Avec Polaris, il ne faut pas s'encombrer de considérations esthétiques… Ce n'est pas sur ce terrain-là que le semi-rigide canadien entend s'exprimer. Son domaine à lui, c'est l'affrontement ! Avec la mer, et pourquoi pas, les hauts fonds, sa robuste carène en alu incitant à échouer ou à beacher sans arrière-pensée. Ce baroudeur rustique n'en demeure pas moins plaisant à barrer.
Texte et photos Philippe Leblond
Présent depuis deux ans sur notre marché, Polaris se démarque de l'offre dominante. Déjà par l'utilisation de l'aluminium, tant pour la coque que les accessoires, et par la philosophie, ultra rustique, héritée de ses contrats avec les gouvernements canadien et états-unien. En deux mots, faire simple et solide. Simples, les Polaris le sont, avec une conception pour le moins basique. Solides ? Il suffit de sauter dans le cockpit à pieds joints pour constater l'incroyable robustesse de leur plancher qui s'accompagne d'une grande stabilité (les flotteurs touchent l'eau). Polaris, c'est une évidence, ne lésine pas sur l'échantillonnage de l'aluminium, ce qui lui permet d'appliquer sans crainte une garantie de dix ans sur ses coques… Alors, décalé le 17.6 Contender ? Certainement, au point que Polaris se trouve presque sans concurrents dans l'Hexagone. Difficile de lui comparer le Rafale car, s'il utilise aussi l'aluminium, ce baroudeur chic joue la sophistication. C'est sans doute le symbole national de la robustesse, j'ai nommé Sillinger (bien que sa coque soit en polyester), qui se rapproche le plus du produit canadien. Tout cela pour dire que choisir un Polaris se justifie dans le cadre d'une utilisation intensive et "tout-terrain". Car, ce n'est pas vraiment pour l'esthétique (quoique, on ait le choix des coloris de flotteurs), ni pour le confort embarqué (malgré un choix d'accessoires "maison") qu'on signe un bon de commande Polaris…
S'il est solidement construit, le Contender ne se distingue pas par son niveau de finition. Les épaisses soudures, vis et autres boulons sont offerts au regard, et la facture des accessoires (banquette, console) ne traduit aucun effort de design. La console en est l'exemple : corps rectangulaire, sans retrait au niveau des pieds ou des genoux, tableau de bord simplissime, les cadrans moteur masqués par le volant étant difficile à lire (sur ce point Polaris n'est pas le seul !), absence d'équipet pour le petit matériel (GPS portable, VHF, téléphone…), trappe de coffre latérale sans charnières (elle se détache à l'ouverture), pare-brise curieusement fixé à une main courante asymétrique… Heureusement, les commandes (volant et boîtier DTS) sont bien placées. Par ailleurs, pour ce qui est du coffre de banquette, son emprise au sol est restreinte à tort (la base est moins large que le haut, donc perte de volume) dans la mesure où il constitue le seul vrai rangement du bord avec celui, plus petit, de la console… Par contre, c'est un vrai coffre sec puisqu'il possède son propre fond. Pour ce qui est de l'assise, la mousse de sellerie est un peu molle. Mais le pilote ne s'en offusquera pas puisqu'il ne l'utilisera pas, la distance séparant la banquette de la console étant trop importante pour qu'il puisse barrer assis… Pour ce qui est de l'accastillage, notre modèle d'essai était équipé d'un roll-bar herculéen supportant les feux de navigation, mais rendant l'accès à l'arrière peu commode, au cas où l'on voudrait profiter de l'échelle et de la douchette (options). En l'absence de taquets à la poupe, il est possible d'amarrer sur le roll-bar. Autovideur, le cockpit possède des nables avec manchons relevables. Dans la pointe avant, le puits de mouillage est flanqué d'un puissant taquet, mais on déplore l'absence de davier ou de guide, et de passe-bout dans le couvercle.
Copieusement trimée, la lourde carène du Polaris signe un honorable 38,3 nds. Une performance moyenne dans la sphère des semi-rigides ainsi motorisés, mais plutôt satisfaisante compte tenu de la densité de ce bateau, à qui le Sillinger 580 (même longueur), qui n'a pourtant rien d'une ballerine, rend 145 kilos… Le Polaris est donc capable de réduire sa surface mouillée pour se rendre vivant à la barre. Mais, le plus surprenant, ce sont les accélérations, sans doute parmi les meilleures : 3 secondes pile pour déjauger, et surtout 4"4 de l'arrêt à 20 nds ! Le Polaris affiche également une bonne stabilité de cap (aucun roulis à pleine vitesse) et sait se montrer incisif en virage. Mais, et c'est sans doute son seul défaut sur le plan dynamique, il a du mal à stabiliser son assiette augmentée malgré sa longueur à la flottaison augmenté par la chaise moteur. Le nez, trop léger, a tendance à se lever, que se soit au déjaugeage, à vitesse stabilisée, où seul un réglage fin du trim permet de contenir le marsouinage qui se déclanche à mi-régime, ou en virage, où le "pompage" perturbe les trajectoires. L'importateur, Jérôme Charles, suggère un recentrage des masses, en plaçant la console et le réservoir plus en avant ce qui, par ailleurs, permettrait d'intercaler un leaning-post entre la banquette et la console afin d'offrir une position de pilotage plus confortable. Cette parade nous semble légitime ; le seul inconvénient sera sans doute une légère perte de vitesse du fait de l'augmentation de la surface de contact avec l'eau. Reste que l'équilibre longitudinal doit être la priorité. Surtout lors de navigations en mer formée, où un "nez léger" est un réel handicap en termes de passage et de confort. Lors de notre essai, le Pertuis rochelais était calme et nous avons du aller chercher quelques sillages pour constater que le Polaris passe en souplesse, tout en montrant une rigidité structurelle "en béton". Dernière remarque pour souligner l'excellent rendement à 4 000 tr/min, qui correspond à une vitesse de croisière quasi idéale de 22 nds. Par contre, si avec le Verado 135, l'autonomie est d'une centaine de 100 milles, avec la motorisation maxi (150 ch), elle s'avèrera vraiment juste.
CONCLUSION
En résumé, le Contender est un semi-rigide dur au mal qui, grâce à son gros œuvre en alu, est taillé (c'est le cas de le dire !) pour les tâches les plus rudes. Pour autant, son agencement de pont, tel que présenté sur notre modèle d'essai, n'est pas des plus pertinents… Reste que le chantier et l'importateur sont là pour proposer un aménagement sur mesure. Notre conseil : choisir le Polaris pour le sérieux de sa base (coque alu, flotteur en Orca 1 670 décitex), sa solidité et son caractère marin, mais sans oublier de faire valoir ses desideratas quant au choix et au positionnement des accessoires.