Flirtant avec la limite fatidique des sept mètres, à partir de laquelle le bateau est taxé, le nouveau Clubman 23 semble taillé sur mesure pour notre marché. Plaisant à piloter, rapide et confortable, il n'en réalise pas pour autant un sans-faute. Quelques détails mériteraient en effet d'être revus.
Texte Philippe Leblond. Photos Philippe Leblond et Jacques Anglès
à peine le temps de terminer notre séance de photos, afin de profiter de la belle lumière de début de journée, qu'une vilaine brise d'Est a pris possession de la baie d'Hyères. Levant un clapot cassant, ce vent va au moins permettre d'évaluer les aptitudes de cette nouvelle carène, dotée de deux discrets redans dans sa moitié arrière (une première chez Joker). Compte tenu de l'agressivité du plan d'eau, le dernier-né des Clubman donne satisfaction tant en termes de stabilité que de confort, ne pouvant toutefois éviter quelques impacts marqués dans les creux de plus 70 cm qui viennent à la rencontre de l'étrave, en rangs serrés. Il est toutefois possible de tenir une moyenne élevée dans ce clapot rebelle mais au prix d'une gestion rigoureuse des gaz (réduire et remettre au bon moment). Dans ce domaine, bien servi par le Yamaha 200 ch 4-temps seconde génération (doté de la distribution variable initiée avec le 250 ch), le Clubman 23 démontre des aptitudes sportives indéniables et l'on se prend vite au jeu de l'attaque. Son équilibre, malgré un réservoir d'essence vide aux trois-quarts, reste serein. Le nez un peu léger certes, lorsqu'on pilote seul et sans chargement, a parfois tendance à décoller, mais rien d'inquiétant. La reprise de contact avec le plan d'eau, à la réception des quelques petits sauts que j'ai pu faire, se fait prestement. Le Joker, bien qu'assez léger, ne « s'échappe » pas face aux vagues. Comme ses frères de chantiers, il aime en découdre, et affiche une belle rigidité structurelle témoignant du sérieux de sa construction. Avec mer et vent par le travers, il n'est pas aisé de conserver la vitesse maxi, mais en « contrant » avec la barre et en « gazant » avec feeling, on parvient à se déplacer à bonne vitesse, en évitant les forts coups de raquette qui sont un peu le talon d'Achille des semi-rigides en mer formée latérale. En virage, le comportement du 23 n'est pas aussi limpide que celui d'autres Joker que nous avons pu tester. Lorsqu'on vire serré, dès l'amorce de braquage, il a tendance à « tomber » d'un coup vers l'intérieur. La gîte est alors très marquée et le flotteur intérieur vient au contact de l'eau, rendant la trajectoire moins précise. Par ailleurs, la direction assistée, particulièrement douce, est un peu trop démultipliée et il n'est pas évident d'enchaîner rapidement les changements d'appuis, même en « tricotant » des bras, ne serait-ce que lors de la séance photos, où l'on s'évertue à multiplier les angles de vue dans un rayon réduit pour rester à portée de zoom. Par contre, on ne note pas de tendance au sous-virage, ni à la ventilation, la motricité restant bonne. La souplesse du 200 Yam fait merveille à la remise de gaz, il se montre énergique mais pas brutal. Il n’a pas toutefois le brillant d’un 2-temps, ce qui se constate au déjaugeage, où le chrono tout en étant bon n’est pas « canon ». S’il est un chiffre à retenir en matière de performance, c’est celui du rendement à 3 500 tr/mn, avec un rare 1,03 mille par litre consommé. Une valeur qui, assortie d’une vitesse de 23,4 nœuds, prédispose le Clubman 23 aux longues randonnées, avec une autonomie exceptionnelle de 270 nautiques ! De quoi espacer la corvée des ravitaillements dans les ports encombrés les mois d’été…
De retour au ponton d’Hyères Espace Plaisance, importateur fidèle de la marque italienne, la revue de détail peut commencer… Du fait de l’amarrage « cul-à-quai », en vigueur dans les ports méditerranéens, on note tout d’abord la présence de l’échelle télescopique en inox, laissée apparente. Nous la préférerions intégrée à la plate-forme de bain. Mais, ce qui retient surtout notre attention, c’est la présence de deux mains courantes verticales en inox se terminant en forme de taquets. Placées sur chaque bord, elles forment une légère courbe vers l’extérieur pour épouser celle du flotteur. Esthétiques et utiles, ces deux appendices n’en réclament pas moins une certaine vigilance lors des déplacements, car se « planter » dessus ne doit pas faire du bien… La douchette (55 l), placée au dos de la banquette arrière, est facile d’accès. L’accès au cockpit se fait par un passage latéral à bâbord, laissé par la banquette dont la forme en L permet de reprendre la place sacrifiée au passage en question. Trois personnes peuvent s’y asseoir, sans se serrer. Le socle de cette banquette offre un vaste coffre accessible par le relevage de l’assise en deux parties, maintenues ouvertes par des ressorts (des vérins seraient plus efficaces). Les loquets laissent la possibilité de le fermer à l’aide de cadenas, ce qui n’est pas le cas des coffres de la proue. La banquette est dominée par un roll-bar inox doté, à sa base, de charnières, afin de le rabattre pour faciliter le transport ou le remisage sur remorque. On note au sol, recouvert partout d’un antidérapant en pointe de diamant efficace, la présence de deux élégantes grilles en inox siglées du J de Joker, pour protéger les nables de vidange du cockpit. Avant de quitter la partie arrière pour observer le poste de pilotage, notons que la banquette ne donne pas lieu à une conversion en solarium. Plus dommageable, on ne trouve pas trace de table pour le pique-nique. Il est toutefois possible que le constructeur modifie le système peu convaincant de transformation du leaning-post en assise tournée vers l’arrière pour faire de la banquette un petit comptoir pour l’apéritif ou la pause déjeuner. Cela serait plus utile que ce siège peu confortable, obtenu par le basculement de l’assise de pilotage… La console de pilotage possède une grande emprise au sol, et de fait, les passavants asymétriques restent tous les deux assez étroits. Mais en contrepartie, le tableau de bord est généreux, offrant notamment de belles possibilités pour l'adjonction de l'électronique de navigation, et un compas situé bien en face du barreur. Les instruments Yamaha, dont le combiné LAN qui comporte entre autres la fonction débitmètre, sont facilement lisibles. Moins satisfaisante est la position de conduite. Il se confirme que c'est là une faiblesse de Joker : le leaning-post est situé trop près de la console, et il est difficile de bien prendre ses appuis au sol pour piloter en mer formée. On se trouve trop près du volant et les commandes sont un peu basses, même pour un pilote de taille moyenne. La position assise, grâce au cale-pied escamotable est préférable. La base du leaning-post abrite la batterie et une trappe de visite pour le réservoir d'eau (porte en teck). Le volume offert par la console n'est pas non plus complètement dédié au rangement, en raison de la présence des câbles et du tuyau de remplissage du réservoir d'essence (300 litres !). Mais, pas de panique, le coffre avant possède un volume remarquable, la baille à mouillage étant indépendante. Le siège biplace moulé sur la façade avant est encadré par la longue et élégante main courante de pare-brise en inox. Sécurisant. La plate-forme décrite par les coffres moulés avec le pont est recouverte d'un spacieux matelas pour le bain de soleil, laissant apprécier la qualité des selleries de Joker : mousse ferme à cellules fermées, skaï déhoussable, tissu d'aération… La fixation se fait par Velcro, ce qui peut paraître léger, mais se révèle moins fragile à l'usage en milieu marin que des boutons pression. Parmi les efforts de finition, notons aussi l'habillage des bords de couvercles de coffres à l'aide d'un joint caoutchouc qui amortit les bruits parasites lors des chocs avec la mer. La saisine de couleur bordeaux, coordonnée avec le centre de la bande antiragage est du meilleur effet..
CONCLUSION
Pour résumer, le Clubman 23 est un élégant day-boat, capable de promener une famille nombreuse à vive allure et en sécurité grâce à ses qualités marines. Ses performances, même en restant nettement en deçà de la puissance maxi, offrent au capitaine une belle marge de manœuvre pour choisir le bon rythme de croisière en fonction des conditions. La qualité de réalisation est, comme à l’habitude chez le chantier italien, à classer dans le haut de gamme. Par contre, et ce n’est pas la première fois, l’agencement du cockpit n’est pas exempt de reproches…