options de confort, en rapport avec le standing de ce canot (taud de soleil, douche, extensions de bain de soleil, réfrigérateur, parements teck, etc.).
Après la revue de détail à quai, passons à la navigation. La carène en V profond et le poids de ce canot (30% à 40% de plus que la moyenne de sa catégorie) exigent logiquement de la puissance, le 250 ch Suzuki (puissance maxi autorisée) monté pour cet essai paraissant même un peu juste. Contact ! Dès les premiers runs, je retrouve avec plaisir les sensations de pilotage uniques des Solemar : puissance dans la mer et confort exceptionnel dans la vague. La maniabilité, ainsi que les qualités dynamiques du 23.1 sont surprenantes en regard de son poids. À la fois souple et précis, le pilotage de ce canot est un régal et peut même se décliner en mode incisif dans les vagues, faisant totalement oublier le petit handicap de performances lié à son poids. Et pendant ce temps, les passagers ne se rendent compte de rien, tant le confort est constant, plus particulièrement dans la plage des vitesses de croisière (17-25 nœuds), correspondant aux régimes moteur offrant les meilleurs rendements. Il n'en reste pas moins qu'une motorisation maxi supérieure devrait être proposée...
Conclusion :
Au risque de surprendre, le plaisir de pilotage est un des meilleurs atouts de ce modèle de grand standing, et ceci malgré des chronos inférieurs à ses concurrents. Il se conjugue avec un confort de navigation remarquable qui fera à coup sûr le bonheur des passagers. Si le style Solemar, coque sable et design typé, peut ne pas recueillir tous les suffrages, force est de reconnaître la qualité de réalisation de ce canot. Seul regret, le passage obligé par la liste des options pour l'équiper comme il le mérite et des performances un peu justes pour ce segment de marché.