Original à plus d'un titre, ce semi-rigide né sur les rives du Golfe Persique se distingue par une carène à “cannelures” aux qualités dynamiques remarquables. On aime sa tenue de mer, son pilotage ludique et son cockpit convivial, mais quelques améliorations s'imposent.
Texte et photos Jacques Anglès
Asis, vous connaissez ? Non ? Pas étonnant, cette jeune marque ayant fait une entrée relativement discrète sur le marché hexagonal avec deux modèles de 7 et 8 m présentés en septembre dernier au Salon de Cannes par Golfe-Juan Yachting. Depuis, elle a exposé à Paris et devrait se faire un nom rapidement. Pour la petite histoire, ce constructeur originaire de Dubaï (émirats Arabes Unis) a été fondé par un industriel local du polyester, passionné de bateaux, en vue de répondre à une demande locale de semi-rigides de la part des militaires et autres organismes à vocation maritime (protection civile, douanes, etc.). Fort de son expérience des composites, il a d'abord développé des unités à la carte pour ces institutions avant de se tourner vers la plaisance. Le catalogue offre 17 modèles, basés sur six "châssis" de 4,10 m à 9,50 m et quatre niveaux de finition (Open, Aventure, Deluxe et Elite). Un des atouts de la marque est de produire pratiquement tout en interne, qu'il s'agisse du polyester, du flotteur ou du gros accastillage inox (daviers, mâts, mains courantes, etc.). Sur l'Asis Elite, je note la maîtrise du composite polyester, solidement réalisé, avec des galbes qui exigent un gros travail sur les moules, notamment pour la carène aux formes complexes. Le cockpit ne manque pas non plus d'originalité, avec ses deux postes pilote/copilote séparés, bordés par une haute hiloire et dotés de sièges sport. L'agencement deux zones, farniente et repas à l'avant, pilotage et passagers à l'arrière, est convivial et pratique, avec un large passage central qui facilite les déplacements, beaucoup d'espace, des places assises confortables en navigation et des rangements généreux.
On note de bonnes idées, par exemple les coffres dotés de bacs amovibles, mais aussi des maladresses, à l'image des petits tableaux de bord où l'on aura du mal à placer une instrumentation complète. Certains détails sont traités un peu légèrement (fixation des selleries, absence de table de cockpit, pas de vérins sur les capots de coffres, finition du revêtement teck), mais heureusement, cela s'améliore au fil des livraisons. Le flotteur, livré en standard en bleu Océan ou gris Arctique, est réalisé en CR/CSM Orca 1 100 décitex (on préférerait du 1670 décitex). Il est bien protégé par un double liston mais, ici encore, la finition mériterait mieux. C'est d'autant plus regrettable que ce 8 mètres a des atouts à faire valoir. Le constructeur devra donc faire un effort s'il veut s'imposer sur un marché où la concurrence a placé la barre très haut. Deux mots enfin sur l'esthétique de ce modèle, reconnaissable de loin, avec un design qui se démarque résolument de ses homologues européens. Résumé de ce tour du propriétaire : bons points pour la vie à bord, mais peut mieux faire sur la finition. Reste le gros morceau, à savoir les qualités marines. Avouons d'abord qu’avant l’essai, nous étions perplexes au vu de cette carène insolite (déjà vue chez l'Anglais Ballistic), sa structure cannelée étant favorable à un bon guidage… mais au prix d'une surface mouillée défavorable aux performances. L'essai en mer lèvera vite ces doutes.
Pour l'occasion, notre Asis 800 est doté d'un Verado 275 ch (supprimé du catalogue 2009 au profit des 250 et 300 utilisant le même bloc 6 cylindres en ligne de 2,6 l), une mécanique à la fois "pêchue" et discrète sur les décibels. Contact ! En m'installant derrière le volant, je note que la position debout n'est guère pratique, trop collée sur le boudin et sans espace vers le siège-baquet. En revanche celui-ci est vraiment confortable. Va pour la position assise, dont j'apprécierai le confort au long de cet essai. Au ralenti, la bonne manœuvrabilité facilite les accostages et les sorties de port. Voilà déjà un bon point, auquel il faut ajouter le côté pratique de la grande plate-forme de proue pour embarquer/débarquer. En rade, le vent d'ouest commence à lever du clapot sur une houle résiduelle de sud plus accentuée au large, bref un temps parfait pour un test. Dès les premiers runs, je sens que ce bougre en a dans le ventre. Cela commence par un déjaugeage rapide, sans "cabré", avec une direction (hydraulique-assistée) douce et précise au service du pilote. La prise en main est presque immédiate, tant le comportement est franc : tenue de cap, stabilité latérale et longitudinale, accroche en courbe, avec une carène qui ne mouille jamais les passagers et offre un confort parfait en vitesse de croisière (28-33 nds). En confiance, j'attaque des virages serrés à 30 nds en remettant les gaz à fond : l'accroche est tout simplement fabuleuse et il faut forcer à l'extrême pour amorcer un début de ventilation de l'hélice. Mais cela ne s'arrête pas là : non seulement cet Asis tient la mer, mais il signe aussi de sacrées performances, avec un joli run à 47 nœuds au GPS. Pour en tirer le meilleur, il ne faut pas hésiter à jouer du trim, ce qui ne compromet en rien sa superbe stabilité, même lorsqu'il n'y a pratiquement plus rien dans l'eau (si l'on force trop sur le poussoir, la ventilation de l'hélice prévient avant que la carène ne devienne instable). Même santé dans la houle du large, où nous nous offrons un festival à 40 nœuds, en sécurité. La carène confirme ici son tempérament sportif, avec quelques sauts de vagues et reprises de contact bien en ligne, en appréciant l'excellent amortissement aux "amerrissages". Bref, cette carène a tout pour plaire !.
CONCLUSION
Les qualités marines au top, le plaisir de pilotage, le confort en navigation et la convivialité du cockpit, voilà les atouts maîtres de ce modèle qui se démarque en outre de la production européenne par un design original, pour le moins "exotique". Des goùts et des couleurs, on ne discutera pas, mais en revanche, on peut discuter de la finition, à laquelle le constructeur se doit d'être plus attentif s'il veut gagner la place au soleil que mérite la carène Asis.