Sa facture élégante attire le regard du connaisseur et son comportement marin satisfait l'essayeur. Pour une première dans le domaine du semi-rigide de dimension nettement plus modeste que celle de ses autres modèles, le chantier italien passe l'examen. Reste un plan de pont à peaufiner…
Texte et photos Philippe Leblond
Dans la série des cinq modèles lancés d'un coup l'année dernière par Solemar, jusqu'alors spécialiste des grands semi-rigides à cabine(s) pour la croisière, il arrive en seconde position, par la longueur. Dans cette entrée de gamme qui va de 4,30 à 5,80 m, le 540 vise les loisirs nautiques en famille, offrant quelques équipements de confort pour naviguer vers les criques ensoleillées. Montons à son bord, et voyons plutôt ce que son cockpit nous réserve…
*Au ponton*
La sellerie orange, qui s'étale entre deux flotteurs gris anthracite, imprime la rétine. Look tranché donc, pour ce petit Solemar qui laisse aussi voir une facture soignée. Ce qui n'est pas pour surprendre lorsqu'on connaît la production et la réputation de Solemar, le chantier de Cervia nous ayant habitués aux réalisations haut de gamme. Deux détails se mettent rapidement en évidence : la console et le leaning-post, au dessin aérien, et le grand coffre en longueur (parfait pour les skis ou les cannes) situé sous le solarium avant. Si ce dernier affiche une belle surface, ce n'est pas le cas de celui de la poupe, qui consiste simplement à rabattre le dossier de la banquette en arrière. Il faudra donc l'utiliser perpendiculairement à l'axe du bateau, et il sera sans doute mieux à même d'accueillir deux enfants que deux adultes. Par ailleurs, un autre point est sujet à caution : l'étroitesse des passavants. Dans ce format de semi-rigide, il est préférable d'opter pour un poste de pilotage déporté sur tribord, afin de laisser un passage, unique certes, mais large. Dans le même domaine, l'accessibilité à la baignade par l'arrière ne sera pas aisée. Il faudra de surcroît recourir aux plates-formes et à l'échelle optionnelles (775 €). Solemar, sans doute conscient du problème, propose aussi une échelle latérale (265 €), à notre sens un choix plus judicieux, d'autant que son prix est bien inférieur… Il faut également savoir que pour être vraiment opérationnel, le solarium avant nécessite d'acquérir la rallonge optionnelle (375 €). En revanche, on apprécie la pointe du matelas articulée, facilitant l'accès au coffre à mouillage dont la trappe n'a pas oublié le passe-ligne. Bien aussi, le discret support polyester pour le davier d'ancre, avec taquet axial. De même que les joints de caoutchouc sur les rebords de coffre, un bon moyen d'éviter les bruits de capots en navigation. Par contre, aux ressorts destinés à maintenir ses derniers ouverts, nous aurions préféré des petits vérins à gaz…
Notre avis sur le poste de pilotage est également contrasté. Si la position de conduite est agréable (position debout obligatoire), grâce à l'appui fessier procuré par le petit leaning-post individuel, la console s'avère peu protectrice, même en optant pour le minuscule pare-brise optionnnel (90 €). Autre chose, le tableau de bord exigü accepte tout juste les instruments du moteur, et celui qui voudra disposer d'un petit GPS-sondeur (fixation avec étrier), devra utiliser l'emplacement destiné au compas. Concernant les places assises en navigation, au nombre de quatre avec le siège devant la console, il sera possible par mer calme, d'asseoir deux passagers supplémentaires sur chaque flotteur grâce aux mains courantes de console et de leaning-post bien placées.
*En mer*
A l'image de ses deux frères que nous avons pu essayer dans les mêmes conditions (voir nos essais des S 500 et 580 sur pneumag.com), le S 540 se signale tout d'abord par sa carène incisive. Dotée d'un V profond, elle tranche la vague pour apporter un réel confort dans le clapot agressif (vent 3 à 4 beauforts) que nous avons rencontré entre Hyères et Porquerolles. En plus de cela, on ne peut taxer cet ensemble de manquer de tempérament, car le Suzuki DF90 propulse vigoureusement ce semi-rigide plutôt léger, et à son volant le pilote ne connaît pas l'ennui. Il faut même un peu de doigté pour le mener au régime maxi avec du trim positif. A cette allure, c'est-à-dire à 36 nœuds, il amorce un roulis qu'il faut contrôler. Toutefois, il suffit de baisser un peu le trim pour retrouver un équilibre et une tenue de cap sereins. Pour le reste, le S 540 enchaîne toutes les figures du pilotage avec bonheur. C'est le cas notamment, face aux vagues avec quelques petits décollages très sûrs, suivis de réceptions en souplesse, où en virage avec une quille au guidage précis, une gîte modérée mais constante, sans rupture d'assiette, même lorsqu'on remet les gaz sans ménagement. Sur le plan des chiffres, le bilan est aussi satisfaisant, avec des allures de croisière comprises entre 20 et 27 nœuds, synonymes d'un fonctionnement économique, avec des consommations qui devraient s'en tenir à une moyenne de 8 litres/heure. Par contre, avec un 115 ch, puissance maxi autorisée, la capacité en carburant (77 litres) induira une faible autonomie. Au rayon des accélérations, le déjaugeage, expédié en 3"5 (attention au cabrage face à un vent fort !), devrait être le garant de parties de ski ou de wakeboard réussies.
A l'issue de cette prise en main, on peut dire que le choix du Suzuki DF90 est bon. De notre point de vue, il ne serait utile de recourir à plus de puissance que dans l'hypothèse où ce bateau naviguerait avec une charge importante (quatre ou cinq passagers au moins). Pour deux personnes à bord, nous ne dépasserions pas 90 ch, et un 70 ch ferait très bien l'affaire.