A la rencontre du mythique Fastnet
Ce nouveau volet des aventures nautiques de la famille Gogel les emmène sur les côtes irlandaises. Passionné de semi-rigide, mais aussi de Voile, Franck rêvait d'aller saluer le phare du Fastnet, rendu célèbre lors de régates où les équipages ont connu le meilleur comme le pire. Voilà qui est chose faite avec, au passage, de belles excursions en mer et en eaux intérieures.
Texte et photos Franck Gogel
Pour déterminer nos destinations de voyage, nous avons passé un accord en famille : à Pâques le nord de l’Europe, l’été le sud. Pour ces vacances d’avril, notre choix s’est arrêté sur une baie au sud-ouest de l’Irlande, à 80 kilomètres de Cork : Baltimore. Nous prendrons donc le ferry à Roscoff, pour une traversée de 21 heures vers Cork, et rejoindrons le port de Baltimore, où nous mettrons Froudenn (le petit nom de notre Sillinger) à l’eau, puis découvrirons toute la baie et les falaises de Mizen Head.
Concernant l’hébergement, nous avons gardé le même principe que l’année dernière en Ecosse (Pneu Mag n°79) : location de maison et rayonnements aux alentours. Celle que nous avons louée cette année est située sur Ilen River, au fond de la baie. Ce cottage fait partie d’un petit ensemble de maisons d’hôtes situées sur une presqu’île privée, Inishbeg ; nous avons sélectionné The Boat House, plantée au bord de l’eau et disposant d’un mouillage privé, parfait pour garder un œil sur Froudenn (Sillinger 765 Silverline avec Suzuki 250 ch 4T). La baie de Baltimore est bien protégée des vents, ce qui permet de naviguer sans se soucier des conditions météo. Nous espérons, quand même, que ces conditions seront favorables afin de pouvoir sortir de la baie pour longer les impressionnantes falaises irlandaises et, bien sûr, aller saluer le mythique phare du Fastnet !
Comme d’habitude, pour ces vacances, nous partons avec nos enfants, Milena et Jeanne, leurs cousines Charline et Armel, ainsi que leurs grands-parents, Minouche et Tadig. Et, comme d’habitude, nous y allons avec la ferme intention de voir des dauphins et des phoques !
Premier jour : 35 nds de vent et grosse houle annoncés
Notre ferry accoste au port de Cork en fin de matinée, nous laissant largement le temps d’atteindre Baltimore dans la foulée, de préparer Froudenn à naviguer pour, enfin, rejoindre The Boat House en fin d’après-midi. Vers 17 heures, tout est prêt, les filles peuvent goûter aux joies de la piscine couverte et chauffée d’Inishbeg. De mon côté, je sors les cartes et consulte les prévisions météo, tranquillement posé devant une première Guinness... Les deux premiers jours, la météo annonce des conditions plutôt musclées, 30 à 35 nœuds de vent d’Ouest et une houle entre 3 et 4 mètres ! Nous commencerons donc par une visite de la baie, en attendant la confirmation d’une amélioration en milieu de semaine avec l'espoir d'aller tutoyer les falaises Irlandaises et adresser un petit bonjour au Fastnet.
Deuxième jour : la chaleur du premier pub…
Nous embarquons depuis la cale au pied de notre cottage, sous un petit crachin très breton. Heureusement il ne fait pas trop froid. Les conditions de vent demeurent musclées, mais dans la baie, ces vents ne postent pas de problème et aux endroits les plus exposés, la houle ne dépasse pas le mètre. Après avoir débouché de la rivière Ilen, nous mettons le cap vers Sherkin Island, située à environ une quinzaine de milles de notre maison. A cette époque de l’année, ce coin est très préservé de la grande foule, nous croisons juste quelques bateaux de pêche. La marée étant au plus bas, l’accostage sur l’île paraît un peu compliqué pour les enfants et même une houle pas très importante peut lever un ressac franchement désagréable. C’est dommage, car le centre de l’île est occupé par un vaste lac qui communique avec la mer par un petit ruisseau, ce qui pouvait faire une intéressante excursion en annexe. Donc après avoir fait le tour de l’île faute d’excursion en annexe, nous nous posons, un peu mouillés quand même, au port de Baltimore afin de goûter, pour la première fois, au bonheur de s’engouffrer dans la chaleur d’un vrai pub irlandais.
Troisième jour :3,50 m de creux, ambiance tendue !
Il fait gris, mais heureusement il ne pleut plus, et le vent a faibli. Je propose de faire une tentative vers le Fastnet… Pour un amateur de Voile comme moi, c’est magique de pouvoir aller contempler de près ce monument maritime ! Tout le monde l'a d'ailleurs bien compris, puisque je raconte en boucle depuis plusieurs jours l’histoire de ce phare…
Plus nous nous approchons de la sortie de la baie et plus la houle se fait présente, Une longue houle typique de l'Atlantique. Au bout de 20 minutes de navigation, les creux s'élèvent environ à 3,5 mètres, et je sens bien que l’ambiance à bord n’est pas des plus détendues. Ces sorties devant rester un plaisir pour tout le monde, je décide d’abandonner à 7 milles de but, et de faire demi-tour pour aller visiter l’île de Cape Clear. L’arrivée dans ce petit port du bout de l’Europe restera un joli moment de ces vacances, une vraie impression d’aventure ! Après un tour de l’île à pied qui nous permet quand même d’apercevoir le fameux Fastnet, au loin dans la brume, et la pause pub, obligatoire dans ces contrées reculées, nous remettons le cap sur la maison, pour que les filles puissent aller se réchauffer un peu dans la piscine. Elles l’ont bien mérité !
Quatrième Jour : après les phoques, le Fastnet !
Cette fois, c’est sûr ! Le vent est franchement tombé, je propose un départ de bonne heure pour une deuxième tentative vers le Fasnet. A mi-parcours, au milieu de la baie, nous tombons nez à nez avec une grande colonie de phoques en train de se prélasser gentiment en attendant que la marée remonte. Dans ces moments-là, le regard des enfants vaut vraiment tous les efforts que l’on peut faire pour venir naviguer dans ces régions ! Pour ce type d’observation, le semi-rigide est un outil magnifique : après avoir dépassé la colonie, je coupe le moteur, et grâce aux courants de marée, nous dérivons silencieusement au milieu des phoques à quelques dizaines de centimètres de leurs moustaches. Les passagers, enfants et adultes sont littéralement subjugués ! Après plusieurs centaines de photos, et une bonne heure d’observation, nous remettons le cap vers le phare tant espéré (enfin par moi…). La houle est toujours présente, mais tout à fait maîtrisable par notre Sillinger et un équipage de Bretonnes qui, quand même, commence à compter quelques centaines de milles d’expérience en Atlantique !
Après environ trois-quarts d’heure nous arrivons enfin au pied du phare ! il est magnifique et c’est toujours la même émotion forte lorsqu’on arrive sur ce type de monument. Après avoir fait ma centaine de photos (chacun son tour !) et versé ma petite larme, en pensant à tous ces marins de légende qui sont venus, ici même, virer de bord… il est à nouveau temps de refaire route vers la maison.
Cinquième Jour : le musée de la famine
Aujourd’hui beaucoup de pluie prévue par la météo, nous décidons donc de faire une journée de relâche, pour aller visiter la ville de Skibbereen, toute proche de là. Au programme, shopping évidemment, il y a quand même six filles dans l’équipage (!), restaurant dans une ancienne église réaménagée, puis visite du musée de la Grande Famine qui a sévi en Irlande au milieu du 19ème siècle… Un tout petit musée, assez ludique pour les enfants - tous ont été impressionnés par la taille des gamelles dans laquelle était préparée la ration quotidienne de 25 kg de pomme de terre qui nourrissait la famille entière (mais elle n'avait que cela à manger !).
En fin de journée, je pars pour une belle sortie en VTT, autour du Lough Hyne à quelques kilomètres de là, tandis que les filles peaufinent leur technique de plongeon dans la piscine.
Sixième jour : les falaises de Mizen Head
Notre premier jour de soleil ! La mer est calme et les couleurs magnifiques. Nous faisons route vers Mizen Head, des falaises très impressionnantes, à l’autre bout de la baie de Baltimore, distantes d’environ 40 milles, quand même… Mais, les conditions de navigation sont bonnes, et la balade agréable. Une fois les falaises atteintes, nous mettons le cap sur la baie de Crookhaven, à environ dix milles de là. L’entrée de la baie est marquée par le phare de l’île Rock. C’est une étroite bande de roches assez élevées qui forment comme un véritable fjord, au fond duquel se trouve un petit village pittoresque. Nous faisons une halte pour déjeuner dans le pub principal, tenu par un patron très sympa et qui a fait ses études à Paris. Après une grande discussion sur les avantages et inconvénients de la vie parisienne, nous appareillons sous un soleil encore bien présent.
Nous ferons le retour par l’extérieur de la baie en espérant voir quelques dauphins pointer leur museau sur cette mer d’huile. La navigation se fait à 25 nœuds dans un confort parfait et après trois bonnes heures à scruter l’horizon sans avoir vu le moindre aileron, nous décidons de mettre le cap sur Baltimore pour une pause glaces. Les filles ne sont pas trop déçues, elles commencent à avoir l’habitude de ne pas croiser les gentils cétacés à ces périodes de l’année.
Septième jour : une navigation champêtre
Ce dernier jour sera plutôt une demi-journée. La cale de Baltimore étant plutôt pentue et glissante, nous sortirons le bateau de l’eau à marée haute, soit vers 15 heures, et le préparerons à nouveau pour la route. Nous appareillons donc le matin pour profiter de cette dernière journée avec la visite d'Ilen River, une large rivière bordée d’églises abandonnées, de cimetières et de quelques cottages plutôt bourgeois. Cette navigation très champêtre et paisible contraste bien avec les jours précédents… Nous apercevons encore quelques phoques et beaucoup d’oiseaux magnifiques. Vers 14 heures, je dépose tout le monde à notre cottage et mets le cap sur Baltimore pour sortir Froudenn de l’eau, le nettoyer, le dégonfler, afin d’être prêt pour rependre la route de retour demain matin.
Epilogue
Cette semaine autour de Baltimore nous a permis de découvrir une région magnifique, à l’ambiance typiquement irlandaise. Les gens sont très accueillants et disponibles, les pubs chaleureux, la zone de navigation particulièrement variée. La baie regorge d’îles plus ou moins désertes, sur lesquelles il n’est pas rare de voir des maisons ou des donjons abandonnés, qui sont là pour nous rappeler que l’Irlande a connu des périodes de grande pauvreté au cours de son histoire. Cette destination permet à chacun, l'espace d'une semaine, de trouver son bonheur et le style de navigation lui convenant le mieux : champêtre, côtier ou hauturier. Et puis, virer le Fastnet, même en bateau à moteur, reste un bien joli moment !
GUIDE PRATIQUE
Météo
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Comme en Bretagne, les vents dominants sont ouest et nord-ouest. Dans cette zone assez exposée de l’Irlande, les courants et les vents peuvent êtres très forts et vite lever une grosse houle, il faut donc bien suivre la météo. J’ai utilisé les applications windfinder et windguru sur mon iPhone, elles sont assez précises, et en plus elles donnent la hauteur des vagues et leurs fréquences.
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Pas mal de ciel gris, mais cela se marie bien avec le paysage, et une température moyenne de l’ordre de 10° en avril, pas extraordinaire, mais tout à fait supportable.
Conditions de mer
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A l’intérieur de la baie, pas de problème, même avec un gros coup de vent c’est très praticable. Par contre il faut être prudent et bien suivre le sondeur et les chenaux, car il y a pas mal de têtes de roches qui fleurissent un peu partout. Nous en avons profité pour tester le structure scan de Lowrance, qui est un sondeur-scanner, tout juste installé par Arnaud, de Bleu Rivage (La Trinité-sur-Mer), et il faut reconnaître que la définition des fonds est bluffante ! A l’extérieur de la baie, ça peut très vite devenir impraticable. L’avantage c’est que l’on s’en aperçoit progressivement, à mesure qu’on s’éloigne de Baltimore, il suffit donc juste d’être attentif et raisonnable.
Mouillages
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Pas de marina dans le coin, on mouille sur corps-mort ou à l’ancre, il est donc impératif d’avoir une annexe, ainsi que quelques bidons pour refaire le plein.
Divers
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Les cales sont plutôt larges, mais très glissantes, il vaut mieux prévoir les manoeuvres de sortie et de mise à l’eau à marée haute, à moins d’avoir un 4x4, ce qui n’est pas notre cas.
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On peut facilement garer sa remorque sur des parkings prévus à cet effet près du port de Baltimore. En été ça doit peut-être devenir un peu plus compliqué.
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Pour le ferry, on a réservé via Britanny-Ferries : départ de Roscoff à 20h00 et arrivée le lendemain matin à Cork, nous avons traversé sur le Pont Aven. Le navire est récent, en très bon état, et on peut réserver des cabines avec balcon privées qui sont magnifiques !
Hébergement
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Nous avons réservé The Boat House, une maison au bord de l’eau avec une vue magnifique et un mouillage privé. C’est l'un des hébergements proposés par les propriétaires de ce complexe, qui est un ensemble de maisons et d’appartements, au milieu d’une presqu’île privée. Cerise sur le gâteau, il y a une grande piscine commune et chauffée à disposition. Les logements magnifiques, le parc autour des maisons est superbe, et les propriétaires, des gens charmants, peuvent aussi vous louer des semi-rigides d’environ 5,50 m.
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www.inishbeg.com
Documents nautiques
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Le pilote côtier d’Alain Rondeau n°10 "Cornouailles Scilly Irlande SW" - Guides Fenwick.
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Une carte papier pour préparer, une carte électronique pour la navigation.
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L’application pour iPhone de Navionics "UK et Hollande" donne les marées à tous les endroits et les prévisions de vents qui vont avec.