Avec sa silhouette trapue et ses flotteurs gros comme des biceps de déménageur, le Zeppelin 16 VPro cultive comme pas deux la philosophie du chantier sarthois : robustesse et qualités marines d'abord. L'aménagement vient ensuite, selon le programme. Pour connaisseurs, qui savent ce qu'ils veulent.
Texte et photos Jacques Anglès
La dénomination VPro (bien qu'elle ne fasse en réalité référence qu'à la carène) semble résumer à elle seule la philosophie de la marque sarthoise : fabriquer des bateaux "Pro" pour marins avertis, pas des joujoux pour amateurs occasionnels. La première spécificité d'un Zeppelin par rapport aux semi-rigides grand public, c'est la technique de construction du "chassis". Le plancher, en contre-plaqué marine épais, est en effet vissé/collé/stratifié sur la carène en verre/polyester, elle-même fortement renforcée par une carlingue de longerons et varangues. L'ensemble forme une véritable poutre, à la fois super rigide et étanche, dont le volume de flottabilité vient s'ajouter à celui du flotteur, assurant une double sécurité en cas d'accident. Le réservoir intégré est donc installé avant montage du plancher, les seuls "creux" dans la coque étant le profond puisard arrière et un coffre étanche (en option) sous le plancher avant. Rien ne bronche en sautant à pieds joints dans le cockpit et si l'on cherche une confirmation de la robustesse structurelle, il suffit de jeter un coup d'œil au tableau arrière, largement échantillonné et solidement équerré sur le plancher et le fond de coque. Le flotteur à fort diamètre (s'amenuisant vers l'avant grâce à sa coupe "en long") s'avère tout aussi convaincant : réalisation soignée en néoprène-Hypalon Orca, avec renforts là où il faut (guide de mouillage par exemple) et accessoires aussi solides que le reste, à l'image des mains courantes en tresse de nylon, montées sur un large rail collé au sommet du flotteur. En outre le gros volume du flotteur permet à ce 5 mètres d'embarquer à l'occasion onze personnes, alors que ses concurrents sont limités à huit ou neuf passagers.
Si le sérieux de la construction convainc donc totalement, la version de base du 16 VPro (comme d'ailleurs tous les Zeppelin) est en revanche minimaliste côté confort, avec juste une petite console, une banquette de pilotage formant coffre et un guide de mouillage. Même doté d'un coffre à mouillage, du coffre sous plancher et d'un nez de proue avec davier (tous trois en option), l'exemplaire de notre essai reste rustique : deux places assises seulement et des rangements tout juste suffisants pour le matériel obligatoire (cinq-six personnes) et quelques effets personnels. Dernière remarque, le cockpit n'est pas auto-videur à l'arrêt, ce qui nécessite une pompe automatique dans le puisard arrière pour garder les pieds au sec. Et on aimerait un capot de sécurité sur ce large puisard, dans lequel on risque de trébucher. En revanche le cockpit est nettement plus spacieux que ses concurrents, grâce une largeur de coque hors normes (2,48 m, contre 2,05 m à 2,35 m pour tous les autres 5 mètres). Cela est dû fait que la carène du 16 VPro est la même, en version raccourcie, que celle des 18, 20 et 22 VPro (5,60 m à 6,70 m). Cette largeur inhabituelle lui confère d'ailleurs une silhouette trapue qui renforce son allure de costaud de la mer. Bref, ce baroudeur a peu à voir avec les familiaux confortables des marques grand public, dotés de bains de soleil, table de pique-nique, douche de pont, etc.). Certes, le catalogue assez riche des options (y compris de nombreuses couleurs de flotteur) propose un équipement à la carte, plutôt orienté pêche ou plongée, mais vouloir transformer ce modèle en mini-yacht garni de coussins et de porte-verres pour l'apéro serait contraire à sa philosophie.
L'esprit baroudeur étant clairement affiché, le 16 VPro se doit de le confirmer sur l'eau. Par chance, la météo du jour s'y prête parfaitement (mistral de force 5 à 6 et vagues agressives). Et là, disons-le tout de suite, c'est un régal ! Premier bon point : une rigidité structurelle qui semble à toute épreuve. Aux commandes, on n'hésite pas à attaquer "bille en tête" dans la mer formée là où beaucoup d'autres coques exigeraient de lever le pied pour ménager la structure. La position de pilotage debout (qui s'impose dans ces conditions) s'avère assez confortable, avec volant et manettes de gaz bien placés et assez d'espace entre console et banquette (on préférerait toutefois un leaning-post). La petite console de pilotage n'offre qu'une protection limitée, mais peu importe puisque ce bateau ne mouille pratiquement pas dans ces conditions, où certains cockpits seraient trempés en quelques minutes. Très nerveux avec le 90 ch Suzuki, le 16 VPro déjauge en un éclair (2,8 secondes), avec un cabré assez marqué avant reprise d'assiette immédiate (ce cabré disparaît dès que l'on charge l'avant). Ensuite on fonce en toute confiance dans les vagues, où la carène VPro révèle toutes ses qualités dynamiques. Bon passage quel que soit l'angle d'attaque, excellente stabilité latérale et longitudinale, tenue de cap, performances (36,2 nœuds), tout est bien noté, avec la sensation rassurante d'être sur un bateau à toute épreuve. On préférerait juste une direction plus directe (5 tours de butée à butée sur le modèle d'essai) plus en accord avec son tempérament marin, demandeur d'un pilotage incisif. En virages l'accroche est sans faille, avec une gîte plus nette à gauche qu'à droite, la ventilation de l'hélice n'apparaissant que si l'on resserre le rayon à l'excès. En résumé, le bilan de pilotage est totalement positif.
Conclusion : À l'instar de tous les Zeppelin, le 16 VPro affiche sans ambages son tempérament de baroudeur performant, sûr à la mer mais rustique, associant une robustesse à toute épreuve et de belles qualités marines. Le confort, sommaire en version de base, peut être amélioré grâce à un généreux catalogue d'options, plutôt orientées vers la pêche ou la plongée que vers le pur loisir.