Cet élégant canot, conçu au Canada et fabriqué en Ukraine, associe une présentation impeccable à un comportement marin au-dessus de tout soupçon. Il ne manque pas d'atouts pour séduire une clientèle exigeante, en vue de belles balades estivales, tant par ses qualités dynamiques que par son cockpit modulable.
Texte et photos Jacques Anglès
Un coup d'œil suffit pour repérer certains détails qui signalent un bateau de qualité. Ici, voyez par exemple les taquets inox escamotables, la solide rambarde inox bordant le cockpit avant, les extrémités de flotteur en polyester moulé en forme de marchepied ou les mains-courantes en cordage tressé sur le côté interne du flotteur doublant les classiques poignées en sangle. Voilà qui délivre d'emblée un message favorable, que viennent confirmer la brillance du gel-coat blanc et la réalisation très soignée du flotteur en CR/CSM Orca, bien protégé par un double liston épais. On devine derrière cela un travail sérieux et une grande expérience. Le cockpit est du type "trois-zones" : pilotage au centre, zone farniente à l'avant, et banquette pour passagers à l'arrière. L'avant présente un grand espace modulable, très dégagé en configuration de base, avec une banquette double devant la console et un coffre-siège de proue. Ce dernier, relativement court par rapport aux standards européens, permet de disposer d'un bel espace ouvert qu'apprécieront pêcheurs et plongeurs, et qui pourrait également servir, avec une petite table, de coin-repas convivial. Mais comme le constructeur ne la propose pas, il faudra se tourner vers un équipementier si l'on prévoit de pique-niquer à bord (la petite table rabattable derrière le leaning-post étant plutôt destinée aux apéritifs). En revanche, quelques secondes suffisent à convertir ce même espace en grand solarium grâce à deux allonges, proposées en option, avec coussins. Le design donne la priorité à l'ergonomie, avec des formes arrondies qui évitent les heurts en navigation, tout en cultivant une élégance classique peu susceptible de se démoder. Parmi les détails fonctionnels, on appréciera la console de forme concave, laissant assez de place aux jambes en pilotage assis, et les sièges indépendants de pilote et copilote, tous deux relevables pour les adeptes de la conduite debout, sans oublier une solide main-courante devant le copilote. Tout le cockpit est d’ailleurs fort bien pourvu en prises où se tenir, que l’on soit assis ou debout : balcon avant, filières tressées le long des boudins, mains-courantes autour du pare-brise et du leaning-post, poignées de chaque côté de la banquette arrière. Dans cet ensemble d’excellente facture, on relève néanmoins quelques détails sujets à critique, par exemple le tableau de bord en partie masqué par le volant, l’absence de séparation du puits à chaîne dans le coffre avant, ou la cale arrière dépourvue de plancher, toutes choses qu’il serait facile d’améliorer. La recherche d’équilibre et de sécurité préside elle aussi à la conception de la carène, caractérisée par une longueur de quille maximale, avec un brion accentué et une étrave assez haute. Le V est évolutif, très pincé à la proue, évasé à la poupe tout en restant assez profond, avec quatre virures saillantes et un contre-bouchain d’une dizaine de centimètres favorisant la portance au déjaugeage. Les extrémités rigides des boudins (en polyester moulé) en travaillant à la manière de flaps fixes, contribuent aussi à la stabilité longitudinale. On notera enfin le bon centrage des poids, avec réservoirs (essence et eau) au centre de carène, sous le poste de pilotage. à l’arrêt, les boudins posent sur l’eau assurant une excellente stabilité. Le 140 ch Suzuki, un peu moins que la puissance conseillée par le constructeur, assure tout de même un déjaugeage rapide, sans "lever le nez", la vitesse de croisière (18-24 nœuds) étant atteinte en une dizaine de secondes, le moteur restant très discret à ces vitesses. L’assiette est idéale à partir de 20 nœuds, légèrement positive, avec flotteur bien au-dessus de l’eau et carène dégagée presque jusqu’à mi-longueur. Aux commandes, la sensation d'équilibre domine (tenue de cap, stabilité longitudinale et latérale), avec un bon amortissement dans la houle, sans "marsouiner", et une réponse au trim qui permet d'ajuster l'assiette au meilleur rendement. La note en virages est tout aussi positive : accroche sans défaillance, reprises de gaz jusqu'à 5 000 tr/min sans ventilation sur un rayon de giration ultra-court (10-12 m), avec toutefois une inclinaison impressionnante qui incite à éviter cet exercice extrême en présence de passagers non accoutumés. Par contre, les 37,6 nds atteints "manette dans le coin" sont assez modestes, mais il est vrai que pour un 140 ch, le Suzuki présente une cylindrée minimaliste (2 044 cm3). Si cette puissance est amplement suffisante pour un usage "familial", qui est la vocation première de ce bateau, y compris pour la pratique du ski nautique, les pilotes confirmés adopteront sans hésiter la motorisation maximale (175 ch) pour exploiter plus avant le potentiel généreux de cette carène. De longs runs dans la houle du large sous un mistral fraîchissant, ponctués de quelques envolées bien en ligne, achèveront de nous en convaincre. En bref, ce modèle affiche un bon bilan marin, en exergue duquel on placera le plaisir de pilotage, toujours présent, même avec une motorisation "sage", et le comportement très sûr, dans toutes les figures du pilotage..
CONCLUSION
Cette marque mérite d’être mieux connue, le S650 confirmant ici les bonnes impressions déjà éprouvées sur le S550 (essai dans Pneu Mag n°71). Élégant, sans effets de manche, sérieusement construit, doté d’un équipement bien conçu (balcon avant, arceau polyester de série...), le S650 convainc aussi par sa tenue de mer et son agrément de pilotage. Capable d’affronter du mauvais temps en sécurité, il reste néanmoins facile à transporter. Sans échapper à quelques critiques, ce modèle se place bien dans sa catégorie.