Présenté à l'état de prototype l'automne dernier au Grand Pavois, ce semi-rigide ambitieux nous a été confié à l'essai dans une version quasi définitive. Singulier par son esthétique et sa coque en alu, il nous a aussi séduit par ses qualités nautiques et le sérieux de sa réalisation.
Texte et photos Philippe Leblond
Au sujet de son “bébé”, Hervé Molinéro, le constructeur, est intarissable. Rien de surprenant à cela, tant il est vrai que le Rafale a tout du bateau passion. à commencer par sa coque en aluminium. Un matériau peu commun dans la grande famille des semi-rigides, qui utilise presque toujours une base en polyester. Ajoutons à cela un plan de pont volontairement dépourvu de support de solarium (circulation) et des habituelles banquettes (option) que l'on s'attend à trouver sur des unités haut de gamme. Car, là encore, le Rafale surprend en ce sens qu'il se veut (et qu'il est) sophistiqué – notez le souci accordé à l'esthétique et au détail ! - Tout en choisissant un certain dépouillement au niveau de son aménagement. Mais, voyons de plus près ce qu'il en est… Alors, le Rafale, c'est d'abord une carène alu et en V profond. Robuste ouvrage, elle est composée de panneaux de Sealium (un alliage d'aluminium de chez Alcan) soudés les uns aux autres et rigidifiés par des varangues et des couples en nombre. L'échantillonnage donne confiance avec 5 mm d'épaisseur pour les bordés, le pont et les coffres, et 10 mm pour le fer de quille. Pour ce qui est du dessin, confié à l'architecte naval Pierre de Lion (l'auteur des coques ouvertes en alu, Dervinis), il est du genre plutôt radical avec un V de 64° à l'étrave, conservant 26° au tableau arrière. Une vraie lame de couteau ! Par rapport à la carène du proto, celle du second exemplaire produit arbore une quille modifiée, avec un patin visant à lui donner un meilleur équilibre en navigation, et un caractère moins extrême en virage. La finesse de l'étrave est particulièrement spectaculaire lorsqu'on observe le bateau sur sa remorque. Les flotteurs orange arborent un aspect mat et texturé du meilleur effet. Ils font appel au tissu Orca 1670 décitex “Fabric Impression” de Pennel & Flipo, offrant une meilleure adhérence aux passagers assis sur les tubes. Coupés et collés chez PRC, en Italie, ils sont ensuite acheminés chez Discov'Rib (le constructeur de semi-rigide de Périgny), chargé de l'assemblage coque/tubes. Pour ce qui est des accessoires, Hervé Molinéro a choisi de faire appel à Agami (ex-Polyconcept) chez qui il a opté pour une console et un leaning-post biplace au design harmonieux. Ces derniers sont solidement boulonnés sur le pont en alu (26 vis inox en 9 mm pour le leaning-post !) et étanchéifiés au silicone translucide. Les couvercles de coffres sont tous assistés de vérins à gaz, et montés sur charnières en inox ultra-plates (pas de danger pour vos pieds). L'accastillage est lui aussi des plus sérieux, avec un davier d'ancre classique, très costaud, et de généreux taquets escamotables en inox mat de chez Goiot, à l'esthétique très réussie. Une bande d'Orca 1 900 décitex protège l'intérieur du flotteur, au-dessus du puits de mouillage, contre le ragage de la chaîne. Pour ce qui est de la fonctionnalité, il n'y a pas grand chose à redire… Le pont spacieux est recouvert de Dek-King (simili teck), un matériau agréable à l’œil, sans entretien, et offrant un bon grip lors des déplacements. L’une des seules critiques que l’on puisse faire à l’agencement est le manque de largeur des passavants, la console étant un peu ample en rapport de l’espace disponible, la partie centrale-avant du bateau allant en se rétrécissant. Autre petit grief, le changement de niveau (l’équivalent d’une petite marche) lorsqu’on passe à hauteur de la console, cependant impératif pour donner un peu plus de volume au coffre et à la baille à mouillage. Pour le reste, le Rafale s’avère bien étudié pour sécuriser les déplacements en navigation (saisines tout le long des flotteurs et mains courantes, recouvertes de cuir SVP !), et garantit une excellente position de conduite au pilote, sans oublier la commodité offerte par les spacieuses plates-formes de la poupe quant à l’accès à la baignade. Ajoutons que pour le confort des passagers au mouillage, la douche de pont n’a pas été oubliée, de même que la table de pique-nique, qui vient se loger sous la trappe du coffre avant. En matière de rangement, le corps du leaning-post, ainsi que les deux coffres de la poupe, construits en aluminium et habillés de tissu enduit (ils peuvent aussi servir de sièges, quoique un peu fermes), augmentent le volume de stockage. Passons derrière la barre… Le Rafale met tout de suite son pilote à l’aise, tant par la position de conduite quasi parfaite, que par le tableau de bord permettant d’agencer à sa guise les instruments de contrôle des moteurs (en l’occurrence le SmartCraft du Verado) et les aides électroniques à la navigation (GPS, sondeur, VHF…). D'autant que l'élégant pare-brise (fixé par des douilles en inox massif du meilleur effet), est à la fois protecteur et garant d'une parfaite visibilité (pas d'armature). Au port, le boîtier DTS du Mercury 200 ch Verado se révèle à la fois doux et précis. L'étrave aiguisée du Rafale ne se laisse pas "embarquer" par la bonne brise qui souffle sur le Port des Minimes. C'est donc sans encombres que l'on se faufile hors du port rochelais. Dans le Pertuis, la mer est vraiment cassante, juste comme il faut pour juger des qualités dynamiques du Rafale, mais trop pour pouvoir procéder à des mesures de vitesse significatives. Et là, force est de reconnaître qu'il ne va pas nous décevoir ! Attaque franche de la vague, retombée en souplesse, aucune tendance à l'enfournement, ni aux envolées (malgré un nom prédestiné), déflexion efficace des embruns… En dépit de la brise (force 4 à 5) qui lève des crêtes agressives, l'étrave du Rafale ne s'en laisse pas compter. L'impression de rigidité de la carène est exceptionnelle, et la bonne surprise (et c'est là qu'on l'attendait !) c'est l'absence de résonances métalliques de cette structure en alu. Ceux qui ont déjà navigué sur des coques planantes en alu comprendront… En revanche, compte tenu de son poids élevé, le niveau de performance avec le Verado 200 ch (la puissance maxi autorisée) n'est pas parmi les meilleurs, de même que sa carène, quoiqu'agile et bien équilibrée, ne sont pas des plus vivantes. Il convient de souligner que, dans ce domaine, la commande électrique du Verado n'est pas ce qu'il y a de mieux pour instaurer un bon feeling entre le pilote et sa monture. De fait, pour permettre à cette carène d'exprimer ses réelles qualités, il faudra éviter de descendre sous les 150 chevaux. Pour en terminer avec le pilotage, attention à l'inscription en virage, particulièrement vive en raison de la finesse de la carène. Le grip étant particulièrement élevé, il convient de bien se tenir.
CONCLUSION
Bien qu’encore perfectible sur le plan de la finition (quelques détails pêchent par manque de temps), le Rafale séduit par sa ligne élégante et la qualité des matériaux employés. Par ailleurs, sa lourde et indestructible coque en aluminium peut aussi s’avérer un atout dans la mer formée (poids) ou au mouillage (pour beacher sans crainte). D’autant que pour ce qui est des qualités marines, on ne voit pas de reproche à adresser au Rafale, capable de se montrer tout à la fois performant, sûr et confortable, dans une mer difficile. Reste sa conception et son allure originales, qui peuvent conquérir des plaisanciers voulant naviguer “différent”.