Plus de 1 000 milles sur la Grande Bleue !
Ils n'en sont pas à leur coup d'essai, mais Michel (69 ans) et Marie-Hélène (66 ans), mariés depuis 46 ans (!), n'hésitent pas à utiliser leur Zeppelin dans les grandes largeurs. Le printemps dernier, ils ont navigué plus d'un mois de Saint-Laurent du Var à Calvi, en passant par l'Italie et la Sardaigne. De quoi se fabriquer de beaux souvenirs…
Texte et photos Michel et Marie-Hélène Fontaine
Départ de La Rochelle pour Saint-Laurent du Var, avec notre Ford Explorer et notre Zeppelin "Columbia" sur sa remorque (13 m x 2.48 m pour 4,3 t). Comme à l'accoutumé, notre programme "mer" est encore vague… C'est la météo qui nous guide. Notre objectif est la Sardaigne du nord, que nous ne connaissons pas. Deux de nos amies, qui feront un bout de navigation avec nous, nous ont trouvé un hébergement pour la voiture et la remorque. C'est donc libre de toute contrainte que nous partons à l’aventure !
12 mai : Saint-Laurent du Var/Savona (loch 0)
Le temps n’est pas terrible (5 de SSW) et nous capelons vestes, brassières, harnais… Nous filons à bonne allure, afin de laisser derrière nous les gros nuages d’orage. Arrêt pique-nique à Imperia, capuccino ou chocolat italien… Pas d’essence pour "Columbia" : nous faisons un saut de puce jusque Port Andorra. Un appel VHF et le pompiste arrive en… mobylette ! Arrivée à Savona où son vieux port, blotti au fond d’un "fjord" est dominé par une jolie tour. Nous assistons à l’exercice sécurité d’une énorme "HLM de croisière" (nous nous sentons bien petits)… Bon accueil à la capitainerie qui nous trouve rapidement une place. Notre italien est inexistant, mais avec l’anglais et quelques gestes, on arrive à se faire comprendre. Bonne première étape, nos passagères, bien que peu habituées à ce mode de transport, ont réussi à couvrir le bruit du moteur par leurs bavardages incessants, signe que tout allait bien pour elles, et que le moteur n’est pas bruyant. Après une bonne pizza, douche puis dodo.
13 mai : Savona/Porto Venere (loch 80)
Nous laissons Gênes au fond de son golfe, tandis que nous croisons quelques cétacés. En ligne de mire, nous avons la pointe de Portofino, perle de la Ligurie.
Dans la baie, de superbes voiliers à l’ancre attendent de régater. Nous pénétrons dans ce petit port "carte postale" (façades multicolores, fleurs, foule, restaurants, boutiques…). Nous sommes amarrés devant le magasin Vuitton… Une ballade dans les ruelles nous permet d’acheter de quoi nous sustenter : focaccias, prosciutto, nèfles, que nous irons déguster à Santa Margherita. Là, surprise : on ne sent pas un port en activité. Les pontons sont vides, les bars aussi. Nous aurons souvent cette impression dans la partie italienne de notre voyage… Nous mettons le cap sur Porto Venere, longeons les falaises des Cinque Terre, avec leurs maisons accrochées aux parois, leurs vignes quasiment verticales. Un endroit insolite, y compris l’entrée du port qui se fait discrète. Jusqu’au dernier moment, nous aurons l’impression de devoir passer dans un creux de rocher ! Mais, notre "Columbia", bien équipé en électronique, nous mène à bon port, et là nous tombons amoureux, tous les quatre, de Porto Venere. L’accueil est chaleureux, nous nous amarrons au petit quai… J’apprécie la Méditerranée, mais renâcle un peu pour les pendilles (ah ! nos catways d’Atlantique !). A peine arrivés, nous nous mettons à la recherche d’un hôtel avec trois critères précis : pas à plus de 300 ou 400 mètres du bateau (le skipper a des problèmes de marche), clim et wi-fi pour iPad ! Porto Venere étant le départ (ou l’arrivée) des randonnées des Cinque Terre, il y a du monde partout. Notre sauveur s’appelle Giovanni, qui possède deux chambres B&B toute neuves, balcons avec vue sur le port. Après une douche bien méritée, nous nous attablons au "Miramare", resto qui surplombe le port et dégustons des trenette al pesto arrosées d’un bon vermentino. L’escale nous plaît bien, nous serions bien restés une journée de plus, mais Giovanni a déjà reloué nos chambres…
14 et 15 mai : baie de La Spezia (loch 149)
Un coup de vent est annoncé pour demain, nous trouvons un bon abri pour notre bateau au cercle de voile, club privé de La Spezia, tout proche de l’hôtel "Corallo" (wi-fi + clim !). Nous repartons illico visiter la baie avec, entre autres, la ville de Lerici, ses ruelles, sa place dont les escaliers tombent dans la mer. La ville est jaune, les volets vert tendre, le soleil est chaud, une gelateria nous tend les bras…. Il a plu et venté toute la nuit ; nous allons jeter un œil à Columbia. L’amarre avant a souffert, il faudra acheter des amortisseurs… Puis, c'est l'adieu aux filles qui rentrent à Nice… Nous noyons notre coup de blues avec un bon repas à la "Lanterne" (resto proche de l’hôtel).
16 mai : La Spezia/Capraia (loch 233)
Il fait un temps superbe, la mer est belle… Départ 8h40, "Columbia" nous emporte à 30 nds vers notre destination. Nous doublons l’île Gorgona et nous apercevons déjà Elbe, le Cap corse et les sommets enneigés de la Corse. Nous arrivons à Capraia sous un soleil de plomb. Nous en rêvions de cette île… Quelle déception ! C’est plutôt désertique, les habitants nous regardent l’œil en coin, pas d’accueil au port, le self-service essence ne prend pas la CB, uniquement du cash, ne rend pas la monnaie et le litre est à deux euros ! Nous savons déjà que nous ne traînerons pas ici… Le choix de l’hôtel est vite fait, il n’y en a qu’un. La chambre est rudimentaire, mais la terrasse avec vue sur le port est agréable. Petite bronzette pour l’équipière, réparation de l’amarre sous le taud de soleil pour le capitaine. Repas quelconque et très cher. Bref, une escale que nous ne recommandons pas.
17 mai : Capraia/Elbe (loch 125)
La mer est un lac ! Nous n’avons pas l’impression d’avancer. Elbe est un gros pavé posé sur la mer, très escarpé et beaucoup plus habité que nous le pensions. Premier arrêt à Marciana Marina : capuccino et benzina. Le coin ne manque pas de charme, mais il y a des bus bondés de touristes français et allemands. Nous repartons assez rapidement pour Porto Azzuro, très jolie ville avec ses palmiers, jasmins, bougainvillées, ses maisons roses et ivoires… L’hôtel "Belmare" est sur la marina. Je vais au bureau du port régler mon dû. Devant mes yeux écarquillés (35 euros la nuit !), on me fait le prix d’avril (15 euros). Les prix pratiqués dans les restaurants sur le port sont prohibitifs, mais dans les ruelles nous avons trouvé des auberges à des prix plus raisonnables.
18-20 mai : Elbe/Solenzara (loch 356)
Nous appareillons à 9h00. La météo a sous-estimé la mer qui est agitée mais le bateau passe bien. Nous marchons à 25 nds vers la côte orientale de la Corse, mer d'arrière. Les sommets enneigés sur tribord, nous laissons Montecristo à bâbord. Approchant la côte, nous apercevons les fantomatiques aiguilles de Bavella. Des avions de chasse atterrissent dans un bruit d’enfer. Pas de doute, nous sommes en vue de Solenzara ! L’accueil au port est très sympa : place de rêve le long d’un ponton, bon resto (le glacier du port), charmant hôtel ("La Solenzara"). La station essence étant fermée, le capitaine du port nous place à proximité de l’accueil. Nous délaissons "Columbia" pour une voiture de location, et faisons une boucle pour approcher les aiguilles de Bavella en longeant la rivière Solenzara, puis la forêt de l’Ospedale. Point de vue superbe sur la baie de Porto-Vecchio où nous allons trouver un appartement pour séjourner une semaine.
Solenzara est un port accueillant et calme. Pourtant, une vedette a coulé cette nuit, sans raison apparante ! Un règlement de compte, aux fumigènes et fusées de sécurité, entre pêcheurs corses et plongeurs italiens, a animé notre petit-déjeuner. Ne sont-ils pas joueurs ici ? De Solenzara, nous partons à la découverte des mouillages environnants : anse de Favone, anse du Tarcu, où nous beachons, afin d’aller prendre un pot en regardant cette belle plage avec notre Zeppelin pour seul occupant. La station service ? Toujours fermée. Mais, si nous nous engageons à prendre plus de 100 l de Super… ça pourrait s'arranger.
21 mai : Solenzara/Porto-Vecchio (loch 390)
Toujours pas d’essence à Solenzara. Le pompiste est bien là, mais comme il y a des travaux sur le port… Tant pis, nous décidons d'utiliser l’un de nos deux jerrycans de 22 litres. Nous ferons le plein à Porto-Vecchio ! Nous rejoignons notre appartement sur le port, au-dessus du glacier, "La canne à sucre". Michèle, la propriétaire est charmante, nous profiterons du balcon avec vue sur le port et sur… "Columbia". La pompe à essence ne marche pas non plus, mais tout ira bien le lendemain !
22 mai-30 mai : Porto-Vecchio/Bonifacio/Porto-Vecchio (loch 567)
Le plein fait, nous partons redécouvrir les plages superbes et peu fréquentées à ce moment de l’année : Santa-Giulia , Palombaggia, Rondinara, Piantarella, les îles Lavezzi et Cavallo, Bonifacio… que nous avons abordée dans un épais brouillard (merci le radar !). Nous avons déjeuné au bar-restaurant les "Voyageurs". La "Mamie", charmante (plus de 80 ans), nous a parlé de la Sardaigne, son pays d’origine, et nous a embrassés quand nous l’avons quittée !
30 mai : Porto-Vecchio/Sardaigne (loch 597)
Départ pour la Sardaigne, toujours par beau temps. La traversée est rapide, un dauphin nous accompagne un petit moment. Nous ne trouvons pas la capitainerie de la Maddalena, et nous traversons pour Palau. Il faut trouver à se loger et c’est le WE de l’ascension. Nous allons au hasard chez "Fernandino" (excellentes pizzas). Le propriétaire nous indique un B&B "Campo di Farfalle", mais il ne reste plus de chambres. Paola, la propriétaire, ne nous laisse pas tomber, passe une dizaine de coups de fil et nous dégotte un appartement relativement proche du bateau. Ouf !
31 mai-5 juin : Costa Smeralda (loch 637)
Nous partons à la découverte de cette partie du nord-est de l’île, entrelacs de rochers, labyrinthes d'îles, mais peu de végétation. Nous arrivons à Porto Cervo qui ne paraît pas respirer sa splendeur d’antan. Peu de bateaux, de gens, maisons fermées, nous repartons un peu désenchantés pour Portisco, autre port créé dans les années 80-90. Même impression. Moins d'un mille plus loin, il y Porto Rotondo plus sympa.
Avis de grand frais : nous amarrons notre Zeppelin solidement. Quelques courses dans Palau qui est une ville agréable, avec ses habitants avenants… Nous donnons rendez-vous à Paola pour un verre, juste à côté de la gare maritime. Alessandro, patron du "Guido’s" qui nous a communiqué son numéro de Livebox perso, est devenu un grand ami du capitaine et de son iPad ! Pour rejoindre les îles Razzoli, par facilité, nous suivons le bateau à touristes. Pour atterrir à Budelli et Santa Maria - eau cristalline, granit rose, petites plages - il faut demander une autorisation. C’est une zone protégée, et c’est très bien ainsi. Nous allons déjeuner à Cala Gavetta. C’est l’Ascension et les Catholiques sont venus en nombre. Ruelles et places sont animées, il y a des fleurs partout ! Après un repas simple mais bon chez "Lio", baignade à port Manu, une plage bien abritée du vent de NW. Le vent souffle toujours (force 4/5) mais nous décidons de partir pour Porto Longo, à Santa Teresa de Gallura, petit port au fond d’un fjord. Mais là aussi personne. Cela paraît presque abandonné. Retour musclé. Trop de vent, un orage aussi… L'occasion de faire un bilan. Les Sardes sont des gens charmants, toujours prêts à rendre service, joyeux malgré la crise omniprésente. Et, l’augmentation de 150% du prix du ferry n'est pas faite pour arranger leurs affaires !
6 juin : Palau/Golfe de Valinco (loch 739)
Bonne traversée jusqu'à Porto Pollo, petit village sympa mais dépourvu d'hôtel. Aussi, nous filons vers Propriano, où nous trouverons un appartement à 300 m de notre amarrage.
7-15 juin : Propriano et ses environs(loch 764)
C'est parti pour la visite du golfe ! Campo Moro, Porto Pollo, Portigliolo et son interminable plage… Dans la foulée, nous décidons de "redescendre" jusqu'à Pianottoli-Caldarello (Figari), sans oublier les baignades à Rocapina et son fameux "lion", Cala Longa, Cala Tivella… Nous croisons même le "Phocéa" (ex-Tapie) de la milliardaire saoudienne, Mouna Ayoub, avant un super déjeuner chez Antoine, à Tizzano. Nous y retrouvons un couple de Bretons, Pierrick et Annie, à bord de leur Corsaire, venus par le ferry à Propriano, en route pour Porto-Vecchio…
16 juin : Propriano/Ajaccio (loch 902)
Nous partons de bon matin vers Aïaccu. Pour une fois, les hôtels sont réservés jusqu'à la fin du voyage donc pas de stress. A l’entrée de la baie, nous décidons d’aller faire le tour des Iles Sanguinaires. Nous croisons une tortue un peu dédaigneuse qui fuit notre appareil photo. Nous accostons d’abord au port Charles d’Ornano, mais il est trop loin de l’hôtel. Nous irons donc au port Tino Rossi. Sitôt notre installation faite, nous allons faire un tour dans la baie et revoir des endroits que nous avons fréquentés à plusieurs reprises : Porticcio, Isolella, et surtout la petite anse derrière la pointe de la Castagna, où je me baigne pendant que Michel pêche à la mouche et relâche des poissons un peu curieux. Deux de nos enfants, Cécile et Olivier, viennent de nous rejoindre pour quelques jours. Nous leur faisons visiter le golfe, avec baignades et tour des Sanguinaires.
20 juin : Ajaccio/Porto (loch 969)
Nous poursuivons notre route vers le nord. A Porto, nous avons le plaisir de retrouver notre copain Patrick (de "Patrick et Toussaint", location de semi-rigides) qui nous avait bien dépannés l’année dernière… Nous logeons à l’"Hôtel des Flots Bleus" que nous recommandons.
Puis c'est l'inévitable cabotage le long des Calanches de Piana, et le déjeuner à la "Cabane du Berger", à Girolata (les vaches sont sur la plage). En route pour la réserve de Scandola, nous faisons la course avec un poisson volant qui décolle à chaque fois que nous le rattrapons. Le soir nous admirons le coucher de soleil sur les roches rouges. De retour à Porto, nous croisons le "Christina O" (99 m), l'ancien yacht d'Onasis, qui vient y mouiller.
22 juin : Porto/Calvi (loch 1 047)
Départ pour Calvi, mer belle, pas un souffle de vent ; les 30 milles s’avalent sans effort. L’après-midi, nous nous baignons dans une eau translucide, au pied de la citadelle. Ce sera notre dernier bain, car le temps se détériorant les jours suivants, il est temps de retraverser. Nous prenons l’apéro sur le port et disons au revoir à nos enfants qui vont poursuivre leurs vacances…
23 juin : Calvi/Saint-Laurent du Var (loch 1 075)
Lever 5h00, départ 6h00, après un thé sur le port. Traversée idyllique, nous croisons un requin, un dauphin et les somptueux voiliers de la Giraglia, dispersés sur plusieurs dizaines de milles. Arrivée à Saint-Laurent du Var à 9h30, pour le petit-déjeuner. Notre loch affiche 1 172 milles.
Epilogue
Très belle croisière de 1 142 milles, avec 80 heures de navigation à 16,8 nds de moyenne, pour une consommation de 17,3 l/h. Raisonnable, rapportée à la puissance du moteur (200 ch) ! Nous encourageons à utiliser un semi-rigide comme un bateau de croisière pour le camping (on peut même y tendre 2 hamacs). L’année dernière, notre navigation avait été beaucoup plus rude et fatigante, en raison de conditions météo défavorables. Mis à part une ou deux exceptions, nous avons reçu un excellent accueil, partout dans les ports où nous sommes passés. Au large, nous avons rencontré très peu de bateaux de plaisance. Ils se cantonnent dans la limite des six milles, et dans les ports ! L’année prochaine nous envisageons de visiter les Baléares, au départ de Barcelone.
Le bateau
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Un Zeppelin 22 V-Pro, baptisé "Columbia", avec coffre AV, cale intégré dans la carène avec capot en alu, console avec deux coffres, pare-brise haut pour protection, leaning-post avec deux assises escamotables intégrant deux coffres, une banquette-coffre (pour le bagage) offrant trois places, un coffre AR pour deux batteries de 100 A, une glacière électrique, un taud de soleil, un réservoir inox intégré de 165 l, un roll-bar inox double arceau avec feux de navigation, antenne VHF et radôme (radar).
Electronique
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GPS Garmin Map 5012 écran tactile multifonction, cartes SD Garmin G2 vision, sonde Garmin 200/50 KHZ + température, radôme radar Garmin GMR 18 HD, débitmètre Garmin GFS 10, VHF Cobra ASN MRF 80 DSC intégrée, tous ces appareils étant interfacés.
Sécurité
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Le matériel réglementaire, la pharmacie, et un palan sept brins gréé sur le roll-bar pour aider à remonter à bord en cas de chute à la mer.
Moteur
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Suzuki DF200 TX V6 4T, avec direction hydraulique et filtre décanteur.
Remorque
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Mecanorem freinée MTX 1351F
Critères de choix du bateau
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Moins de 7 m de long et moins de 2,50 m de large (transportable), catégorie B, aménageable à la demande, insubmersible (dispense de la survie en hauturier), flotteurs Hypalon/Néoprène.
Météo : j’utilise quatre sources de météo via ma tablette (iPad) :
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Météo France
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Météo Consult (abonné prévisions à 14 jours)
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Windfinder
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Lamma Rete (très performante pour le bassin méditerranéen et, surtout, donnant une excellente vision de l’état de la mer et de sa direction).