Doté d'une carène qui flirte avec les 50 nœuds en toute sécurité, d'une réalisation soignée jusqu'aux détails, d'un cockpit convivial et riche d'une foule de bonnes idées, ce grand day-boat s'inscrit parmi nos coups de cœur de l'année.
Texte et photos Jacques Anglès
Il y a des essais qui ne ressemblent pas aux autres, comme aujourd'hui avec le Marlin 34, aussi luxueux que performant. Le temps de jeter un coup d'œil sur le cockpit pendant l'appareillage et nous voilà au large de Cannes, dans une queue de mistral automnale qui pousse ses moutons en vagues de 0,80 m à 1 m, sous un ciel de plomb. Nous remettons donc au lendemain la séance photo, par un temps plus ensoleillé et plus calme. Pour l'heure, bien calé aux commandes, je ne boude pas mon plaisir. À 25-28 nœuds, mer de face, le Marlin passe en conservant un excellent confort, ce qui m'incite à pousser un peu plus sur la poignée de gaz. Nous grimpons à 30 puis 35 nœuds en toute sécurité. Si le confort diminue au fil de l'accélération, la stabilité reste impeccable et la carène amortit bien les vagues. Équilibrée et très rigide, cette coque procure un pilotage précis, bien servi par l'ergonomie du poste de pilotage (confort, visibilité, commandes bien placées) et par la direction assistée, dont la douceur compense la forte démultiplication (7,5 tours de volant). Le plaisir de pilotage tient aussi à la puissance des 350 ch Yamaha et à leurs formidables reprises à tous les régimes. Bien que ceux-ci délivrent la puissance maximale autorisée, on sent que ce Marlin pourrait supporter plus, tant il paraît robuste et sûr. Revenant en rade de Cannes où la mer est moins agitée, je pousse la manette de gaz à fond en suivant d'un œil l'ascension rapide du GPS : 40, 45, 48 nœuds, ajustage du trim et voilà notre Marlin à 49,5 nœuds, les 50 nœuds semblant à sa portée par mer plus calme ! Excellent en route directe, le Marlin 34 est tout aussi franc en virages. Il avale les longues courbes rapides avec une précision d'orfèvre et se montre agile en virages serrés, où il est difficile à prendre en défaut, si ce n'est une ventilation progressive des hélices quand on resserre le rayon de giration (moins de 20 m).
Brillante par sa vélocité et sa sécurité, cette coque fait aussi valoir son confort quand on revient à des vitesses plus conformes à son programme de balade estivale. On a le choix entre deux plages de vitesses : "croisière économique", de 19 à 27 nœuds pour 2 900 à 3 600 tours/minn, avec un rendement optimal, et "croisière rapide", de 27 à 34 nœuds pour 3 600 à 4 500 tours/min, avec un rendement à peine inférieur. Mais au-dessus de ce régime, la consommation grimpe en flèche. Si le pilote se régale avec les F350 V8 Yamaha, le Marlin 34 sera sans doute presque aussi performant avec deux F300 V6 de même marque, nettement plus légers (224 kg de moins pour la paire) et moins gourmands. On y gagnera en prix d'achat, en consommation, et en autonomie.
Sur ce bilan dynamique élogieux, voyons maintenant ce que ce beau canot offre à ses passagers. À première vue, son vaste cockpit ouvert doté de deux grands bains de soleil semble surtout dédié à la balade estivale, avec un agencement de type "3 zones" assez classique (farniente à l'avant, pilotage au centre, cuisine et carré à l'arrière). Mais en y regardant de plus près, on voit qu'il peut aussi convenir pour des croisières raid à deux ou quatre personnes.. On apprécie la facilité de circulation à bord (passavants extra-larges), la bonne distribution des fonctions sur les trois zones, et les neuf à douze places assises en navigation. Mais ce qui fait la différence, c'est que chaque espace est remarquablement exploité et truffé de bonnes idées pour rendre la vie à bord plus agréable en toutes circonstances : navigation, repas, farniente ou croisière. Le cockpit avant donne l'exemple, avec sa grande banquette en V et sa table sur pied télescopique électrique. Il se convertit tour à tour en coin repas pour cinq à six personnes, ou en grand bain de soleil encadré d'un haut franc-bord rassurant, ce qui permet de l'utiliser en navigation. De plus, il peut être équipé d'un bimini sur arceaux inox qui est un modèle du genre. Non seulement, ce bimini s'installe ou se range en trois minutes grâce à un astucieux logement intégré dans le pont, mais des panneaux zippés additionnels permettent de le transformer en une cabine fermée offrant un bon confort en croisière. Le carré arrière, encore plus spacieux, bénéficie de la même flexibilité, avec une table sur vérin électrique (comme à l'avant) et un double bimini optionnel (aussi pratique que le précédent) qui couvre le carré et le poste de pilotage. Une poignée de secondes suffit pour passer de la configuration "solarium" à la configuration "repas". On dispose ainsi de deux zones repas, à l'avant et à l'arrière. Devant ce carré, une cuisine bien équipée s'adosse au poste de pilotage, avec de grands placards et un réfrigérateur dessous. Le confort est complété par un luxueux cabinet de toilette logé sous la console de pilotage, avec lavabo, douchette et WC. Bon point également pour le confort du poste de pilotage, doté de confortables fauteuils à assises relevables (pour pilotage debout), de larges cale-pied en teck, d'un tableau de bord très lisible et d'un pare-brise enveloppant qui protège efficacement sans réduire la visibilité. Enfin, le souci du travail bien fait transparaît dans de nombreux détails, à l'exemple des vide-poches du poste de pilotage, des équipets à chaussures sous les cale-pied, du coffre à défenses sous le plancher, du puits à chaîne pratique ou du drainage de cockpit. Cet examen de détail ne serait pas complet sans signaler la réalisation très soignée de ce canot, aussi bien pour le "gros œuvre" (polyester et flotteur) que pour la finition et les accessoires (coussins à coutures sellier, parements de teck massif, accastillage, installations techniques...).Terminons par l'esthétique : la silhouette assez élancée et le design soigné composent un tableau séduisant, auquel il manque peut-être une touche d'audace. À cette (légère) réserve près, ce Marlin nous enchante.
Conclusion
Difficile de trouver un bateau qui cumule autant de bons points Qualité de fabrication, caractère marin bien trempé, agrément d'un cockpit à la fois luxueux et fonctionnel, rien ne manque au tableau. C'est sans aucun doute un des modèles les plus réussis du chantier de Côme. Un succès commercial serait tout à fait mérité, d'autant plus qu'il est proposé à un tarif attractif au regard de son niveau de qualité. Seul handicap, la présentation désuète du site et du catalogue Marlin ne donnent pas envie d'aller le voir de plus près, quel dommage !