S'il avait été noir et blanc, on aurait pu titrer "en smoking". Car, le moins qu'on puisse dire, c'est que le nouveau Scorpion fait assaut d'élégance malgré son ADN d'offshore. Élégant et cossu, il n'en propose pas moins des performances de sprinter, avec cette qualité de glisse qui n'appartient qu'aux semi-rigides britanniques. Attachez vos ceintures !
Texte et photos Philippe Leblond
Dévoilé au Salon de Southampton, l'automne dernier, le Strike est amarré à l'un des pontons de la marina de Lymington dont le dock n'est autre que l'adresse du chantier Scorpion. On l'observe sous toutes les coutures, et quel que soit l'angle de vue, son esthétique marque des points. Stewart, le responsable des ventes, a beau nous avertir qu'il ne s'agit encore que d'un prototype, le "bébé" a fière allure et démontre le savoir-faire du constructeur anglais, que ce soit le coup de crayon ou la fabrication. Le Strike n'est pas le plus grand des Scorpion, dont le "vaisseau-amiral" reste le Sting 10 M (essai dans Pneu Mag n°76), mais il est sans doute le plus avancé en termes de design.
Le premier élément qui frappe la curiosité, c'est le moule de pont, plus développé que sur les autres modèles de la gamme, avec un avant en polyester englobant l'extrémité des flotteurs, des flancs de cockpit rigides et galbés (pas commode pour s'asseoir sur les flotteurs !) qui se poursuivent jusqu'à la poupe en formant des hiloires encadrant le petit solarium arrière. Avec des flotteurs pratiquement au contact de l'eau à la poupe, la stabilité latérale à l'arrêt s'avère meilleure que sur certains semi-rigides anglais. Par contre, fidèle à ses congénères, le Scorpion adopte un rapport longueur/largeur élevé (3,27) qui, s'il sert la sportivité de la silhouette et du comportement, n'est pas en faveur de la surface de pont. Ainsi, le choix d'une console biplace se fait au détriment des passavants. Par contre, on appréciera les dégagements autour du poste de pilotage, ainsi que le coussin amovible au centre de la banquette, découvrant une marche recouverte de simili teck pour faciliter l'accès à la poupe.
Tel quel, le Strike n'est pas des plus généreux pour ce qui est des places assises (cinq en navigation plus les deux de l'avant au mouillage). En revanche, au plan du rangement, il fait bien les choses avec une énorme cale arrière, au point que l'on peut y entrer de plain-pied. Il est vrai que la banquette et le solarium se lèvent à la verticale à l'aide d'un gros vérin central. L'occasion de constater que le montage des accessoires tels que batterie, filtre décanteur, pompe électrique d'eau douce, tuyaux des vide-vite, mât de ski traversant, est particulièrement soigné. Et la console dispense, elle aussi, un beau volume de stockage auquel il convient d'ajouter les deux coffres de la proue, celui le plus en avant contenant un bac fermé pour le mouillage. Néanmoins, les amateurs d'escales à l'ancre seront étonnés de constater que Scorpion n'a prévu ni davier d'étrave ni guide de mouillage pour filer la chaîne ! Une lacune d'autant plus grande que le nez du bateau est entièrement en polyester. On y trouve juste un taquet rétractable… Heureusement, un guindeau électrique peut être monté en option ! Toujours au rayon accastillage, mentionnons la jolie main courante qui borde le solarium en générant deux taquets, les poignées inox de part et d'autre de la console et du siège avant, et les feux de navigation à LED, très esthétiques.
Terminons notre visite par le poste de pilotage, bien conçu, avec le bas de console en retrait et pourvu d'un cale-pieds, le volant vertical, revêtu d'Alcantara (comme la main courante du copilote), le boîtier de commandes (DTS) placé en avancée sur son petit plot, la large place dévolue à la centrale de navigation, à la VHF et à la sono Fusion (FM + MP3), le petit pare-brise qui protège mais ne barre pas le champ de vision… Seuls reproches : le compas désaxé et l'absence de boîte à gants. Pour ce qui est de la position de pilotage, on est près du sans faute avec l'utilisation de deux sièges à amortisseur Ullman (en standard), mais dont les socles en polyester ont été reconfectionnés par le chantier, par souci d'esthétique. Pour ceux qui voudraient étoffer l'équipement de leur Strike, le chantier a prévu quelques options bien ciblées : table de pique-nique, bimini, WC électrique, douchette… Et pour une touche d'élégance supplémentaire, l'éclairage de courtoisie et des flotteurs bicolores. Alléchant au ponton, le Strike est-il savoureux en navigation ? Rien qu'à voir sa ligne effilée et le puissant Verado 300 ch qui monopolise son tableau arrière (pas de Strike bimoteur), on a déjà une idée de la réponse… Une fois engagé dans le Solent, l'Ile de Wight en ligne de mire, je sollicite toute la cavalerie. Petite déception au démarrage, avec un léger temps de latence, avant que le compresseur n'entre en action. Si le chrono de déjaugeage, de même que le 0 à 20 nœuds, ne sont pas des meilleurs, passé cette marque le Verado 300 pousse comme un furieux vers les hautes sphères, autrement dit les 60 nœuds, là où seuls quelques semi-rigides de plaisance rivalisent. Les cristaux liquides du GPS s'affolent… La montée en régime se poursuit, irrésistible, aidée par les deux redans de vitesse qui barrent la carène du Strike, et un petit coup de trim. Nous n'échouerons qu'à un nœud de la barre fatidique. Une valeur digne de certains semi-rigides monomoteurs de course ! Mais, le plus jouissif dans le comportement du Strike, c'est sans conteste l'impression de facilité avec laquelle il glisse. Ce qui lui vaut, compte tenu de la puissance installée, un meilleur rendement à 3 500 tr/min, avec 0,87 mille pour un litre d'essence. Le plus intéressant c'est que cela se situe à 31,4 nœuds… Cet excellent rendement associé au gros réservoir permet de couvrir près de 300 milles (trois fois le trajet continent/Corse) !
Non content de ses performances majuscules, le Strike semble ignorer le petit clapot haché, presque inévitable dans le Solent. Aux commandes, assis sur les Ullman, c'est vraiment "confort". La tenue de cap est bien stable, même à haute vitesse, et malgré la petite brise soufflant par le travers, nous n'aurons pas recours aux flaps hydrauliques. Par contre, le Strike ne montre pas la même rigueur en virage rapide que le Sting in-board (10 mètres) que nous avions essayé, il y a quelques années. L'inscription en virage ne se fait pas sans mal, d'autant qu'une tendance à contre-gîter se manifeste assez rapidement. Le Scorpion n'accepte de prendre sa gîte intérieure qu'à condition de réduire les gaz et de refermer le virage progressivement. En conservant un peu de gaz pour garder le compresseur en action, les relances en sorties de virage sont énergiques.
CONCLUSION
Les fondus de vitesse pourront opter pour un Verado 350 Sci ou un Yamaha 350 V8, avec lequel ils dépasseront sans coup férir les 60 nœuds, mais un hors-bord de 300 ou même 250 ch suffit largement à animer cette carène aiguisée à 24 degrés (angle au tableau arrière). Le plaisir sera, quoi qu'il arrive, au rendez-vous. Chic et choc, tel est le Scorpion qui ne passera pas inaperçu dans les marinas sélectes. Mais, pour bien profiter des mouillages méditerranéens, quelques options ne sont pas superflues.