Peu soucieux de suivre les tendances de la mode, ce semi-rigide familial de marque française, fabriqué en Turquie, fait valoir son cockpit spacieux et simple, son tube en Néoprène-Hypalon et son tarif attractif, en coque nue comme en package. Equipé d’un Yamaha F115, il délivre un pilotage facile et de bonnes performances.
Texte et photos Jacques Anglès
Avec son flotteur gris clair, son cockpit en polyester blanc garni de coussins de même couleur et son agencement sans fioritures ni recherche de design, ce grand canot familial ne fait rien pour se faire remarquer. Alors, signes particuliers : néant ? Pas tout à fait ! Il y a en effet quelque chose qui intrigue dans la forme "en coin" du cockpit, étroit à l’avant et très large à l’arrière. De fait, la carène affiche elle aussi cette forme de coin, avec un V de proue étroit et profond qui s’évase en s’élargissant nettement vers un arrière au V modéré. Six longues virures de fond et un contre-bouchain assez marqué, qui prend naissance à l’étrave pour s’élargir vers l’arrière, viennent compléter ce dessin atypique.
Le cockpit classiquement organisé en trois zones (espace avant, zone pilotage au centre, banquette passagers à l’arrière) est simple et donne la priorité aux espaces dégagés. Le mobilier est simple (console de pilotage, leaning-post, banquette arrière et plate-forme de bain) et entièrement boulonné sur le plancher, sauf le coffre avant intégré au moule de pont. Les plongeurs apprécieront l’espace dégagé de la zone avant, pratique pour poser les bouteilles. C’est un des points forts de ce modèle, auquel s’ajoute la commodité de circulation (malgré des passavants relativement étroits) et le confort des banquettes, avec des selleries déhoussables de bonne facture. Si cet agencement aéré est propice à la pêche, à la plongée et aux sorties en équipage nombreux, il n’est pas sans contrepartie… Par exemple, l'exiguïté de l'unique solarium que l’on regrettera lors des balades d’été en famille, surtout en Méditerranée. Même remarque pour l’absence de table de pique-nique, alors que la place ne manque pas à l’avant pour un coin-repas convivial (à vous de trouver une table chez un équipementier). Par contre, laissez de côté l’arceau arrière optionnel (bas), véritable obstacle pour l’accès à l’échelle de bain.
La partie polyester (coque et pont) présente tous les signes d’une bonne solidité. Dans les fonds, les cloisons et raidisseurs structurels sont généreux et, sur le pont, les planchers et capots montrent une rigidité de bon aloi, de même que tout le mobilier rapporté. L’antidérapant moulé n’est, toutefois, pas aussi efficace que la classique pointe de diamant, et la finition n’est pas exempte de petites imperfections, sans incidence sur la solidité. Cette observation vaut aussi pour l’équipement, sérieux pour ce qui est installé, dont le réservoir inox 100 litres inclus, mais avec quelques manques (pas de taquets arrière, pas de vérins sur les capots de coffres…). Côté pneumatique, l’AB 650 fait valoir son flotteur de fort diamètre, cloisonné en six compartiments et réalisé en CR/CSM de 1 670 décitex. L’extérieur est défendu par un double liston qui englobe les extrémités hémisphériques du tube et la proue est pourvue d’une protection efficace au passage de la ligne de mouillage, ce qui n’est pas si fréquent. Ajoutez des renforts bien placés, six grosses poignées en caoutchouc et une main courante en nylon sur le bord extérieur (un peu basse à notre goût), et vous obtenez un tube qui inspire confiance, même si l’on décèle ici ou là quelques débordements de colle ou de légers faux plis sur certaines pièces de renfort. Globalement, cette visite de détail dégage une impression positive de robustesse, avec un design et une finition un peu en retrait des standards européens. Voyons maintenant si la carène "en coin" de la marque confirme en mer cette impression positive, avec au tableau arrière un Yamaha 115 ch, une puissance raisonnable (35 ch sous la puissance maxi autorisée, une puissance raisonnable ) pour une coque de cette taille destinée à une utilisation familiale. Le poste de pilotage, strictement monoplace, est agréable : assise arrondie pour appui fessier confortable, volant et commande de gaz à bonne hauteur, tableau de bord bien lisible. Dès que nous sommes au-delà de la bande des 300 m, je pousse franchement la manette de gaz. Cela commence bien avec un déjaugeage très rapide, bien en ligne et sans marquer de cabré excessif. Bonne impression également en montant dans les tours, avec un chrono de 0 à 20 nœuds digne d’éloges. En accélérant, la stabilité est toujours présente, en latéral comme en longitudinal, et l'on peut jouer du trim sans hésiter pour dégager l’étrave, dès que l’on atteint 4 000 tr/min. On peut également se satisfaire des 35 nœuds accrochés en vitesse de pointe, un résultat honnête pour un bateau de cette taille motorisé en 115 ch. En virages, l’accroche est correcte, avec une gîte modérée, l’arrière du flotteur venant vite s’appuyer sur l’eau. En revanche, ce flotteur implanté assez bas et le large contre-bouchain de carène engendrent des coups de raquette dans le clapot (en particulier par vagues de travers) et l’eau gicle assez généreusement sur les côtés à vitesse moyenne. On a alors l’impression que le bateau colle un peu à l’eau, ce que dément le tableau de performances. Avec un 115 ch, ce modèle est facile à piloter et peut être mis entre toutes les mains, mais les sensations de pilotage restent limitées. Un 135 ch, voire un 150 ch, (puissance maximale autorisée) procurerait plus de punch, à condition toutefois que la carène suive côté stabilité, un essai étant conseillé pour s'en assurer avant de passer commande.
CONCLUSION
Pour un pneu comme pour tout produit, le rapport qualité/prix est souvent déterminant lors d’un achat. A cet égard, le tarif très attractif de ce modèle suffit à lui assurer une excellente place. Et ceci d’autant plus que, côté qualité, il inspire confiance, même s’il est difficile d’évaluer en un essai la résistance à long terme d’un bateau, surtout d’une marque peu connue. A défaut de se faire désirer par un design enthousiasmant ou de grands bains de soleil, ce grand familial s’affiche au prix d’un modèle plus petit. Et en mer, la dimension supérieure a toujours l’avantage.