Si nous sommes parvenus à déceler quelques petits défauts sur le Russ Ribs, ce semi-rigide français, produit par un Anglais, a fait l'objet d'une mûre réflexion pour tendre vers la perfection. Esthétique, performant, bien accastillé, il explore un genre un peu délaissé sur nos côtes, mais qui compte encore de fervents pratiquants : le raid tout temps longue distance.
Texte et photos Philippe Leblond
Voilà un semi-rigide pas banal, fruit d'une initiative qui ne l'est pas moins. Le Russ Ribs est né de la volonté de son créateur à imaginer et produire le bateau idéal, tel qu'il le conçoit. Nicholas Russ vit à Paris, mais il est anglais et culturellement attaché aux semi-rigides de son pays d'origine. Carènes étroites et profondes, tubes à diamètre progressif, cockpit fonctionnel (pas surchargé) et sécurisant… L'objectif étant avant tout de naviguer, vite et loin, dans n'importe quelle mer, pas de passer des heures au mouillage… La "réponse", c'est ce semi-rigide de 7,50 m qu'il a mis au point avec l'aide de Rohan Le Trevedic, ancien de Jouvence Marine et passionné de montages léchés pour hors-bord de fortes puissances. Pour viser un programme de promenade rapide au long cours, l'accent a été mis sur le confort en mer formée et la navigation hauturière. Pour cela, Nicholas a fait appel au Dr Ullman, biomécanicien suédois, afin d'équiper son cockpit de sièges à amortisseur, ainsi que d'une console étudiée en soufflerie et dotée d'une main courante copilote à l'ergonomie naturelle. En collaboration avec Garmin, il a fait le choix d'installer un combiné GPS traceur-radar, dont le radôme (18 kg) est fixé au sommet d'un roll-bar inox dessiné par Nicholas, himself (mais étudié par la société Scan Strut). Ce dernier est pourvu d'un anneau de traction haut placé pour le ski et surtout le wake-board. La construction du Russ Ribs, elle aussi, donne dans le sérieux… Confiée au spécialiste anglais Henshaw, la fabrication des flotteurs intègre un système de gonflage/dégonflage automatique (par gonfleur électrique TurboMax). Ceci pour mettre sans effort le Russ Ribs au gabarit routier, car à la différence des Ribs britanniques mesurant souvent moins de 2,50 m de large pour 7,50 m, Nicholas a voulu un bateau plus large (2,70 m), jugeant leur surface de cockpit trop restreinte. Le tissu retenu est de l'Orca 1 100 décitex "Fabric Impression", sans doute pour limiter le poids déjà considérable de ce 25 pieds, malgré la structure en sandwich du pont (Balsa Core). Il est vrai que le gros œuvre polyester du 750 Sport est d'une grande rigidité, et que la pose des accessoires (console, siège et roll-bar) s'accompagne de contre-plaques en alu… Bref, la qualité de ce qui ne se voit pas rejoint celle de ce qui se voit. La finition est effectivement exempte de critique, et l'on apprécie la banquette, pleine largeur, qui utilise un revêtement en Néoprène (comparable à celui des combis de plongeur) totalement étanche, avec deux sangles dans le même matériau pour se tenir en mer formée. Les quatre jockeys Ullman, disposés en carré, bien à l'abri de la large console (trop large à notre goùt car laissant peu de passage), donnent au Russ Ribs une identité raid, pour ne pas dire militaire high-tech. Le constructeur a d'ailleurs prévu deux autres versions du 750 : Pro avec six Ullman, Open avec 2 Ullman, les deux modèles se passant de banquette. Autre point fort, l'ergonomie de son poste de pilotage, bien sûr, avec une position quasi idéale pour barrer ce bateau en toute sécurité, avec une bonne visibilité. Il y a aussi sa centrale de navigation, avec ce combo à grand écran et sa VHF fixe Garmin, son ordinateur de bord SmartCraft, qui va de paire avec le Verado 300 ch, et le compas, bien dans l'axe du regard du barreur. L'accastillage aussi est bien étudié, avec des feux de navigation à leds et deux taquets de poupe sur le roll-bar, à bonne hauteur pour éviter le ragage des amarres sur les boudins, et un taquet avant dans l'axe du guide de mouillage.Pour autant, tout n'est pas parfait… Il y a l'accès difficile à l'échelle de bain, l'absence de douchette, même en option, les saisines de flotteurs un peu "légères" et trop courtes. Et, l'on ne trouve même pas une petite tablette pour poser des victuailles à l'heure du pique-nique, sans parler de l'étroitesse des passavants et de l'ouverture de la baille à mouillage, ainsi qu'à un moindre degré le volume un peu limité des rangements, sachant que ce semi-rigide peut embarquer jusqu'à 12 personnes. Peu de choses en regard de ses points forts mais qui, pour certaines, pourraient être améliorées. Le grand moment est arrivé. Voyons ce que ce 750 Sport a dans le ventre. Hélas, autour de l'Ile de Ré, la mer est d'un calme… Impossible de se faire une impression complète sur les qualités marines du Russ Ribs, mais ne boudons pas notre plaisir. Tandis que le Verado s'éclaircit la voix, ses 300 chevaux propulsent notre bateau hors de l'eau sans forcer. Le cabrage est réduit, et la tonne et demie du Russ (en ordre de marche) reprend son assiette en à peine plus de quatre secondes. Correct, mais la bonne surprise c'est plutôt sa faculté à planer sur un filet de gaz, malgré un angle de 24° au tableau arrière. Quant à la recherche de la vitesse maxi, elle se fait en toute quiétude. Tout juste le 750 Sport amorce-t-il un semblant de roulis au régime maxi, trim bien en haut. Les 50 nœuds sont franchis ! On en n'attendait pas moins, mais il est vrai qu'une mer d'huile, qui colle à la coque, n'est pas le plan d'eau idéal pour chasser le record. D'ailleurs, une fois la mythique Bravo One, remplacée par l'Enertia (conçu spécialement pour les Verado), le constructeur aurait signé un 53,4 nds plus en rapport avec le vrai potentiel de cette carène fine et bien équilibrée. Elle donne vraiment l'impression de pouvoir supporter 100 chevaux de plus ! Mais, pour Nicholas, la vitesse absolue n'est pas une fin en soit. Sa philosophie est plutôt d'offrir une allure de croisière rapide, avec un bon rendement, sans trop réveiller la sonorité du 6 en ligne américain. Objectif atteint, avec une crête à un mille par litre et près de 30 nds à seulement 3 500 tr/min. Ce qui donne au Russ Ribs (avec le réservoir de 350 l), une autonomie de plus de 300 milles entre deux ravitaillements !Capable de "dérouler" à 30 nds, sans "taper" dans sa mécanique, le Russ Ribs adore hausser le ton. Vif, réactif, précis, il est particulièrement plaisant à piloter. Notamment en virage, où sa maniabilité est bluffante. On peut balancer le nez à fond, à gauche ou à droite, et le reste suit. Le guidage de la quille est parfait et la motricité intacte, même en remettant tous les chevaux avant la sortie. De même, sa stabilité et son équilibre longitudinal entrevu à l'occasion de légers décollages sur un reste de houle, nous confortent dans l'idée que ce semi-rigide sportif est bien né..
CONCLUSION
L'initiative de Nicholas Russ est séduisante, en ce sens que le 750 Sport n'est pas qu'un semi-rigide de plus. Le concept du pneu chic mais endurant, avec notamment une autonomie record à 30 nds est marginal, mais totalement justifiée aux yeux de ceux qui envisagent de longues navigations en équipage, et ne reculent pas devant une météo difficile. Bien construit, bien conçu à quelques détails près, il répond parfaitement à son programme et peut même se parer d'un matelas de bain de soleil optionnel, lorsque ce dernier est de la partie.