Croisière au pays de la montagne noire
Belle balade que celle de cette famille de Haute-Savoie, passionnée de pneumatique ! À bord de leur Zar 61, elle a longé la côte constellée d'îles et d'îlots de trois pays limitrophes : Croatie, Monténégro et Albanie. Les charmes de la Mer Adriatique ont joué à plein, même si la virée en Albanie fut écourtée par… prudence.
Texte et photos Meltem 74
Après avoir visité les côtes Sardes en 2007, Croates en 2008 et les Cyclades l’an dernier, nous avons décidé cette année de tremper l’étrave de "Meltem" et de son compagnon "EPO" dans les eaux du Monténégro.
Ainsi, après 22 heures de voyage et une mise à l’eau dans la petite ville croate de Pakostane, nous passons une nuit bien méritée chez l’habitant.
Ainsi, c'est reposés du trajet de la veille que nous démarrons la journée en remplissant les formalités administratives à la capitainerie de Murter, avant de prendre un cap sud-est, afin de rallier d’une seule traite la marina de Rogoznica distante d’une vingtaine de milles. Après une rapide visite, nous reprenons la mer vers l’île de Solta pour notre premier bivouac.
La deuxième étape nous amène à Lumbarda, à l’extrémité est de l’île de Korcula, où nous attendent trois équipages du club parisien "Pneumania".
C’est donc dans un vent forcissant et un petit clapot que nous traversons plein sud et contournons l’île de Hvar pour atteindre la magnifique ville de Korcula, où le "Ponant" (débarrassé des pirates !) faisait escale.
Un coup de téléphone et une liaison VHF plus tard nous retrouvons nos compagnons et profitons de leurs installations luxueuses avant de s’attabler dans l'un des nombreux restaurants de la ville. Le lendemain matin de bonne heure les cinq semi-rigides "français" prennent le large en direction du soleil levant. Après une traversée vent debout de plus de 30 milles, la flottille se met à l’abri dans une crique de l’île de Jaklan, où nous déjeunerons avant que de continuer vers Dubrovnik. Les pleins d’eau et d’essence faits, nous repartons vers notre lieu de bivouac : Cavtat. Dire que la nuit fut tranquille serait mentir : un vent violent, descendu de la montagne toute proche, se leva dans la nuit et perturba ceux qui n’étaient pas équipés d'un taud de camping digne de ce nom. L'ancre d'un de nos camarades lâcha, ce qui lui occasionna une "ballade" non programmée une bonne partie de la nuit. Au petit matin, après un bref conciliabule, nos trois camarades de rencontre, fort fatigués par cette nuit agitée, décidèrent de rebrousser chemin alors que nous continuions notre descente vers le sud. C’est donc escortés par quelques dauphins que notre périple repris son cours.
Après un petit tour dans la baie de Molunat, ultime port de la côte croate, nous nous dirigeons vers le cap Ostra sous la surveillance active des postes d’observations disposés sur la montagne. Une demi-heure plus tard, Meltem et EPO se présentent à l’aplomb des bouches de Kotor, stratégiquement gardées depuis des siècles par de magnifiques ouvrages fortifiés. Ayant arboré le pavillon Q, nous fendons les eaux calmes du Monténégro vers Zélénika afin de remplir, une fois encore, les formalités administratives nécessaires pour naviguer dans ce pays. Grâce à des policiers et un capitaine de port très accueillants, cela ne nous prit qu’un petit quart d’heure, nous permettant de hisser avec fierté le magnifique pavillon monténégrin ! Nous reprenons donc notre route dans cette immense mer intérieure, en passant devant le chantier naval de Bijela où stationnent trois imposantes plates-formes de forage… Quelques milles plus loin, nous nous engageons en louvoyant entre les bacs, dans l’étroit défilé menant aux baies de Risan et Kotor. Nous nous retrouvons d'emblée devant les îles où trônent l’église Gospa od skrpjela et l’abbaye Sveti dorda.
Virant sur bâbord, nous faisons relâche dans une immense baie où de somptueuses demeures longent la côte... Pique-nique, wake-board, farniente ponctueront la suite de la journée.
Le lendemain matin nous traversons la baie et poursuivons en direction de Kotor. Nous longeons à présent des montagnes vertigineuses (d'ou le nom de Pays de la Montagne Noire) et passons devant le charmant village de Pérast. Nous sommes agréablement surpris par cette succession de petites villas (avec port privé SVP !), qui se succèdent devant nous. Quelques milles plus loin, nous arrivons à Kotor et sommes tout de suite impressionnés par cette ville historique dont les deux rangées de fortifications s’élèvent jusqu’au sommet de la montagne. Sa marina est riche de bateaux qui ne dénatureraient pas à Saint-Tropez ou Porto Cervo ! Charmés par notre longue promenade dans cette ville chargée d’histoire et classée au patrimoine de l’humanité, nous décidons d’y rester un peu. C’est dans le superbe restaurant "La Citadella" situé sur les remparts de la ville que nous commandons un succulent repas, sans quitter des yeux nos bateaux amarrés au pied des murailles.
N’ayant pas pu obtenir de postes d’amarrage à quai (pas assez gros, mon fils !), nous jetons l’ancre dans la baie afin d’y passer une nuit paisible.
C’est avec un immense regret qu’au petit matin nous lèverons l’ancre pour quitter cet endroit magique… Chemin faisant, nous croisons devant les paillotes de l’ancien Club Med de Sveti Marko, puis laissons sur tribord la magnifique église de la Miséricorde, gardée par une nonne assise sur un… bateau !
Ayant prudemment "arrondi" devant les abris pour sous-marins creusés dans la montagne, nous quittons cette petite mer pour contourner la péninsule de Lustica, partiellement interdite au débarquement, et longeons une côte dont les falaises sont percées de nombreuses grottes. Peu avant midi, alors qu’EPO se porte au secours d’une embarcation locale en panne de moteur, nous cherchons une plage pour y passer le reste de la journée et la nuit. Farniente, "wake" et grillades animeront le reste de la journée… Le lendemain, nous reprenons notre progression vers Budva et la charmante presqu’île de Sveti Stéphan, transformée depuis peu en complexe hôtelier. Après avoir dépassé le village de Petrovac na Moru, le voyage se poursuit le long d’une côte sauvage jusqu’à la plage de Quin’s Beach, où se prélassent des centaines de locaux. Nous décidons de jeter l’ancre à quelques mètres du rivage et d’attendre un peu… Une dizaine de jeunes gens attirés par notre pavillon national eut vite fait de venir nous rejoindre. Précisons que la "meneuse" du groupe, une jeunette d’une vingtaine d’année, parlant un excellent français, venait de rentrer d’un mois de vacances en France et avouait garder un souvenir ému d’un de nos jeunes concitoyens ! Nous apprîmes ainsi que, dans leurs écoles, les enfants apprenaient notre alphabet en même temps que le cyrillique. Chapeau ! Vers 19 heures, quelle ne fut pas notre surprise de voir une noria de petites vedettes en provenance de la ville voisine, qui, en moins de temps qu’il ne faut pour l’écrire, vidèrent intégralement les lieux de cette foule d'autochtones. Seuls deux gardiens de l’immense établissement balnéaire restèrent sur place, ramassant un nombre considérable de bouteilles et de papiers jonchant le sable… La plage étant désormais à nous seuls, nous l’aménageons à notre goût et nous nous y installons pour le repas du soir… Mais, dès le petit matin, les baigneurs revinrent aussi vite qu’ils étaient partis, et nous nous échappâmes dare-dare vers la ville de Bar, pour y refaire les pleins.
Après un repas pantagruélique (le mot n'est pas trop fort !) nous reprenons la mer vers Ulcinj, dernière ville avant la frontière Albanaise. Cette ville, peuplée à 80 % d’Albanais, compte de nombreux minarets qui côtoient les clochers des églises chrétiennes tandis qu’une foule bigarrée se masse sur la plage. S’ensuit une interminable plage de sable qui s’étire sur une trentaine de kilomètres jusqu’au fleuve Bodana, frontière avec l’Albanie.
Pendant presque une heure nous sommes obligés de louvoyer sans cesse pour ne pas heurter les centaines de planches à voiles, jet-skis et autres kite-surfs qui déboulent tous azimuts. C’est avec un clapot pénible, généré par le vent et le courant de la rivière, que nous nous engageons prudemment à travers la barre sablonneuse. Le fond est souvent à moins de 50 cm, et nos moteurs trimés au maximum soulèvent des volutes de sable De nombreuses résidences secondaires sont construites le long des berges où s’alignent des dizaines de restaurants. Malgré l’heure avancée (il est 16 heures), tous affichent complets ! Tout au long de la rive, d’immenses filets carrés sont suspendus au-dessus de l’eau alors que des bars de belles dimensions sautent de-ci de-là. Campés dans des barques, des jeunes gens frappent la surface avec leurs rames afin de les rabattre vers leurs filets. C’est jouissant de ce spectacle insolite que nous progressons vers la frontière… Quelques kilomètres plus loin, le spectacle change radicalement. De magnifiques roselières remplacent les villas et nous atteignons enfin notre but : l’Albanie ! La différente est saisissante, plus de belles bâtisses, plus de foule le long de l’eau… seulement quelques ombres furtives et quelques blockhaus datant d’un autre âge. Ambiance…
Nous avions pensé bivouaquer dans les roseaux qui bordaient ces rives tranquilles mais sur les conseils des autochtones, qualifiant leurs voisins de "personnages inquiétants" nous nous sommes résignés, la mort dans l’âme, à redescendre la rivière. C’est donc complètement frustrés que nous rebroussions chemin pour aller nous rassasier dans une des nombreuses gargotes. Aussitôt dit, aussitôt fait, et c’est sous les yeux ébahis des nombreux clients d’un restaurant que nous entamons une superbe manœuvre d’accostage, les narines déjà emplies d’odeurs de poissons grillés. Après un succulent repas arrosé d’un "blanc" monténégrin d'excellente tenue, et pour un prix relativement modeste, nous rejoignons nos embarcations. La nuit commençant à tomber. Nous enfilons nos vestes de quart pour la première fois du voyage et reprenons la mer à la recherche de notre prochain bivouac.
Le jour suivant, après avoir longuement réfléchi quant à la possibilité de continuer le voyage en direction du port albanais de Shengjin, tout juste distant d’une vingtaine de milles, nous décidons prudemment de renoncer et de prendre le chemin du retour. Désormais le voyage a un goût de "déjà-vu" et après quelques haltes "farniente", nous rejoignons Bar et ses restaurants économiques, pour la seconde fois. Toute chose ayant son revers, nous nous faisons "matraquer" à la marina où un charmant jeune homme nous demande plus de 40 € pour accoster et passer la nuit ! Le manque d’eau à quai et des sanitaires qui n’en avaient que le nom nous sape rapidement le moral. Heureusement, une bonne coupe de glace plus tard, l'humeur est revenue au beau fixe.
Le lendemain matin, les pleins faits, nous reprenons la mer vers le Nord.
Le voyage se poursuit sur une mer calme et nous ne croiserons que quelques dauphins nageant lentement vers une destination inconnue. Après un ultime bivouac le long des côtes monténégrines, nous repassons sans nous arrêter devant les bouches de Kotor, gardées par l’imposant fort Mamoula, et remontons en direction de Dubrovnik. L’ancienne ville, Raguse, est atteinte en fin d’après-midi, et c’est après une longue attente devant sa superbe marina que nous pourrons enfin trouver pour 44 € la nuit (quand même !), un poste à quai. Après avoir rincé le bateau à grande eau et s’être refait une beauté, nous décidons d’aller faire un tour en ville…
Une navette d’autobus nous dépose quelques minutes plus tard devant la porte de cette ville classée au patrimoine mondial de l’UNESCO. C’est donc en compagnie de la relève de la garde que nous pénétrons dans ce joyau dont toutes les toitures des maisons ont été refaites grâce à des tuiles rouges offertes par la ville de… Toulouse. Après un bon repas et une nuit paisible nous reprendrons la mer vers l’île de Miljet. Mais ceci est une autre histoire…
GUIDE PRATIQUE
Voyage
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Depuis La Roche sur Foron, via Milan et Trieste, soit 1 120 km dont 1 000 sur autoroute, pour un budget aller de 270 € (péages + essence).
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Partis à 18h00 le vendredi, nous sommes arrivés à Pakostane (Croatie) le lendemain à 16h00 (12 h de route).
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La mise à l’eau avec ponton pour la nuit nous est revenue à 20 €.
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Les formalités administratives ont été effectuées à la capitainerie du port de Murter pour la "modique somme" de 700 kunas (environ 98 €).
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Le premier complément de plein (180 l) nous a coûté 1 500 kunas (210 €) soit 1,16 €/litre.
Navigation
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En Croatie, contrairement à la Corse ou la Sardaigne la navigation est grandement facilitée, grâce à une multitude d’îles et d’îlots qui nous protègent efficacement des vents. Il est donc toujours possible de naviguer "sous le vent" et de continuer la route dans des conditions acceptables.
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Au Monténégro, les conditions météo ont été exceptionnelles avec peu de vent et une mer belle. Compte tenu de la température, la tenue de rigueur est restée maillot de bain et t-shirt clair pendant toute la durée du voyage. De même, la nature quasi intacte des côtes offre de nombreuses possibilités de beachage et de bivouac dans des criques et endroits relativement isolés.
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En Albanie, seul regret du voyage, sur les conseils des locaux, ne pas avoir passé la nuit dans les superbes roselières qui bordent la rivière Bodana.
Carburant
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Compte tenu de notre consommation moyenne (13 l/h) la distance entre les ports était largement suffisante pour refaire les compléments de plein (tarif : 1.2 €/litre)*. Consommation totale : 810 litres d’essence pour 62 h de navigation.
Restauration
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Aucun problème d’avitaillement dans les nombreuses villes et villages rencontrés. Plus nous descendions dans le sud, plus les prix baissaient…
Bonne adresse
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"La Citadella" à Kotor, comme les nombreux restaurants de poissons qui s’étirent le long de la frontière albanaise.
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En "petite" restauration, comptez 3.50 € * pour une belle Pizza dans les restaurants de Bar).
* Bien que ne faisant pas partie de la Communauté européenne, le Monténégro a fait de l’Euro sa monnaie officielle, nous facilitant grandement la comparaison des prix !
Hébergement
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Toutes les nuitées se sont passées sur le bateau, en bivouac sauvage à l'exception de deux nuits à quai (Bar et Dubrovnik). Le tarif de ces ports est assez élevé : 40 € pour des unités de 6 à 6.50 m.
Documents, formalités
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Carte d’identité valide, papiers du bateau (permis, assurance, livret de francisation), liste d’équipage, bref rien de bien particulier. Les formalités d’entrée au Monténégro (Port de Zélénika) ont été très rapides grâce à des autorités (police et capitainerie) extrêmement accueillantes.
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En "doublure" de la carte marine électronique, une carte routière locale nous a grandement facilité le repérage des lieux.