Porte-drapeau du célèbre chantier marseillais, l'Oversea 28 Pro convainc par sa construction ultra-robuste, conçue pour une utilisation intensive. Si le cockpit aménageable "à la carte" s'adresse prioritairement aux pros et aux baroudeurs, rien n'interdit d'y mettre ce qu'il faut pour se concocter un 4 x 4 des mers personnalisé.
Texte et photos Jacques Anglès
Créé en 1976 par des passionnés locaux, le chantier Oversea a assis sa renommée sur le caractère "indestructible" de ses modèles. Normal au fond, quand on s'adresse à une clientèle de pros, de plongeurs et de baroudeurs, pour lesquels la robustesse et la tenue de mer par tous les temps comptent plus que le confort ou le design dernier cri. La marque se distingue néanmoins par un détail identifiable de loin : les tubes terminés obliquement par des opercules rigides en polyester, siglés Oversea. Fidèle au style baroudeur que souligne le flotteur noir de coupe conventionnelle, avec proue anguleuse, le Pro 28 propose un immense cockpit, pouvant être équipé à la carte, en l'occurrence d'une console, d'un leaning-post et d'un T-Top pour notre modèle d'essai. Cette formule autorise toutes les personnalisations, en fonction du programme. À chacun donc de composer "son" Oversea, en piochant dans les options du chantier ou dans les catalogues des équipementiers, le chantier s'adaptant à chaque demande.
L'atout maître d'Oversea, c'est la coque monobloc étanche. Dessous, la carène en V profond est soulignée par six longues virures et un bouchain inversé qui favorise la sustentation au déjaugeage et l'accroche en virages, avec une proue tulipée pour éviter d'enfourner. Ce fond de coque est structuré intérieurement par des longerons et par cinq cloisons transversales en CP marine, intégralement stratifiées. Dessus, le plancher de cockpit, collé sur les cloisons, vient fermer la coque comme un couvercle, en formant un "caisson" monobloc étanche. Enfin le tableau arrière de 45 mm d'épaisseur en CP stratifié , est renforcé par des équerres de même épaisseur, stratifiées au fond de coque et au pont. Ce caisson d'apparence indestructible combine deux avantages : une rigidité exceptionnelle (pour s'en convaincre, il suffit de sauter à pieds joints sur le plancher) qui évite tout vrillage de la coque dans les vagues, et un volume d'insubmersibilité qui double celui des flotteurs (encore plus de sécurité). Seul inconvénient, les fonds sont inutilisables pour le rangement. Les seules ouvertures sur le fond de carène sont les deux coffres avant (l'un alloué à la chaîne d'ancre, l'autre au matériel de bord), isolés du reste de la coque par la première cloison étanche. Bien vu aussi, le puisard arrière ultra-profond (pour un drainage efficace), doté d'un vide-vite à manche souple de grand diamètre (avec bosse et taquet de relevage), un "truc" de plongeurs qui reste le système le plus efficace à ce jour... à condition de relever la manche quand on s'arrête. Dommage toutefois que ce puisard soit dépourvu de capot (pour éviter tout risque d'y trébucher). Reste les deux petits coffres à batteries à l'arrière, et on a fait le tour du cockpit.
La réalisation du flotteur à six compartiments, en CR/CSM Orca de 1670 décitex, révèle le même souci de robustesse. Il est en outre pourvu de larges renforts collés sur la partie supérieure (en option) et doté de deux mains-courantes en nylon toronné, qui courent de l'avant à l'arrière. Et à l'extérieur, un double liston très épais assure une excellente protection. En revanche, on regrette l'absence de taquets d'amarrage dans la dotation de base…
Si le 28 Pro semble armé pour naviguer en sécurité, il doit tout de même faire ses preuves sur l'eau. Contact ! Voyons ce qu'il en est, avec une motorisation prometteuse de 2 x 200 ch, proche de la puissance maximale. La position de pilotage est agréable, à condition d'aimer le volant "à l'Américaine" presque horizontal, avec un bon appui sur le leaning-post et une manette de gaz qui tombe bien sous la main droite. Mais attention aux genoux qui risquent de rencontrer la console lors des fléchissements par mer formée ! La rade de La Ciotat, ondulée par un reste de houle, offre pour l'occasion un bon terrain de jeu. Déjaugeage vif et bien en ligne, accélération puissante sous la poussée des deux Yamaha, les premiers runs délivrent une bonne impression. L'assiette est correcte et le bateau dégage une sensation de puissance et de sécurité dans les vagues, où l'on apprécie son exceptionnelle rigidité. C'est dans ces conditions que le 28 Pro fait valoir sa nature de baroudeur, vrai 4 x 4 des mers capable de "passer" par tous les temps, avec un pilotage précis, mais pas particulièrement ludique. Il se montre sûr en longues courbes rapides comme en virages serrés, toujours bien ancré sur sa trajectoire, avec une inclinaison qui reste modérée. La carène exige en revanche du doigté sur le réglage de trim à très haute vitesse (plus de 45 nœuds), révélant alors une légère tendance à partir en lacets, que l'on peut imputer à un choix d'hélices mal adapté, en l'occurrence des 23 pouces standard. Des hélices un peu plus courtes devraient suffire à corriger cette instabilité tout en améliorant l'agrément de pilotage. Ce changement s'impose d'autant plus que les 23'' ne permettent pas de tirer la quintessence du V6 Yamaha qui plafonne à 5 600 tr/min alors que, sur un bateau lège, il devrait grimper à 6 000 tours. Au passage, on devrait encore améliorer le chrono maxi inscrit au GPS (48,3 nœuds) qui se classe déjà parmi les plus rapides de sa catégorie.
CONCLUSION
La robustesse des Oversea n'est pas un mythe et le 28 Pro vient ici la confirmer. Il convainc par la sensation de sécurité qu'il délivre en mer et par ses performances de haut niveau. Comme son nom l'indique, il s'adresse d'abord aux "pros" -ou aux amateurs éclairés- à la recherche d'une unité fiable et aménageable à la carte. La force du chantier réside précisément dans sa capacité à répondre à chaque demande. Une démarche intéressante mais peu susceptible de toucher le grand public, plutôt tourné vers les modèles "clés en mains".