Avec ses selleries rose-saumon froncées et sa présentation sophistiquée, ce modèle polonais, récemment introduit en France, se distingue par une mise soignée qui séduira les dames. D'autant plus que son programme est dédié sans équivoque à la balade estivale et au farniente.
Texte et photos Jacques Anglès
Voilà un pneu qui ne risque pas de passer inaperçu, ne serait-ce qu'à cause de la couleur saumon des selleries, jamais vue à ce jour dans le monde du pneu (même si la couleur caramel fait une percée), bien accordée au gris «artik» du flotteur. Le cockpit dégage à première vue une sensation de luxe cossu, discrètement rétro (voir les coussins plissés), évoquant les cabriolets américains des sixties. La large banquette arrière, encadrée d'accoudoirs souples et la banquette de pilotage à dossier enveloppant donnent tout de suite envie de s'asseoir et de filer sur la grande bleue vers quelque calanque cristalline, propice au farniente. Rien à voir avec un pneu pour baroudeurs, et sans doute un peu «bling-bling» aux yeux de ces derniers, mais avec une réalisation très soignée, à l'exemple du travail de l'inox (superbe davier à bascule, mains courantes robustes et nombreuses…), du gel-coat impeccable ou des éclairages de cockpit intégrés dans les francs-bord (jolis et efficaces, même si l'on a pas souvent l'occasion de s'en servir). Le design moderne, traité en formes arrondies, exploite à fond les possibilités du polyester moulé.
La partie statifiée est d’ailleurs plus importante que sur la plupart des semi-rigides. Remontant assez haut sur les côtés, elle englobe un imposant massif avant avec delphinière et des plats-bords arrière qui commencent pratiquement à mi-longueur du bateau, avec un antidérapant efficace sur toutes les surfaces horizontales. L’arceau arrière, au dessin harmonieux, est reculé pour dégager l’accès à l’échelle de bain. Il sert de support aux feux de navigation, à un mât de pavillon et à une antenne VHF. Ceci n’est qu’une partie d’un équipement très complet, qui inclut en standard un mât de traction pour ski nautique, une douche de pont avec réservoir de 40 l,
une échelle de bain télescopique et une radio/CD pré montée (hauts-parleurs non fournis). On trouve aussi de bonnes idées, à l’instar du coffre ultra long sous le passavant, pratique pour ranger skis et cannes à pêche, mais dont l’ouverture est hélas malcommode. Cette prestation, globalement de bon niveau, ne va pas sans quelques remarques. Tout d’abord, le cockpit très aménagé, s’il offre de confortables places assises en navigation, laisse peu d’espace libre quand on se trouve au mouillage, surtout avec le solarium installé. En outre, l’extension de ce dernier est difficile à manier et à ranger dans les coffres, dont les capots ne comportent pas de vérins de retenue (oubli surprenant vu la richesse de l’équipement). On regrette aussi que le constructeur n’ait pas prévu de coin-repas, par exemple dans le V de la banquette avant. Ces points peuvent toutefois être améliorés facilement. Plus gênant, on ne peut relever complètement le moteur, qui vient buter sur la cloison arrière du cockpit avant d’être en bout de course. Une modification du montage s’impose donc pour pallier cet inconvénient. Pas de critique en revanche pour le flotteur à cinq compartiments, réalisé en CR/CSM Orca de Pennel-Flipo (1 100 dtex), avec double liston extérieur, mains courantes inox et cordage. Côté carène, on trouve une étrave pincée, légèrement remontante, et un V arrière de 17° (donc plutôt ouvert), avec quatre fortes virures de fond et un contre-bouchain sustentateur pour faciliter le déjaugeage et la portance à faible vitesse. Le flotteur, placé assez haut, est bien dégagé de l'eau lorsque le bateau est déjaugé. Pour cet essai, l'AGA 640 est doté d'un Suzuki DF 175, une motorisation qui peut sembler relativement sage par rapport à la puissance maximale autorisée de 225 ch, mais est en fait bien adaptée au programme balade, vocation première de ce modèle. Nous verrons d'ailleurs que les performances obtenues avec ce moteur sont flatteuses. D'emblée, on apprécie la discrétion du 4 cylindres Suzuki, et ceci quel que soit le régime, ce qui concourt au confort de navigation. Dans l'esprit de ce modèle, le pilotage assis est privilégié, avec une banquette confortable et des commandes bien placées, mais on peut aussi opter pour la position debout, assez confortable, quoique un peu près du volant. Au ralenti, la maniabilité est bonne, l'étrave assez profonde freinant les dérapages de la proue lors des manœuvres de port. Bon point également pour le déjaugeage, rapide et bien en ligne, le DF 175 montrant, lors de cette phase, un punch réjouissant. Après un cabré de déjaugeage franc mais bref, l'AGA 640 reprend une assiette très horizontale qui ensuite varie peu sous l'action du trim, lorsque l'on monte dans les tours. Cela n'empêche pas cette carène de se montrer véloce, avec un run enregistré à plus de 41 nœuds au GPS, performance satisfaisante avec cette puissance. De même, on a tout lieu d'être satisfait des vitesses de croisière de 23 à 25 nœuds, obtenues à 3 800-4 000 tr/mn. En ligne droite, l'AGA montre une tenue de cap sans reproche et une bonne stabilité latérale, qui se confirme dans les passages de vagues de sillage, attaquées avec des angles divers. La direction hydraulique (optionnelle et indispensable avec un 175 ch) est précise, mais un peu ferme en sortie de virage serré à droite. La carène montre une bonne capacité à virer court (environ 20 m) sans décrocher, en s'inclinant peu et sans révéler de tendance prononcée à la ventilation, qui survient progressivement si l'on accentue trop la courbe. Globalement, on peut dire que c'est une carène franche, performante et facile à prendre en main, avec un bémol sur la faible sensibilité au réglage de trim. .
CONCLUSION
Avec son look original qui le distingue de ses concurrents, ce premier semi-rigide de la marque polonaise est dans l’ensemble
une réussite, sans éviter quelques erreurs de jeunesse. On apprécie ses prestations élevées en matière d’équipement, particulièrement généreux. Le style sophistiqué du cockpit séduira la clientèle féminine mais l’entretien des selleries plissées sera sans doute assez contraignant. Côté performances et qualités marines, l’AGA 640 tire fort bien son épingle du jeu, face à des marques plus expérimentées.