Le plus grand semi-rigide français de série affiche une classe indéniable. Et sa silhouette de rêve n'est pas sa seule arme de séduction. Les performances et le comportement sont à la hauteur. Avec 600 chevaux sur le tableau arrière et un poste de pilotage digne d'un offshore, le plaisir est aussi dans le pilotage.
Texte et photos Philippe Leblond
Pas besoin d'une débauche de fibre de verre pour rendre élégant un semi-rigide. L'exemple du Stylmer 900 parle de lui-même. Avec ses 30 pieds de long, le plus grand des semi-rigides Français de série laisse parler sa ligne… C'est donc sans ostentation qu'il impose sa classe, avec pour principaux « appâts » un imposant flotteur blanc souligné d'une bande de ragage grise, une discrète delphinière et une ancre dont l'écubier est habillé d'une belle ferrure d'étrave en inox. On en vient presque à regretter la présence du T-top, cet abri en toile tendu au-dessus de la timonerie, porté par une solide armature en alu anodisé, peinte en gris métallisé. Il permet, certes, de piloter à l'abri du soleil, mais coupe la ligne, et surtout, pénalise la vitesse de pointe. Rendez-vous compte que le tableau arrière reçoit deux exemplaires de l'ex-plus puissant 2-temps du marché (il doit maintenant composer avec l'arrivée du Mercury 300 XS, et surtout du Yamaha 350 ch V8 !) ! Soit la coquette somme de 600 chevaux… Malgré le T-Top, notre GPS a accroché un excellent 52,8 nds à 5 800 tr/mn. Sans cet appendice anti-aérodynamique, le Stylmer prendrait sans doute deux, voire trois nœuds supplémentaires. Bref de quoi « exister » à Saint-Trop', lieu de notre essai.Ajoutons que ce chiffre de vitesse maxi a été obtenu dans 50 à 80 cm de clapot. Avec les deux gros V6 Yamaha 2-temps à injection directe, on devrait pouvoir tabler sur un bon 55 nœuds, sans le T-top. Avec sa certification B, le Stylmer 900 peut jouer de sa puissante cavalerie et de son étrave fine et altière sans arrière-pensée. Sans utiliser toute la puissance (40/45 nœuds), la Corse n'est qu'à 2h30 !Mais, pour faire l'aller et retour sans ravitailler, il faudra baisser de rythme et stabiliser à 3 000 tr/mn, régime du meilleur rendement, avec une vitesse de 24 nœuds, tout de même. à cette allure, le grand Stylmer est une vraie limousine de la mer, qui efface le relief marin en douceur et permet aux occupants de disserter sur les mérites de la croisière, sans avoir à hausser le ton. Les deux puissants Yamaha ronronnent alors gentiment de leur belle sonorité de V6. Sous la main, qui repose sur les deux leviers de gaz situés au centre de la console, il reste une énorme réserve de puissance… Chaque poussée sur les accélérateurs se traduit immédiatement par un « coup de pied aux fesses », qui s'accompagne du rugissement envoûtant des V6 à injection directe. Bien sûr, un coup d'œil au débitmètre aurait tendance à calmer les ardeurs du pilote : la consommation grimpe encore plus vite que les chiffres des compte-tours ! Toutefois, à vitesse stabilisée, on note des rendements « décents » sur une large plage de régimes : en effet, de 2 500 à 4 000 tr/mn (de 17 à 35 nds), les valeurs restent très voisines. Il devrait être toutefois possible d'obtenir un mieux dans ce domaine, en montant des hélices plus longues. Des 23'', en lieu et place des 21'', permettraient aux moteurs de tourner un peu plus lentement et de revenir vers le centre de la fourchette préconisée par Yamaha (entre 4 650 et 5 650 tr/mn) et, même, de gagner un peu de vitesse sur chaque régime. Autre motif de satisfaction, le Stylmer 900 se conduit « comme un vélo ». Malgré son impressionnant gabarit, il enchaîne les évolutions serrées sans rechigner. Sa longue coque s’incline sans effort malgré la bimotorisation, donnant un bon grip à sa quille, dessinant des trajectoires précises et régulières, au mépris des mouvements désordonnés du clapot. Les deux Yamaha 2-temps poussent fort en sortie (pas de ventilation) et avec la direction douce et précise, ce grand semi-rigide obéit au doigt et à l’œil. On regrette simplement la fermeté excessive des accélérateurs, due sans doute à un mauvais réglage des câbles. L’ergonomie idéale du poste de pilotage (boîtier central pour pouvoir piloter à deux en mer formée, volant vertical, bolsters enveloppants, console en retrait au niveau des jambes…) permet aux pilote et copilote d’envisager de longues traversées rapides sans fatigue. La large console avec son haut pare-brise offre une protection efficace, sans gêner la vision vers l’avant, même lors du déjaugeage marqué par un très léger cabrage. La tenue de cap reste précise, même à la recherche de la vitesse maximale lorsqu’avec un réglage de trim de plus en plus positif, le bateau se met à rouler un peu d’un bord sur l’autre…
Nous voici revenus au ponton de Marine Service, l’agent Stylmer de Saint-Tropez. La visite détaillée peut commencer… Le 900 étant amarré parallèle au quai, pour embarquer, il faut enjamber l’impressionnant flotteur. Une fois à bord, on apprécie la présence rassurante de ce tube de près de 60 cm de diamètre, et la profondeur qu’il donne au cockpit. Les déplacements à bord sont faciles. Il est vrai que la largeur intérieure plaide en faveur d’une certaine aisance. à cet égard, il convient de souligner le passage latéral laissé par la banquette arrière, vers la petite plate-forme qui intègre l’échelle de bain. Banquette qui n’en accueillera pas moins jusqu’à quatre passagers ! Sur ce vaste plancher en contre-plaqué marine stratifié, doté d’un anti-dérapant en pointe de diamant et de deux gros vide-vite, on note que tous les accessoires (console, coffres, sièges, solarium) sont rapportés. Ici donc, pas de pont contre-moulé.
Fidèle à sa philosophie, le chantier varois propose des châssis à équiper « à la carte », même dans les grandes tailles. De fait, quant aux quelques exemplaires du 900 déjà en circulation, nous n'en avons pas vu deux identiques. L'exemple le plus parlant de l'expérience de Polyconcept (la branche accessoires de Stylmer) est sans conteste le poste de pilotage, qui est sans doute l'un des meilleurs que nous ayons vus sur un semi-rigide. L'élégant double bolster à dossiers enveloppants, pour pilote et copilote, trouve ici toute sa signification. Les performances hors norme du 900 peuvent justifier un pilotage « partagé » dans la mer formée. Ainsi, la présence des commandes sur une petite console centrale entre les deux bolsters, autorise le barreur à se concentrer uniquement sur le volant, tandis que le copilote manie les accélérateurs et les trims. De quoi s'imaginer en compétition offshore ! La position de conduite est super grâce à l'implantation parfaite des commandes, et à la façade en retrait de la console (pas de risque de se cogner les genoux), sans oublier la main courante pour le copilote. Le tableau de bord est spacieux et donne toute la latitude pour agencer à loisir ses instruments. Un reproche toutefois : le compas n'est pas en face du barreur… Du point de vue du rangement, le volume disponible n'est pas aussi généreux qu'avec un pont contre-moulé. Il faut aussi tenir compte de l'encombrement de deux des quatre coffres : celui de la console est en partie condamné par le câblage de la double motorisation, et celui de la banquette arrière, servant de cale technique, est presque entièrement dévolu aux batteries et coupe-batteries, aux filtres décanteurs, aux poires d'amorçage, aux pompes de cale et de pression d'eau (douchette), aux réservoirs d'huile… Heureusement, celui qui sert de support au solarium est à la fois sec et gigantesque. Il permet, entre autres, de stocker sans mal le grand matelas de bain de soleil. Le coffre situé sous le siège, dos aux bolsters, est quand même le bienvenu. Côté accastillage, Stylmer propose un guindeau électrique (commandé uniquement du tableau de bord) et une petite delphinière en polyester dotée de deux taquets longitudinaux. Signalons, à l'arrière, la haute bitte d'amarrage, qui fait un parfait mât de ski, et les deux supports de cannes fixés au dos de la banquette de poupe qui peut se convertir en un second bain de soleil, avec un coussin de complément..
Conclusion
Le Stylmer 900 est une belle « machine à avaler les milles » qui, malgré sa sobre élégance, ne passe pas inaperçue quand elle entre au port… Distingué, rapide, marin, ce grand semi-rigide est l’outil rêvé pour faire de longs raids à vive allure le long de la côte, ou vers toutes les îles de notre littoral. Tableau idyllique ? Presque. On regrettera tout de même l’absence d’une table à l’heure du pique-nique, et une finition parfois sommaire (vis apparentes, sellerie perfectible…) eu égard au standing de l’unité.